Hausse des prix des médicaments : Les malades dans la tourmente

Les Mauriciens subissent une hausse généralisée des prix de plusieurs médicaments, hausse à laquelle plusieurs patients n’arrivent pas à faire face. Qui plus est, il semble qu’il y a une pénurie de certains médicaments, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les pharmacies privées. Mais c’est l’attitude du gouvernement qui semble la plus étrange : aucune politique pour revoir les frais d’enregistrement des médicaments ou pour contrôler le prix de ces derniers, ou encore, aucune stratégie d’importation basée sur les médicaments génériques, qui coûtent beaucoup moins cher que les médicaments commerciaux. Pendant ce temps, c’est la « panique », selon une pharmacienne,  chez des patients cardiaques ou ceux qui souffrent de problèmes respiratoires.

Durant l’année écoulée, les prix de plusieurs médicaments ont connu une hausse drastique, ce qui fait que le prix de revente de ces produits pharmaceutiques devient exorbitant pour de nombreux patients, qui éprouvent beaucoup de difficultés pour pouvoir se procurer ces médicaments.

Cette information nous a été confirmée par des importateurs et des pharmaciens.

En faisant un tour d’horizon dans quelques pharmacies à travers l’ile, nous pouvons constater de visu que les prix des médicaments ont drastiquement changé. Le tableau ci-dessous donne une indication du changement des prix de quelques  médicaments durant ces derniers temps. Notons que cette liste n’est pas exhaustive.

MaladieMédicamentsPrix en 2019Prix en 2020Prix en 2021
DiabètesGalvus Met 50/1000Rs 493Rs 530Rs 693
DiabètesGalvusRs500Rs 550Rs 669
DiabètesGlucophage XR 1000Rs 330Rs 390Rs 431
Maladie des yeuxAzoptRs 639Rs 749Rs 827
HypertensionHamlo Denk 10Rs 450Rs 470Rs 551

Pourquoi cette hausse ?

Avec le chamboulement causé par la pandémie de covid-19, de nombreux produits ont connu une hausse, y compris les médicaments.

Maurice ne possédant pas d’industrie pharmaceutique, les médicaments doivent être nécessairement importés de différents pays. Ainsi, la dépréciation de la roupie a grandement affecté les importateurs locaux, et par ricochet, a été un véritable coup de massue pour les consommateurs, y compris pour les utilisateurs de médicaments. Les achats de médicaments se font en devises étrangères et les expéditions sont réalisées par voie maritime ou aérienne. C’est le taux de change en vigueur lors de la date d’arrivée de la livraison à Maurice qui est applicable.

Les frais d’enregistrement des médicaments : une mesure qu’il faudrait revoir

Selon un pharmacien du privé, ce sont les frais d’enregistrement qui doivent être montrés du doigt.

En mars 2016, le Conseil des ministres avait pris une mesure qui est toujours décriée par les importateurs de produits pharmaceutiques : l’imposition des frais pour l’enregistrement des médicaments.

Ainsi, pour chaque médicament importé, l’importateur doit faire enregistrer ce médicament et débourser Rs 5 000 comme frais d’enregistrement. Frais qui sont répercutés sur les consommateurs…

Jayen Chellum, de l’ACIM, demande à ce que le gouvernement revoie d’urgence cette mesure.

L’impact de cette hausse sur les consommateurs 

De nombreux patients, avec un budget restreint, ne peuvent pas se permettre d’acheter des médicaments essentiels au prix actuel.

Nous avons aussi recueilli quelques témoignages de ces patients.

Abdool suit un traitement contre l’hypertension. Il nous confie qu’il a l’habitude d’acheter plusieurs médicaments pour ses problèmes de santé. Avec la hausse du prix des médicaments, il avait diminué la quantité des médicaments qu’il devait prendre et s’était tourné vers les médicaments ayurvédiques comme alternative. Il trouve que c’est plus commode de se pencher vers les produits médicinaux vu que selon lui, on s’achemine vers une pénurie de médicaments dans les jours à venir.

Pour sa part, Fatimah, âgée de 87 ans, nous explique qu’elle doit faire face à plusieurs problèmes de santé, tels que l’hypertension, le diabète et les problèmes cardiaques.

De ce fait, les hausses des prix des médicaments ont eu un impact majeur sur elle, alors qu’elle ne dépend que de sa pension de vieillesse pour pouvoir survivre. Actuellement, elle ne sait pas trop quoi faire face à ces augmentations.

ACIM : « Le gouvernement doit prendre les mesures qu’il faut »

Jayen Chellum, le secrétaire-général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), aborde quelques aspects du problème.

Il avance que si le gouvernement prend les décisions qu’il faut, on pourrait revoir à la baisse le prix des médicaments, et pallier au manque des médicaments sur le marché.

Les patients, voire les médecins, privilégient les médicaments originaux et évitent les médicaments génériques. Toutefois, Jayen Chellum estime que les médicaments génériques, bien que plus bon marché, sont généralement d’une qualité équivalente aux médicaments originaux. Or, ces médicaments génériques auraient pu pallier au manque de médicaments, et soulager les petites bourses.

Toutefois, un médecin généraliste nous fait ressortir que les patients sont souvent plus habitués avec certains médicaments que d’autres et sont réticents à utiliser des médicaments génériques ou autres alternatives.

Jayen Chellum nous indique aussi qu’en Angleterre, un pharmacien a le droit de prescrire un médicament alternatif si le médicament prescrit par le médecin n’est pas disponible sur le marché, mais néanmoins à Maurice, les pharmaciens n’ont pas l’autorisation de faire cela.

Il nous explique aussi que beaucoup de personnes ne vont pas à l’hôpital de peur d’attraper la covid-19 et préfèrent se tourner vers les pharmacies pour pouvoir acheter leurs médicaments, une pratique qui peut aggraver le problème.

Traversons-nous une période de rigide pénurie ?

Dans une pharmacie des hautes Plaines-Wilhelms, un vieil homme présente désespérément une prescription issue d’un hôpital public, demandant si les médicaments prescrits étaient disponibles. « Lopital ine dir moi pena medcine, ale acheter dans pharmacie », explique-t-il à la pharmacienne.

Le vieil homme nous explique qu’il est même parti au dispensaire de sa localité pour tenter d’avoir ces médicaments, mais peine perdue. « Dispensaire dir moi li en rupture et mo bizin al acheter plito. Mo bizin fer ene budget pou kapav aster sa ban médecine la », nous explique-t-il.

La pharmacienne nous fait part que cela se produit tous les jours : « Les gens viennent chez nous avec une prescription de l’hôpital, car la pharmacie de l’hôpital n’a plus certains médicaments en stock. »

Elle nous explique  qu’il s’agit souvent des médicaments essentiels comme le Losartas ou l’Amlodipine (contre l’hypertension) ou le Rosuvas (contre le cholestérol) qui sont les plus souvent en rupture de stock.

Selon nos recoupements, le médicament Caditone 6.25, utilisé par des patients cardiaques, est actuellement en rupture de stock à l’hôpital SSRN et dans les dispensaires depuis voilà 2 mois.

«Dans l’immédiat, des patients de l’hôpital sont parfois référés aux pharmacies privées où des alternatifs pour ces médicaments peuvent être disponibles », nous explique la pharmacienne.

Mais ce n’est pas tout le temps qu’il y a des médicaments de substitution dans les pharmacies. Des médicaments importants sont apparemment introuvables sur le marché depuis voilà un bon bout de temps, pénurie qui sévit dans les hôpitaux, comme dans les pharmacies privées.

Ces pénuries sont souvent dues à un retard dans l’approvisionnement et dans la livraison, résultant souvent d’un manque de communication entre le fabriquant et les services de santé. Le problème peut aussi parfois venir des pays fournisseurs.

De leur côté, les importateurs préfèrent miser surles produitsqui sont plus «fast moving ». Comme un médicament peut être importé par un seul importateur, il peut y avoir un réel ralentissement sur le marché si ce dernier veut se tourner vers l’importation d’autres produits. « S’il y a rupture de stock chez un importateur, ce sont toutes les pharmacies qui subissent les conséquences », nous explique un autre pharmacien.

Mais ce n’est pas la première fois que nous faisons face à cette situation. S’il y a eu toujours eu des problèmes de pénurie de médicaments,ils étaient beaucoupmoins fréquents dans le passé.

Hors-texte 1
« C’est la panique chez les patients »
Ces pénuries ne sont pas sans conséquence et c’est un problème qui devientvraiment grave pour de nombreux patients, surtout ceux souffrant de problèmes respiratoires.

Selon une pharmacienne, beaucoup de médicaments pour les problèmes respiratoires sont introuvables chez les pharmaciens du privé. Ainsi, le Foracort 200, le Spiriva ainsi que le Ventolin et Pulmicort Nebules restent introuvables. «  Ce sont des médicaments essentiels pour lesquels il n’y a pas forcément d’alternative ou des alternatives qui ne sont pas conseillés », déplore-t-elle. « C’est la panique chez les patients. »

Hors-texte 2
Le ministère de la Santé  « Il n’y a aucune pénurie de médicaments »
Au niveau du ministère de la Santé, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Aucune pénurie de médicaments n’est à déplorer, selon le responsable du service de presse. « Nos avons une réserve couvrant une période de six à huit mois, et il n’y a aucune pénurie », nous indique-t-il.