[Journée internationale de la femme] Fateemah Dilmahomed : Le courage face à l’épreuve

Victime d’un terrible accident au centre commercial de La Croisette en novembre dernier, Fateemah Dilmahomed a traversé une épreuve que peu auraient pu endurer. Amputée du pied droit et ayant subi plusieurs interventions chirurgicales complexes pour sauver l’autre, la jeune femme de 21 ans a fait preuve d’une résilience exemplaire. Après plusieurs mois de soins intensifs en Inde, elle poursuit désormais sa rééducation à Maurice. Sa mère, Yasmine, témoigne de son quotidien marqué par des défis physiques et psychologiques, et revient sur l’épreuve traversée par toute la famille.

Circonstances de l’accident aux conséquences dramatiques

Un simple trajet sur un escalator du centre commercial Grand-Baie La Croisette a fait basculer la vie de Fateemah en quelques minutes, transformant un moment banal en un cauchemar personnel qui a ému tout un pays. L’accident a été d’une violence inouïe. Fateemah est restée coincée pendant 50 minutes dans l’engrenage de l’escalator, sans assistance immédiate pour soulager sa douleur, malgré la présence de cliniques à proximité. « Son courage a été incroyable, d’autant que jusqu’à l’arrivée des pompiers et du SAMU, elle n’a reçu aucune assistance ou first aid. Elle est restée 50 min sur l’escalator et a souffert le martyr. Elle n’a rien reçu pour apaiser sa douleur, et a enduré l’insupportable en pleine conscience de l’état de son pied, voyant elle-même l’étendue des dégâts lorsque les pompiers ont soulevé la plaque de métal », raconte Yasmine. L’enquête policière a mis en avant des anomalies techniques sur l’appareil au moment du drame.

Récupération progressive

Aujourd’hui, Fateemah se remet lentement. Amputée du pied droit, elle porte désormais une prothèse et, pour son pied gauche, elle doit utiliser une botte orthopédique à vie en raison d’une greffe du talon qui l’empêche de poser le pied normalement. « Elle se met debout et fait quelques pas uniquement pour s’asseoir dans son fauteuil roulant ou entrer dans une voiture, mais elle ne peut pas tenir longtemps, car la greffe n’a pas encore bien pris et cicatrisé », explique Yasmine. Le processus de guérison est relativement lent : il faudra environ un an pour que la greffe se stabilise, et ce n’est qu’à ce moment-là que les médecins pourront évaluer ses capacités de marche à plus long terme.

Épreuve psychologique et un bouleversement familial

Sur le plan moral, Fateemah oscille entre espoir et frustration. Le retour à la maison après des mois d’hospitalisation a marqué un tournant, car c’est maintenant qu’elle mesure pleinement l’ampleur des défis à surmonter. Son quotidien est entièrement bouleversé, et l’ensemble de sa famille doit s’adapter à cette nouvelle réalité. Pour l’instant, elle est entièrement dépendante de ses proches – ses parents et sa sœur – qui l’assistent en permanence. « Nous recherchons une aide-soignante (carer) sur Grand-Baie pour l’aider, notamment lorsque nous sommes au travail », indique Yasmine. Fateemah envisage de repartir aux Pays-Bas pour rejoindre son époux et tenter de reconstruire sa vie. Ce 23 novembre 2024 restera gravé à jamais dans leur mémoire. « Notre monde s’est écroulé ce jour-là, on ne l’oubliera jamais », exprime douloureusement la mère de famille.

Soutien des autorités et de la nation

Le député Eshan Juman a été le premier à alerter l’opinion publique en relayant la tragédie sur les réseaux sociaux. Face à l’urgence de la situation, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, et le ministre de la Santé, Anil Bachoo, ont agi immédiatement en organisant le transfert de Fateemah en Inde, entièrement pris en charge par l’État. « Sans l’intervention rapide du gouvernement, une seconde amputation aurait été inévitable », souligne sa mère avec beaucoup de reconnaissance. À l’hôpital de Chennai, Fateemah a subi quatre interventions chirurgicales, dont l’une de 12 heures, et plusieurs greffes de peau. « Heureusement, tout s’est bien passé. Les médecins étaient très professionnels et ont fait de leur mieux pour la soigner », reconnaît Yasmine.

Aujourd’hui, son traitement se poursuit à Maurice, avec un suivi régulier assuré par le ministère de la Santé, y compris un accompagnement psychologique indispensable à sa reconstruction. « En tant que maman, c’est très dur de voir son enfant souffrir. Je suis déchirée à l’intérieur », confie Yasmine. L’épreuve est d’autant plus difficile que Fateemah était un « precious baby », une enfant très attendue après dix ans d’espoir. « C’était notre princesse, et elle l’est toujours. Mais la voir dans cette situation est une douleur inimaginable. »

L’accident n’a pas seulement marqué la famille, mais la nation toute entière, qui s’est mobilisée pour Fateemah. Yasmine raconte que de toutes confessions et origines, des Mauriciens ont envoyé des messages de soutien, des prières ont été dites dans des temples, des églises et des mosquées à travers l’île. « Nous sommes vraiment ‘as one people, as one nation’ », affirme-t-elle, émue par cette vague de solidarité.

Appel à la vigilance et à la responsabilité

Alors que la famille tente de retrouver une certaine normalité, Yasmine lance un message aux autorités et aux responsables de la maintenance dans les lieux publics. « Il faut être vigilant et prendre son travail à cœur, car une simple négligence peut détruire des vies et des familles. Ma fille a perdu l’usage de ses deux pieds, et la souffrance est indescriptible. » Elle insiste sur l’importance de mesures préventives pour éviter que de tels drames ne se reproduisent.

Aujourd’hui, Fateemah doit relever un nouveau défi : retrouver une certaine autonomie. Chaque geste du quotidien est devenu un combat, chaque déplacement une épreuve. Malgré tout, elle ne baisse pas les bras. Avec le soutien indéfectible de sa famille, des autorités et de tous ceux qui croient en elle, elle est déterminée à se reconstruire, pas à pas.