Le décès d’Ismaël Randera, (affectueusement appelé Bhai) 82 ans, dimanche dernier 31 janvier a causé une grande douleur parmi ceux qui l’ont côtoyé depuis sa jeunesse. L’octogénaire a rendu l’âme après qu’il s’est retrouvé en difficulté en mer à Péreybère. Ancien président de la Mauritius Football Association, décoré par le Commonwealth, entre autres, sa fille Mowlooda nous décrit son parcours éloquent.

Mowlooda, 49 ans, que nous avons rencontrée à la maison de son père à la rue St. James à Port-Louis, nous confie qu’il est très difficile pour elle et son frère Muhammad, 56 ans, de perdre leur père et leur mère en l’espace de seulement deux mois.

Décoré par le Commonwealth
Décoré par le Commonwealth

Muhammad est actuellement responsable du système informatique dans un hôpital aux États-Unis. Mowlooda est restée à Maurice, et a bâti sa carrière dans l’offshore. Il y a deux ans, elle a pris sa retraite après avoir été ‘Head of Compliance and Quality Assurance’ chez Rogers Capital.

Elle se souvient de son père comme de quelqu’un qui aimait la vie. « C’est une fierté pour moi d’avoir été sa fille », nous confie-t-elle.

Elève de l’école Soortee Soonee, Ismael Randera avait intégré le collège Bhujoharry dans la capitale, où il avait terminé sa scolarité après la Form V. Pendant quelques années, il avait travaillé comme receveur d’autobus. Il avait ensuite rejoint le ‘Teachers’ Training College’ à Beau-Bassin en 1957. La même année, il est posté dans une école primaire à Triolet, où il enseignera pendant plusieurs années.

En 1963, il convole en justes noces avec Zubeida. De cette union sont issus Muhammad et Mowlooda.

Bhai Randera en compagnie de son épouse Zubeida à La Mecque en 2002
Bhai Randera en compagnie de son épouse Zubeida à La Mecque en 2002

Après son mariage, il continuait d’enseigner, notamment à l’école Labourdonnais. Le travail social faisait aussi partie intégrante de sa vie. « Il a apporté une énorme contribution à la communauté », avance sa fille.

 

 

 

 

 

En tant qu’enseignant, beaucoup de ses élèves ont été boursiers. Mowlooda nous explique que ses élèves le reconnaissent dans la rue et ailleurs, et cela jusqu’à ses derniers jours, malgré qu’il ait beaucoup vieilli. « Papi pane change physionomie », nous dit-elle. « Quand on sortait entre famille, des personnes, souvent ses anciens élèves du primaire, le reconnaissaient et l’appelaient ‘Monsieur Randera’. Il reconnaissait certains, mais d’autres non. Cela faisait chaud au cœur d’entendre ces anciens élèves faire état de leur succès grâce à mon père », dit-elle.

Ismaël Randera devait par la suite rejoindre l’administration du Muslim Girls College comme ‘Deputy Manager’. Par la suite, il agira comme ‘Personnel Manager’ au sein du groupe Currimjee.

Ismael Randera  a connu beaucoup de moments forts dans sa vie. Très actif sur le plan social et sportif, il a été membre exécutif des Muslim Scouts, avant d’occuper la présidence de la Mauritius Football Association (MFA). Il a aussi reçu une décoration du Commonwealth pour sa contribution dans le domaine sportif et social.

C’est un homme qui a beaucoup voyagé à l’étranger. Il a ainsi accompli l’Umrah et le Hajj à plusieurs reprises.

Bhai a connu 57 années de bonheur auprès de sa femme Zubeida. Cette dernière connaissait plusieurs recettes exquises, et son époux avait compilé un livre de recettes basé sur les idées de sa femme. Mais Mowlooda se souvient du plat préparé par son père, soit le « curry calebasse ek la viande », qui était bien plus savoureux que celui que préparait sa mère.

17 ans de cela, la famille devait connaître une première tragédie. Zubeida devait subir une attaque cérébrale et Bhai  malgré son âge assez avancé à l’époque, s’occupait lui-même de son épouse alitée.

Deux mois de cela, Zubeida devait s’éteindre à l’âge de 80 ans. Mowlooda nous dit que depuis le décès de sa mère, son père n’était plus que l’ombre de lui-même. L’absence de son épouse semblait peser sur lui, mais il ne s’exprimait pas sur ce sujet avec ses proches. « Sa vie tournait autour d’elle », souligne la fille d’Ismael Randera.

Seul, ce dernier faisait le va-et-vient entre Port-Louis et Floréal, où habitent Mowlooda et son époux, Swadeck Taher. Jusqu’à leur dernier jour, le couple Taher s’occupait de Zubeida et de Bhai avec beaucoup d’amour et d’affection.

Chaque semaine pendant plus de 40 ans, Bhai se rendait à Péreybère avec un groupe d’amis pour nager. Très sportif, il faisait aussi la marche trois fois par semaine. « Il était un excellent nageur », ajoute Mowlooda.

Ce samedi 30 janvier restera à jamais gravé dans la mémoire de Mowlooda : c’était en effet le dernier jour qu’elle voyait son père en vie. Le lendemain, Bhai devait périr noyé à Péreybère. Ses funérailles ont eu lieu le même jour au cimetière de Riche-Terre.

En compagnie de son petit-fils, Fa'ad et ZubeidaDes parents avant-gardistes

Mowlooda nous indique que grâce à ses parents, elle et son frère Muhammad ont eu une enfance très heureuse. « Mes parents, surtout ma mère, étaient très avant-gardistes dans leur façon de penser, surtout pour leur génération, très ouverts », dit-elle.

Frère et soeur faisaient partie des élèves qui prenaient des leçons particulières avec leur père. Bhai et Mowlooda partageaient une relation très cordiale pendant ces leçons. Pour elle, son père, restera le meilleur professeur de français qu’elle a connu.

Outre l’enseignement académique, les parents de Mowlooda et de Muhammad leur ont inculqué les valeurs et les principes Islamiques.

Avec Fa'ad son dernier élève
Avec Fa’ad son dernier élève

Fa’ad, le fils de Mowlooda, l’unique petit-fils d’Ismael Randera, était son dernier élève. Depuis l’âge de 7 ans jusqu’à l’âge de 14 ans, ce dernier prenait des leçons avec son grand-père qu’il appelait affectueusement « Nana ».

Pour conclure, Mowlooda nous dit que « Nou accepter décision Allah et nou fer ‘dua’ pou ki mama ek papa gagne Paradis. »

Sarah Khodadin