INTERVIEW de Ravi Rutnah, député du Muvman Liberater (ML): « Il y aura le plein-emploi»

 L’un des membres fondateurs du Muvman Liberater, Ravi Rutnah, qui est aussi député de la circonscription no 7 et ‘Deputy Chief Whip’ de la majorité, soutient qu’il n’y aura jamais de ‘revival’ du Parti travailliste tant que Navin Ramgoolam sera à la tête du parti. « Si aujourd’hui Emmanuel Anquetil, Maurice Curé, Guy Rozemont et Renganaden Seeneevassen étaient en vie, c’est sûr qu’ils auraient donné une claque à Navin Ramgoolam pour avoir mené le pays dans un précipice », dit-il. Dans une interview, qu’il a accordée au Sunday Times, l’avocat-député affirme également que Paul Bérenger a le même droit constitutionnel et moral comme n’importe quel Mauricien pour se présenter comme Premier ministre.

 Sanjay BIJLOLL

 

Q : Le député du no 6 (Grand-Baie-Poudre d’Or), Sangeet Fowdar, a été suspendu de toutes les instances du Muvman Liberater, Quels sont vos commentaires à ce sujet ?

R : C’est une décision prise par le Bureau politique du Muvman Lberater suite à des échanges des propos qui ont eu lieu entre Sangeet Fowdar et les membres du parti. L’affaire a été débattue au sein du comité exécutif. Attendons les développements avant de commenter davantage.

 

Q : Me Ravi Rutnah, vous êtes nouveau en politique et pourtant, pour votre nouvelle investiture, vous êtes le colistier de sir Anerood Jugnauth et de Vishnu Lutchmeenaraidoo, peut-on dire que vous êtes bien né politiquement ?

R : Il ne faut pas oublier que je ne suis pas nouveau en politique. Je pense que vous vous êtes basé sur un article, paru dans un quotidien et dans lequel on m’avait traité de novice dans le domaine politique.

En fait, je fais de la politique active dès mon enfance. Lorsque j’avais 14 ans et j’étais membre régional du no7 (Piton/Rivière-du-Rempart). J’ai toujours suivi la politique au niveau local et international malgré mon absence du pays pendant un bon bout de temps.

Bien sûr, je fais mes premiers pas à l’Assemblée nationale. J’ai eu la bénédiction de sir Anerood Jugnauth et de Vishnu Lutchmeenaraidoo, qui m’ont toujours conseillé de faire la politique en toute  sincérité, honnêteté et intégrité.

 

Q : Pourquoi avoir choisi le Muvman Liberater plutôt qu`une autre formation politique ?

R : C’est une question de principe. Quand j’ai claqué la porte au MMM, soit après les manigances de Paul Bérenger pour avoir sollicité une alliance avec le Parti travailliste de Navin Ramgoolam. Il n’était pas question d’adhérer à un parti quelconque. Moi, je voulais préserver la politique militantisme, pour laquelle j’ai été formé au MMM, qui représentait  les vraies valeurs de la classe des travailleurs et de la population. Alors, j’ai décidé de parler à mon leader Ivan Collendavelloo pour lancer un autre parti politique qui représentera les valeurs et la voix de la classe des travailleurs et des Mauriciens.

 

Q : Pourquoi les jeunes s`intéressent-ils de moins en moins à faire de la politique active ?

R : Je dois dire que les jeunes d’aujourd’hui sont dégoûtés de la politique. Ils n’apprécient guère la façon dont elle est pratiquée par certains politiciens dans notre pays. Par exemple, au MMM, depuis les 45 dernières années, il y a eu un seul leader et les dirigeants de ce parti, aujourd’hui dépassés, ne représentent nullement le futur. Avec le Parti travailliste de Navin Ramgoolam,  c’est la même chose. Les vieux ont accaparé le terrain sur le plan politique pour empêcher les jeunes de s’y intéresser. Or, nous, au Muvman Liberater, nous faisons la politique autrement afin d’encourager les jeunes qui ont confiance en nous à se joindre à notre parti, qui reflète la société contemporaine.

 

Q : Ravi Rutnah, vous avez fait une entrée tonitruante au sein du barreau mauricien, ensuite on n’a plus entendu parler de vous.  Est-ce que vous avez été happé par le système ?

R : Quand je suis retourné à Maurice en 2010, j’ai défendu beaucoup de cas, qui étaient politiquement controversables. Mais il ne faut pas oublier que j’étais victime d’un système qui m’a terrorisé. Cela m’a fait rester au pays pour que je mène la lutte contre l’ingérence politique  dans toutes nos institutions.

 J’ai toujours dit qu’au sein du barreau, du judicaire et de la police, il faut qu’on vienne avec des réformes. Vous  vous souvenez sans doute de ma lutte en solo contre les actes de brutalités policières et la ‘provisional charge’. Et quand moi, j’ai lutté seul, le Bar Council et beaucoup d’avocats ne m’avaient jamais épaulé, alors que maintenant ils se font entendre. 

Je suis d’opinion que le système actuel est dépassé et est demeuré inchangé depuis des années. Selon moi, c’est un système archaïque qui ne fait pas honneur à un pays démocratique. Il faut changer beaucoup de choses.

 

Q : Jusqu’à présent vous voulez lutter pour un système plus juste ?

R : Oui, certainement. Autant que je sache, l’Attorney General m’a promis qu’il viendra très bientôt avec le « Police & Criminal Evidence Bill », qui va changer la façon dont la police mène l’enquête ainsi que la ‘provisional charge’.

En ce qui concerne le judiciaire, je dirais que je continue à militer pour la constitution d’une ‘ Judicial Complaints Commission’, présidée par un juge respectable du Commonwealth. Il faut aussi revoir la façon dont on recrute les ‘prosecutors’, magistrats et juges ainsi que l’introduction de ‘video recordings’ de tous les procès devant la cour. Tous les cas de criminels aux Assises doivent aussi être faits par un ‘jury trial’.

 

Q : Maintenant que vous êtes entré de plain-pied dans la politique, pouvez-nous dire, en tant que jeune élu, ce qu`il faudrait faire pour insuffler de nouvelles orientations chez nos politiques ?

R : Je crois que nous vivons dans une période transitoire de la politique à Maurice avec des jeunes élus comme Roshi Bhadain, Manish Gobin, Sanjeev Teeluckdharry, Soodesh Callichurn, Sudhir Seesungkur, Roubina Jadoo, Adrien Duval, Yogida Sawmynaden, Sandhya Boygah, qui font partie du gouvernement de l’Alliance Lepep. La population a, sans doute, remarqué que les leaders SAJ et XLD sont en train de préparer la relève dans leurs partis respectifs contrairement à ce qu’on voit dans d’autres partis politiques du pays.

 

Q : Le leader du MMM, Paul Bérenger, a décidé de se présenter comme Premier ministre lors des prochaines élections générales. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

R : Moi, je fais partie des personnes qui habitent dans les régions rurales. Dans le passé, j’ai milité pour qu’un jour Paul Bérenger devienne Premier ministre du pays. Il est Mauricien et il a le même droit constitutionnel et moral comme n’importe quel Mauricien qui aspire à ce poste. Je ne peux maintenant hypocritement dire que Paul Bérenger ne peut se présenter comme Premier ministre. Si le peuple décide de porter son choix sur le  leader du MMM, ce sera son choix car le pouvoir est toujours entre les mains des Mauriciens. Toutefois, je veux faire ressortir que le comportement de Paul Bérenger en ce moment ne fait pas honneur à sa personne.

 

Q : Que voulez-vous dire par là ?

R : Son comportement au Parlement n’est pas correct. Il critique toutes les décisions gouvernementales avec une grande méfiance et ce en adoptant une pratique politico-politicienne au lieu d’une pratique politique-technique.

 

Q : Comment expliquer les nominations des proches des politiciens ?

R : Quand on est au pouvoir, voulez-vous qu’on nomme Pradeep Jeeha, Ajay Guness, Patrick Assirvaden et Yatin Varma et les autres candidats battus de l’opposition dans des postes importants pour gérer les institutions publiques de notre pays ? Il faut nommer des gens en qui nous avons confiance et en politique, c’est normal qu’on nomme des gens qui veulent faire progresser le pays. Le gouvernement ne peut nommer des gens corrupteurs et corrompus qui ne chercheront que leur propre avantage.

 

Q : Quid du recrutement ?

R : Ce ne sont pas les ministres qui recrutent. C’est la Public Service Commission (PSC), qui, des fois, délègue le ministère pour recruter des personnes. Il y a un board qui est chargé des recrutements. Ce board est composé de plusieurs membres, qui sont collectivement  responsables de recruter des gens et ce de façon indépendante.

 

Q : Croyez-vous dans le ‘revival’ du Navin Ramgoolam et du Parti travailliste?

R : Si, aujourd’hui,  Emmanuel Anquetil, Maurice Curé, Guy Rozemont et Renganaden Seeneevassen étaient en vie, c’est sûr qu’ils auraient donné une claque à Navin Ramgoolam pour avoir mené le pays dans un précipice. C’est la honte totale pour le 80e anniversaire du Parti travailliste qui n’a rassemblé que 700 personnes à l’auditorium Octave Wiehe, à Réduit.

Il n’y aura jamais de ‘revival’ du PTr tant que Navin Ramgoolam sera à la tête du parti. J’ajouterais que l’une des personnes qui est la mieux placée pour prendre les rênes des ‘rouges’, c’est nul autre que le Dr Arvin Boolell. Or, on sait comment le PTr opère en termes de castéisme. L’histoire se répète aujourd’hui. On n’a jamais donné l’occasion à sir Satcam Boolell de devenir leader du PTr.

 

Q : Le double meurtre de Camp-de-Masque-Pavé a relancé le débat sur la peine de mort. Pour certains avocats et politiques, la peine de mort ne va pas arrêter les crimes. Qu’en pensez-vous ?

R : Certainement, la peine de mort n’est pas la solution pour arrêter les crimes. A chaque fois, quand il y a un crime atroce à Maurice, beaucoup de gens réclament l’introduction de la peine de mort. Moi, je pense qu’il existe un problème grave au sein de la société mauricienne. Les parents ne sont pas en train d’assumer pleinement leur devoir parental comme il le faut ou comme nos grands-parents le faisaient jadis.

Il n’existe plus de ‘baitkas’, ‘patsalas’, ‘maqtabs’ et l’école de catéchisme. Aujourd’hui, les jeunes ne connaissent pas leurs cultures, traditions, religions et valeurs familiales. C’est à cause de ça, que nous constatons une dégradation des mœurs à tous les niveaux dans notre pays.

Je suis d’avis qu’il faut venir de l’avant avec une loi pour réprimander les parents, qui n’assument pas leurs devoirs parentaux correctement. Parallèlement avec l’éducation, il faut réintroduire des ‘baitkas’, ‘patsalas’, ‘maqtabs’ et l’école de catéchisme. On doit prôner un modèle de société, qui réclame tout son droit. Il faut aussi connaître qu’en tant que citoyens de Maurice, nous avons un devoir que « every right has a corresponding duty ».

 

Q : Si demain la suspension de la peine capitale est levée, est-ce que vous voteriez au Parlement en faveur de cette loi ? 

R : C’est sûr que je participerai part aux débats. Mais pour voter en faveur de cette loi,  ce sera « over my dead body ». Cela après l’expérience que j’ai vécue dans l’affaire Hotel Legends, l’affaire Azie et plusieurs autres cas.

 

Q : Que pensez-vous de la convocation  de José Anurasalon au CCID ?

R : Je suis très choqué quand j’ai appris sur les ondes de la radio que José Anurasalon aurait envoyé des courriels anonymes en insultant le leader de mon parti. A un moment donné, il aurait aussi envoyé à mon égard des courriels très offensifs. Pour moi, José Anurasalon n’aurait pas dû se prêter à ce jeu et commettre un tel acte de barbarie. S’il est trouvé coupable, il devra assumer ses responsabilités.

 

Q : Comment s’annonce la rentrée parlementaire pour le gouvernement de l’Alliance Lepep ?

R : En fanfare parce qu’on avait promis au peuple, pendant notre campagne électorale, qu’on va nettoyer le pays, le faire développer et diversifier notre économie. On a jeté les bases et maintenant le travail va commencer au Parlement et ailleurs. Nous allons traduire dans les faits nos promesses électorales pour que notre pays se transforme en un pays phare de l’Afrique. Les jeunes chômeurs vont bientôt trouver la lumière au bout du tunnel, car il y aura le plein emploi.

Personnellement, je m’attends à beaucoup d’attaques personnelles de la part du leader de l’opposition. Mais, je vous dirais que je n’ai pas peur de ‘deal’ avec Paul Bérenger d’une façon « tit for tat », « an eye for an eye et « a tooth for a tooth ».