Intempéries et drains : La bataille perdue du gouvernement

À quand une vraie solution ? À chaque fois qu’il pleut abondamment, le pays se retrouve sous les eaux. Ces accumulations d’eau ne datent pas d’hier et depuis des années, les gouvernements successifs ont commandité plusieurs études et plusieurs comités mis sur pied. Des dizaines de recommandations ont été faites mais la solution tarde à venir. Faisons-nous fausse route avec les types de drains en construction à Maurice ? Le point sur la question.

Marwan Dawood/ Shrishti Badoye

Au cours des 10 dernières années, des travaux de construction d’un réseau national de drains vont bon train. Onze ans après l’inondation de Mon Goût en 2008, Maurice se bat toujours contre les inondations chaque année. Et entretemps, nous subissons toujours les inondations, avec perte de vies humaines en mars 2013. Si les autorités affirment que des travaux sont en cours, certaines zones continuent de subir ces calamités, dont plusieurs régions de Port-Louis et l’Est du pays.

Par ailleurs, à la suite des inondations de 2008, un comité d’enquête avait été institué par le gouvernement de Navin Ramgoolam, présidé par le juge Bushan Domah. Ce dernier avait conclu qu’il y avait un problème de drains pour l’évacuation des eaux. Il avait d’abord recommandé l’aménagement d’un réseau national de drains et la création d’un Disaster Management Center.

Selon les responsables de la National Developement Unit (NDU), Rs 720 millions seront injectées dans la construction des drains pour cette année financière. Durant ces dernières cinq années, l’État a investi Rs 7 milliards dans la construction de drains à travers le pays. Des projets sont prévus dans plusieurs régions de l’île.

Toutefois, au niveau de la NDU, l’on souligne que les travaux, programmés depuis 2013, sont à mi-chemin. « Avec les élections de 2014, les travaux ont été ralentis », a fait part la même source. « Les travaux sur 50 % des sites ont été complétés, alors que d’autres sont en cours. Des travaux sont notamment prévus à Rose-Belle, Grand-Baie, Clemencia, Port-Louis, Argy, Sébastopol. »

Mea culpa du gouvernement, via Sinatambou

Le ministre de l’Environnement, Étienne Sinatambou,  participait à l’ouverture d’un atelier de formation sur la gestion des catastrophes naturelles (Operational Disaster Management of Local Emergency Operations Command) à l’hôtel Ravenala Attitude, à Balaclava, cette semaine. Il a souligné l’importance de prévenir les catastrophes naturelles avant que celles-ci ne se manifestent.  « Il est aujourd’hui important de gérer les risques de désastre. En 2015, nous avons revu les « Natural Disasters Schemes », ainsi que tous les protocoles qui sont déclenchés avant, pendant et après un désastre, que ce soit pour une pluie torrentielle, un cyclone, un tsunami ou un tremblement de terre. Désormais, il y a un protocole pour n’importe quel désastre », a déclaré le ministre de l’Environnement.

Étienne Sinatambou estime lui que les drains constituent un des plus gros problèmes à Maurice, d’autant que certains, dit-il, sont « mal construits et entretenus ». Il poursuit : « En 2018, avec l’amendement de la Local Government Act, si une personne construit illégalement sur un drain ou à côté d’une rivière, il est désormais passible d’une amende », affirme-t-il. Concernant la Journée internationale du Recyclage, observée ce lundi 18 mars, le ministre Sinatambou a indiqué que le gouvernement élabore en ce moment une National Solid Waste Management Strategy ainsi qu’un projet sur la dépollution des véhicules abandonnés. Les différentes parties des véhicules seront par la suite recyclées, a-t-il informé.

Changement dans la structure des drains… problématique !

Depuis quelque temps, les autorités ont pris la décision  de remplacer les drains en pierre, datant de l’ère coloniale, par ceux en béton, ce qui fait  tiquer en particulier les Portlouisiens. Ces drains, les vestiges d’une période historique, donnaient à la capitale son cachet. « Nous avons un bon réseau de canalisation. C’est la culture de maintenance qu’il faut », lance d’emblée un ingénieur. Selon lui, le nettoyage des drains doit se faire toutes les semaines. Ensuite, il explique qu’il ne faut pas les recouvrir. Autre suggestion : ne pas faire du bétonnage. « Il faut prendre en considération la hauteur des bâtiments. Avant de donner un permis, il faut s’assurer que le bâtiment soit plus haut que le niveau de la route.» Il ajoute que les drains doivent être plus larges et plus profonds à cause des pluies intenses.

L’ingénieur affirme que la Land Drainage Authority doit être opérationnelle au plus vite pour développer une approche plus holistique et intégrale du problème et aussi durable. Pour notre interlocuteur, il faut également comprendre l’occurrence des inondations soudaines en tant que phénomène mondial croissant, nécessitant une préparation adéquate et des protocoles clairs. Deux types de drains sont choisis. Si c’est pour une habitation, dans une ville très fréquentée par des véhicules, les drains en béton sont privilégiés. Quant aux drains construits dans les faubourgs, ils sont en maçonnerie.

Du côté de la Road Development Authority (RDA), on privilégie également le béton armé pour le système de drains sur les routes classées. On explique que ces drains sont conçus pour évacuer les débits (volume d’eau qui traverse une surface) de la route. Où l’eau est-elle déversée ? Les drains sont conçus d’une telle façon que l’eau se déverse soit dans les rivières, dans la mer, dans des cours d’eau ou dans d’autres canaux existants.

 

Selon l’ingénieur Reshad Lalmohamed, les drainages ne sont pas construits selon les normes lors de l’accord du contrat. Aussi quand il avait référé l’affaire à un PPS et un ingénieur de la NDU, ils n’ont rien pris comme action et se sont défendus en disant que ces drains sont faites gratuitement. En conclusion : « Zot pé zette l’argent public dans vide ! ». En construisant les drains, ils n’ont pas tenu en considération le « higher water mark», en considération du fait que les anciens drains datent de l’ère coloniale française, environ 300 années de cela. Vu que Port-Louis est très ancienne, les drains ne doivent pas être couverts.

C’est quoi le « higher water mark » ?

Le « higher water mark » est le point le plus haut de la valeur atteint par le fonds ou le compte d’investissement. Ce terme est souvent employé dans le contexte de la rétribution des gestionnaires de fonds, qui est basée sur la performance. La marque haute garantit que le gestionnaire ne reçoit pas de grosses sommes pour de mauvaises performances.

 

Descriptions générales et principales de réseaux de drainage

Il faut savoir qu’un système de drainage fait partie d’un système plus global et qu’il doit donc bien être planifié, conçu, développé et entretenu en considérant lors de la planification non seulement les autres infrastructures en contact avec de l’eau (aqueduc, égout sanitaire) mais aussi les infrastructures enfouies de gaz, d’électricité, et d’autres, et aussi les espaces verts ou parcs, ainsi que le système de transportation.

En effectuant une coordination efficace entre ces différents systèmes, de nouvelles opportunités pourront être identifiées et cela pourrait être utile pour l’identification et la mise en œuvre des systèmes de drainage bien intégrés à l’environnement. Il y existe un réseau mineur et un réseau majeur, le réseau mineur est celui qui évacuera le ruissellement pour des événements fréquents (récurrence de 2 ans à 10 ans), alors que le réseau majeur entrera en fonction pour évacuer les débits plus rares, jusqu’à une récurrence de 100 ans.

Historiquement, et encore aujourd’hui dans plusieurs cas, la seule conception détaillée qui est complétée est celle du réseau mineur ; pourtant, une planification adéquate pour le réseau majeur constitue souvent la clef pour un bon système de drainage dans un nouveau secteur à développer. Le réseau mineur, s’il est bien planifié et construit, fournira un drainage efficace pour la grande majorité des événements pluvieux et permettra d’assurer que les activités ne seront pas affectées ou interrompues trop souvent. Le réseau majeur permettra quant à lui de protéger les différents secteurs de dommages importants ou de pertes de vie. On doit reconnaître que le système majeur existe toujours, qu’il soit planifié ou non.

L’objectif visé lors de la conception des réseaux de drainage doit être de fournir un haut niveau de service tout en ne causant pas d’impacts inacceptables en aval ou ailleurs sur un site. Le choix d’un niveau de service global doit évidemment se faire en tenant compte du coût global des systèmes et aussi du fait que le niveau de service offert par un système peut dépendre de l’interaction entre les différentes composantes. Par le passé, le niveau de service était établi d’une façon relativement simple, en concevant à titre d’exemple le réseau de conduites pour accepter les débits rattachés à un événement pluvieux de récurrence, en prévoyant des puisards à des intervalles souvent prédéterminés et en assumant que toute l’eau ruisselée pour l’événement de conception entrait au réseau mineur. Le niveau de service réel des systèmes conçus de cette façon pouvait être différent d’un tronçon à l’autre. De plus, l’existence d’un écoulement sur le réseau majeur pour des événements plus rares était typiquement ignorée, ce qui fait que les profondeurs d’eau et les débits pour le réseau majeur n’étaient pas analysés de façon détaillée et que, par conséquent, le niveau de protection réel pour les inondations de surface n’était pas vraiment connu.