Indifférence criminelle

Pour la première fois depuis le début de la pandémie Covid-19 en mars 2020, notre rédaction a été atteinte de plein fouet par ce virus cette semaine. Ce qui nous a contraint de modifier légèrement notre pagination, en comptant sur l’indulgence de nos lecteurs. Ce qui nous interpelle cependant, c’est la montée en flèche du nombre de cas de contamination et le nombre fulgurant de morts. Officiellement, il y en a eu 156 depuis mars 2021. Un chiffre qu’on sait nettement supérieur si l’on prend en compte, outre une manipulation révoltante et honteuse de ces statistiques, les décès attribués aux comorbidités et possiblement d’autres qui ne sont pas répertoriés par les autorités. Pour une fois d’ailleurs, le ‘Deputy Prime Minister’ Steve Obeegadoo a vu juste. « Il y a trop de décès […] même vaccinés, il y a des patients qui meurent », a-t-il concédé.

Mais que font justement les autorités pour pallier à la situation ? La vaccination est un « game changer », martèle sans arrêt le ministre de la Santé Kailesh Jagutpal. Ce qu’il ne dit pas, c’est que le variant Delta attaque et tue les personnes âgées comme les jeunes, vaccinés ou pas. Le mécanisme qu’il a pris en place est clairement dysfonctionnel, rendant la situation hors contrôle. Il faudra donc rehausser et redoubler de vigilance pour freiner les contaminations grandissantes. Outre la préservation des vies humaines, la reprise de nos activités économiques, dont le tourisme, dépend énormément de la gestion de la pandémie. Des infections en hausse la paralyseront automatiquement. D’où l’urgente nécessité de revoir la gestion et le traitement de la Covid-19 avant que notre pays, notre économie et nos ressources humaines, ne s’écroulent sous le lourds poids de ce virus mortel.

Les dysfonctionnements sont nombreux, mais pas inconnus des autorités puisque des patients, des proches de victimes et des professionnels de santé d’ici et d’ailleurs ne cessent de les énumérer. L’entêtement des autorités nous mène clairement vers une situation explosive. Pourtant, elles auraient pu choisir d’ouvrir grand leurs oreilles et de prendre les taureaux par les cornes pour l’assainir. Mais elles s’obstinent à camper sur leur position, laissant entrevoir une indifférence criminelle face à la mort angoissante de nos compatriotes en auto-isolement devant l’impuissance de leurs proches, choqués, perturbés, affligés, par autant de cruauté, leurs appels à l’aide aux autorités restant souvent vains. Qui poursuivra le gouvernement pour non-assistance à personne en danger ?

Pendant ce temps, le Premier ministre s’amuse à cracher son venin, lors de chacune de ses sorties en marge de la fête Divali, sur une section de la presse qu’il qualifie d’antipatriote. Pravind Jugnauth est-il, lui, un patriote ? En tant que chef du gouvernement et président du ‘National Covid-19 Committee’, que fait-il pour améliorer la gestion de la Covid-19 qui aurait dû être sa plus grande priorité du moment ? Que fait-il pour améliorer le traitement prodigué à l’hôpital ENT ? Que fait-il pour soulager la détresse des patients positifs en auto-isolement ? Quelle mesure prend-il pour revoir le mécanisme de la ‘Domiciliary Monitoring Unit’ (DMU) qui est jusqu’ici clairement dysfonctionnel ? Recrute-t-il davantage de personnel médical et paramédical pour renforcer les capacités de prise en charge dans nos hôpitaux ? Peut-il nous dire si le nécessaire a été fait pour équiper nos établissements hospitaliers par ces moments éprouvants, surtout quand un manque d’ambulances, entre autres, est décrié ?

Le Premier ministre n’a sans doute pas pu prendre connaissance de la mort tragique de la jeune femme de 22 ans, atteinte de Covid-19, hier, puisqu’il a dû mettre le cap sur Glasgow pour participer à la COP26 (ironique à la lumière de l’‘Offshore Petroleum Bill’ présenté au Parlement mardi). Pour qu’on minimise le nombre de décès affligeants liés à la Covid-19, on espère sincèrement qu’à son retour au pays, Pravind Jugnauth, en bon patriote et Premier ministre, se penchera sérieusement sur la mise en place d’un nouveau protocole, soutenu par une équipe médicale et paramédicale élargie et d’équipements suffisants au lieu de gaspiller inutilement ses énergies. Faire la leçon sur le patriotisme est une chose. Mais l’adopter est une autre.