I ORDER YOU OUT!

EDITO

 De quelle dignité, de quelle discipline et de quel décorum parle-t-on quand chacune de ces valeurs, chacun de ces principes, est avant tout une question de droiture, d’honnêteté et d’attachement aux devoirs de la justice et de la morale ? Candidate battue aux dernières élections générales, Maya Hanoomanjee doit sa nomination comme présidente de l’Assemblée nationale parce qu’elle est issue des rangs du MSM et parce qu’elle est la cousine de sir Anerood Jugnauth, invitée comme telle d’ailleurs selon l’ancien Premier ministre, à une fête privée à la Clarisse House, jadis résidence officielle et bureau du chef du gouvernement, donc bâtiment public entretenu des fonds des contribuables. Combien intime puisse être ce lien de parenté, ne voyez-vous pas qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du roi soleil ?

Qu’on le veuille ou non, Maya Hanoomanjee n’est donc pas « the right person in the right place ». La motion de blâme avait toute sa raison d’être. « She is the one to be ordered out » parce qu’elle est mal placée pour préserver la dignité de la Chambre. Chaque honorable membre, qu’il soit de la majorité ou de l’opposition, qui s’adresse à la présidence doit avoir l’intime conviction qu’il sera traité en toute impartialité et dans le respect des règles  parlementaires. Généralement parlant, si certains élus de la majorité se moquent de cette perception d’équité, vous imaginez les réserves qu’entretiennent les députés de l’opposition quand ils ont à faire face à un Speaker ou un Deputy Speaker dont la partialité est prononcée. Au lieu de faire honneur à ses responsabilités et aux Règlements intérieurs (‘Standing Orders’) du  Parlement, il fausse les débats et le jeu démocratique dès qu’il laisse apercevoir un soupçon de parti pris. À l’Assemblée nationale, au cours de cette présente législature, certaines décisions et certaines interventions de la présidence ont justifié certains doutes quant an manque d’indépendance pour protéger la dignité de l’institution.

Deux hommes politiques, Paul Bérenger, expulsé mardi par un novice pour une raison que le leader du MMM dit toujours ne pas connaître, et Razack Peeroo, Senior Counsel et ancien Speaker qui nous a accordé une interview cette semaine, les deux ayant fait leur entrée au Parlement en 1976, donc chevronnés comme tout, affirment que l’expulsion doit être la sanction suprême. Mais que voyons-nous ? Pour un oui ou un non, on est en train d’abuser de ce carton rouge, prouvant qu’on ne peut maîtriser la situation, chaude quelle soit, et se maîtriser parce qu’en soi, on se sent blessé dans son orgueil ou dans ses affinités politiques. Or, un président d’une Assemblée nationale doit être dicté dans ses paroles et ses actions par une seule considération : celle prescrite par les Standing Orders pour des travaux parlementaires conformes aux attentes de ce pilier de la démocratie qu’est le législatif. Si un arbitre expulse à tout bout de champ, que restera-t-il sur le terrain ? L’équipe qu’il protège et lui. De quoi décevoir les spectateurs puisqu’il n’y aura pas de match et pas de résultat.

Comme si « I order you out ! » est devenu l’ordre du jour de certains de nos gouvernants, nous avons assisté, jeudi après-midi, à l’expulsion de notre confrère Axcel Chenney de la conférence de presse du chef de la diplomatie mauricienne. C’est un Vishnu Lutchmeenaraidoo acculé qui a prié le journaliste de l’express de quitter la salle où la presse était conviée pour que le ministre des Affaires étrangères s’explique et se justifie sur une affaire somme toute personnelle. Convoquer des journalistes pour traiter un des leurs de « sacré menteur », vous réalisez le niveau où on est tombé quand on est contraint et dans l’impossibilité de répondre et d’agir en faisant preuve de tact et de sérénité…