Sir Abdul Razack Mohamed (1906-1978)
Le 1er août 1906 naquit à Calcutta un homme qui, de par ses qualités exceptionnelles de leader et d’homme politique, allait changer le destin de la nation mauricienne. Sa stratégie et son intelligence auront été déterminantes pour que nous devenions un État libre et indépendant. Lorsque l’on commémorera, demain, les 110 ans de la naissance du regretté Sir Abdul Razack Mohamed, on ne manquera sans doute pas de souligner que sans son soutien, sans l’obtention de certaines garanties sur lesquelles il avait insisté, nous n’aurions pas obtenu notre indépendance et nous ne serions pas devenus un peuple souverain…
Zahirah Radha
Nous sommes en 1924. Le jeune Abdul Razack, 18 ans, débarque à Maurice par bateau. Le fils du multimillionnaire Khan Bahadur Hadji Zackariah Mohamed, un importateur et exportateur indien, vient s’occuper du commerce de son père, le seul à survivre le crash suivant des spéculations sur des denrées alimentaires. De notre pays, il importait le sucre. C’est en étant sur notre sol qu’Abdul Razack apprend le décès de son papa Zackariah. Rien à faire, il doit observer le deuil ici.
Un jour, il décide de rentrer et met le cap sur sa ville natale. Une fois à Calcutta, il se marie avec Mariam avant de retourner au pays. Quatre enfants naissent de cette union : Amina, Zackariah qui mourra à l’âge de 3 ans, Zohra et Salma. Abdul Razack Mohamed contractera par la suite un second mariage. On est en 1932. Ghislaine, l’élue de son cœur, se convertira à l’Islam et deviendra Zainab. Elle lui donnera six enfants, quatre garçons et deux filles. L’aîné est prénommé Yousuf, suivi de Fatma, Abdul Rahim, Aisha, Abdul Rashid et Ismaël. Les enfants, issus des deux mariages, vivront en parfaite harmonie.
Lors d’un transit en Colombie, l’homme d’affaires Abdul Razack fait la connaissance du Maulana Abdul Aleem Siddiqui. Il le recevra à Maurice en 1938 et le célèbre dignitaire religieux sera l’hôte des Mohamed à Quatre-Bornes l’année suivante. C’est lui qui conseillera au père de Yousuf de se jeter dans l’arène politique. Homme de compassion, le grand tribun compte de nombreuses et généreuses contributions pour payer l’écolage et acheter du matériel scolaire pour des enfants défavorisés de toutes les communautés. Grâce à l’éducation assurée par leur bienfaiteur, beaucoup sont devenus des fonctionnaires ou des professionnels du privé. C’est en association avec les Dawood Abdool Raman, Aboobakar, Currimjee et autres Dr Joomaye qu’il s’est lancé dans le projet de fonder un Muslim Orphanage. L’orphelinat pouvait ainsi opérer selon les préceptes islamiques tout en évitant aux jeunes orphelins musulmans de finir dans des couvents.
Parmi ses nombreuses autres réalisations, relevons le droit de faire appel à la prière par haut-parleurs, celui des fonctionnaires de se rendre à la mosquée pour la prière du vendredi, les trois jours fériés (Eid, Bakreid et Yaum-un-Nabi) dont deux perdus sous SAJ, son combat pour la Muslim Personal Law (MPL), etc. Sa participation à la Conférence constitutionnelle de Londres a permis à Maurice de se libérer du joug colonial et pour que son vote soit acquis, il a eu à faire regretté sir Seewoosagur Ramgoolam accepter certaines conditions pour sauvegarder les droits des minorités. Homme de parole et de probité, SARM a été un père très sévère et discipliné à chaque fois qu’il a été question de l’éducation séculaire et islamique de ses enfants.
Lord-maire en 1949, 1953 et 1956, sir Abdul Razack Mohamed a été Deputy Prime Minister, ministre du Logement et des Terres et ministre de la Sécurité sociale entre 1967 et 1976. Avant sa mort, il devait conseiller à son héritier politique Yousuf de ne pas « let down your community ». Il est décédé, le 8 mai 1978, à Rose-Hill. À sa mort, il n’avait que Rs 2 000 sur son compte bancaire, ayant tout donné aux pauvres, y compris son lump sum. Il a été inhumé au cimetière de Bois Marchand.