Le député travailliste de la circonscription no. 2, Osman Mahomed, revient sur le deal piti-mama impliquant le ministre du Logement et des Terres, Steve Obeegadoo. Il est clair, selon lui, que le gouvernement ne se préoccupe que des intérêts de ses proches, au détriment de ceux de la population.
Zahirah RADHA
Q : Que pensez-vous du deal mama-piti ayant trait à la requête de Primerose Obeegadoo pour reconvertir le terrain à bail de presqu’un demi arpent qu’elle détient à la rue Mgr Leen dans votre circonscription (no.2) ?
Je dois d’abord exprimer mon étonnement car je ne savais pas que ce terrain appartenait à l’État jusqu’à ce que la presse en fasse état récemment. Je pensais que la totalité de ce terrain, sur lequel se trouvait le collège Trinity et qui s’étale sur environ un arpent, appartenait à la famille Obeegadoo alors qu’il s’avère qu’un peu moins de la moitié, soit environ 488 toises, appartient en fait à l’État. Et cette partie se trouve justement être celle qui est la plus prisée, puisqu’elle donne sur la rue Mgr Leen au Ward IV.
Ceci dit, des habitants de la localité sont souvent venus me voir pour se plaindre dudit terrain et surtout la partie privée appartenant à la famille Obeegadoo sur la rue St James puisque celui-ci est mal entretenu et leur causait des inconvénients. J’en ai d’ailleurs déjà parlé au ministre Obeegadoo au Parlement. Mais ce qui me surprend le plus, c’est que ce terrain est resté inutilisé pendant une vingtaine d’années alors qu’on aurait pu y construire un complexe sportif. J’ai d’ailleurs posté une vidéo sur ma page Facebook où j’interpellais, en 2021, le ministre des Sports, Stephan Toussaint, sur la construction d’un tel complexe au Ward IV, où un terrain était disponible au Harbour View.
Mais celui-ci comportait apparemment un problème géotechnique, selon le ministre Toussaint qui avait soutenu qu’il fallait chercher un autre terrain pour l’aménagement d’une facilité sportive. Je déplore le fait qu’il soit resté silencieux sur ce terrain à bail inutilisé, tout comme Steve Obeegadoo, également présent au Parlement au moment de mes questionnements.
Q : Ce qui est en contradiction avec la politique du ministère géré par Steve Obeegadoo lui-même, comme le prouve la reprise des terrains initialement alloués pour la construction du centre culturel tamoul et d’autres à Moka, n’est-ce pas ?
Exactement. C’est scandaleux ! Les terrains alloués pour la construction du centre culturel tamoul, à l’Urdu et la Hindi Speaking Unions et à l’Indo Mauritian Catholics Association (IMCA) ont été repris sous prétexte qu’ils étaient inutilisés. Pourquoi cette politique de deux poids deux mesures ? On a ainsi affaire à un ministre qui garde un silence complice lorsqu’il s’agit de sa mère, mais qui agit avec promptitude lorsqu’il s’agit d’autres bénéficiaires. Il ne peut pas plaider l’ignorance. Qui le croirait, d’autant que c’est un terrain dont la valeur s’élève aujourd’hui à environ Rs 30 millions ? N’oubliez pas qu’une toise de terrain dans cette localité au Ward IV, plus précisément à Mgr Leen, est estimée à Rs 65 000. Ce terrain longtemps laissé à l’abandon accueillera maintenant une maison de retraite, tout comme le projet d’Avinash Gopee à Moka, alors qu’il aurait été idéal pour la construction d’un complexe sportif qui aurait bénéficié aux habitants de la circonscription no. 2 en général.
Q : Jugez-vous que les intérêts familiaux ou celui des proches du régime priment sur ceux de la population ?
The facts speak for themselves. Ce gouvernement ne songe malheureusement qu’aux gains financiers de ses proches. C’est dommage puisque la circonscription no. 2 souffre d’un manque cruel de loisirs, surtout dans un contexte où le fléau de la drogue prend de l’ampleur partout dans le pays. Je lance un appel au gouvernement pour qu’il revoie cette décision, d’autant que c’est un des derniers terrains de l’État qui restent dans ce quartier.
Q : Vous avez évoqué le cas des terres de Moka, mais le bilan du ministre Obeegadoo n’est-il pas aussi marqué par l’évacuation des squatters à Pointe-aux-Sables après le confinement en 2020 ou encore par la reprise des terrains dans le sud du pays ?
Bien évidemment. Comme je l’ai dit, cela démontre clairement qu’il agit avec une facilité déconcertante dans le cas des autres alors que pour celui de sa mère, il n’agit pas nonobstant le fait que ce terrain ô combien précieux est resté inutilisé pendant une vingtaine d’années. Il me revient d’ailleurs que le dossier de cette dernière a été traité à une vitesse éclair, soit en trois semaines seulement et ce, à la veille des élections, alors que dans d’autres cas, cela peut durer pendant des mois, voire des années. Que le ministre Obeegadoo ait été présent au conseil des ministres ou non, cela ne change rien puisque c’est toujours le cabinet paper de son ministère qui est concerné.
Q : Le même ministre Obeegadoo se vante par ailleurs des 1660 logements sociaux livrés durant son mandat en soutenant que c’est un record inégalé. Que lui répondez-vous ?
Sous le gouvernement travailliste en 2014, une unité du logement coûtait Rs 500 000 aux contribuables. Les procédures d’appels d’offres étaient suivies à la règle à cette époque. En 2020, le ministre Obeegadoo a, lui, annoncé la construction de 12 000 logements sociaux pour un montant de Rs 12 milliards, soit un million de roupies par unité. Soit. Mais en 2023, lorsque le contrat a été alloué sans passer par des appels d’offres, le coût d’une unité s’élevait à Rs 2, 7 millions. Aujourd’hui, cette même unité coûte au final Rs 3, 7 millions, excluant les autres coûts cachés.
Si le PTr avait choisi cette même méthode à l’époque, c’est-à-dire en contournant les appels d’offres, on aurait pu construire, pas 8 000, mais 20 000 logements sociaux sur les 800 arpents des 2000 arpents de terrains que Navin Ramgoolam avait obtenu de la MSPCA. Mais le gouvernement travailliste avait choisi d’adopter les bonnes pratiques, contrairement à ce gouvernement qui a construit des maisons au coût de Rs 30 milliards, sans aucune transparence.
Construire des logements sociaux, c’est bien, mais le faire tout en respectant les procédures, c’est encore mieux. Je dirai même que c’est obligatoire car il s’agit de l’argent des contribuables.
Q : Quelle approche l’alliance du changement adoptera-t-elle sur le dossier des logements sociaux ?
Il va sans dire que les besoins de la population en termes de logements sociaux restent une préoccupation majeure de l’alliance du changement. Mais tout doit être fait dans l’intérêt de tout le monde. De tels projets ne peuvent pas être réalisés à la va-vite si on veut éviter des problèmes à l’avenir. Autrement, c’est la qualité qui souffre, comme on en a vu à Chebel et à Gros Cailloux où des maisons neuves ont été inondées. C’est du jamais-vu.
Je trouve aussi bizarre que des maisons soient allouées par batch au lieu d’attendre la livraison finale des chantiers par les contracteurs. Ce qui montre que le gouvernement ne songe qu’à faire de la politique sur le dos des bénéficiaires, aux frais des contribuables qui doivent casquer Rs 3, 7 millions par unité de logement social.
Il semble que dans certains de ces contrats Design & Build, plusieurs unités de logements sont construites l’une à côté de l’autre, avec des murs communs pour réduire le coût. Or, cela peut causer des problèmes d’aération et de luminosité, entre autres. Ce festival de contrats aux petits copains contracteurs, c’est du daylight robbery. Tôt ou tard, ceux qui ont fauté devront répondre de leurs actes.