Kalyanee Juggoo :
« La défaite de l’alliance PTr-MMM était peut-être un mal nécessaire »
La secrétaire-générale est d’humeur d’attaque. Elle défend bec et ongles son leader, Dr Navin Ramgoolam, qu’elle croit innocent de toutes les tracasseries policières qu’on lui a collées sur le dos. Elle nous propose, en primeur, qu’elle pourrait changer de circonscription aux prochaines élections législatives.
On parie que votre garde-robe déborde de saris rouges…
(Rires) Le rouge est une de mes couleurs préférées. Red is danger. Il représente aussi la couleur de mon parti. Donc c’est tout à fait normal que je m’affiche en rouge.
Vous étiez tout récemment aux Seychelles pour assister aux élections présidentielles en tant qu’observatrice politique. Qu’est-ce qui vous a le plus frappée pendant ces élections ?
Effectivement, je me suis rendue, ensemble avec le commissaire électoral, Irfan Raman, aux Seychelles pour assister aux élections présidentielles à l’invitation de la Commission de l’Océan Indien (COI). Tout s’est bien passé et je dois dire que ‘it was a fair election’.
Ce qui m’a le plus frappée c’est que, contrairement à Maurice, les ‘ballot boxes’ sont placées à l’entrée même des salles et non pas à l’intérieur comme c’est le cas ici. Je craignais que cela ne puisse créer des problèmes. Mais heureusement, mes craintes se sont révélées infondées. Tout s’est déroulé dans la discipline, et la sécurité, je dois l’avouer, était très au point.
J’ai aussi remarqué qu’aux Seychelles, il n’existe pas cette pratique où les partis politiques fournissent de la nourriture aux ‘polling agents’. Ce qui est, quelque part, une bonne chose puisqu’elle ne dérange pas le déroulement des élections.
Venons-en maintenant au chapitre de la politique locale. Comment se porte le Parti travailliste treize mois après sa défaite aux élections de décembre 2014 et à l’entame de son 80e anniversaire qui sera célébré en février prochain ?
Je dois d’abord souligner que ce n’était pas la défaite du Parti travailliste (PTr) uniquement. C’est l’alliance PTr-MMM que la population a rejetée. Je me dis maintenant que c’était peut-être un mal nécessaire. Le pouvoir s’essoufflait. Je ne vais pas revenir sur les raisons de la défaite, mais, personnellement, je pense que le PTr s’en est sorti grandi. On aura le temps de nous réorganiser et de revenir avec de nouvelles idées.
Comme vous l’avez souligné vous-même, le PTr fêtera ses 80 ans bientôt. C’est un des plus grands partis du pays et il a grandement contribué au développement économique et au progrès du pays en général. On ne peut le ‘write off’ de la scène politique.
Mais la traversée du désert risque quand même d’être longue pour le PTr. Quatre longues années à tirer le diable par la queue. Le parti a-t-il développé une stratégie pour revenir à l’avant-plan de la scène politique ?
Je ne pense pas vraiment que la traversée du désert sera longue. Une année s’est écoulée et déjà, il y a un sentiment de malaise qui règne dans le pays. La popularité du gouvernement s’effrite. On nous avait promis le plein emploi, mais c’est le chômage qui bat son plein. Le taux de croissance a été révisé à la baisse. L’investissement a pris un coup. Sans compter l’amateurisme avec lequel le dossier de la BAI a été géré…
Excusez-moi, Kalyanee Juggoo, mais vous ne répondez pas à ma question. Le PTr pourra-t-il retourner à l’avant-plan de la scène politique ?
J’allais justement revenir dessus. Les partisans qui nous avait quittés, parce qu’ils croyaient dans le deuxième miracle économique promis par l’Alliance Lepep pendant la campagne électorale, retournent maintenant vers le PTr. Ils réalisent aujourd’hui qu’ils ont été leurrés, qu’on leur a vendu des rêves. D’ailleurs, les congrès qu’a tenus le parti à travers le pays ont connu un grand succès et se sont avérés payants. De nombreux jeunes et professionnels, dégoûtés de la campagne mensongère du gouvernement, ont exprimé leur désir de se joindre au parti. Nous avons des rencontres régulières avec le leader, Navin Ramgoolam, pour décider de la stratégie à adopter pour relancer le PTr. Elle sera probablement dévoilée lors de notre prochain congrès.
Objectivement, pensez-vous que votre leader, Dr. Navin Ramgoolam, arrivera-t-il à rebondir sur l’échiquier politique ?
Navin Ramgoolam a déjà fait ses preuves en tant que leader du PTr comme Premier ministre. Il ne va pas s’éclipser du jour en lendemain. Certes, il fait l’objet de certaines accusations. Mais il est innocent jusqu’à preuve du contraire. (Elle s’emporte). Il y a, dans ce pays, des politiciens qui ont déjà été condamnés par la cour, mais qui ne sont nullement inquiétés par les autorités. Navin Ramgoolam a su se montrer courageux même dans ses moments les plus difficiles. Il a déjà dit qu’il s’expliquera en cour. Attendons voir.
Croyez-vous en l’innocence de votre leader ?
Oui. A 100 %. Sinon, je ne l’aurais pas soutenu.
Pourquoi Navin Ramgoolam évite-t-il de désigner un des vôtres à sa succession ? Redoute-t-il une révolution du palais ?
Je ne pense pas qu’il redoute quoi que ce soit. D’ailleurs, il avait déjà exprimé son vœu de ‘step down’ jusqu’à ce qu’il soit lavé de tout blâme. Mais les membres de l’exécutif et du Bureau politique (BP) l’ont unanimement rejeté. Nous sommes tous derrière Navin Ramgoolam et nous le soutiendrons jusqu’au bout.
Quelle lecture faites-vous de la situation politique du pays ?
Il y a une confusion totale dans le pays. Rien n’avance. On reste en suspens quant au sort qui sera réservé à Pravind Jugnauth. On verra s’il se qualifiera pour le ‘primeministership’. La question qui se pose toutefois est celle-ci: qui sera Premier ministre au cas où son appel serait rejeté ? Il ne faut pas oublier que la Constitution confère le droit légitime au Deputy Prime Minister, soit Xavier Duval, de succéder au Premier ministre.
Entretemps, les membres du gouvernement se tirent chacun dans les pattes. Ils se contredisent entre eux. Prenons l’exemple de Roshi Bhadain. Il part en Inde pour renégocier le traité de non-double imposition. Or, sir Anerood Jugnauth a dû retourner en Inde pour tout recommencer à zéro ! Idem pour Soodhun. Il annonce qu’un prince jordanien, Ali Bin Hussein, viendra investir à Maurice. Mais les services de presse de celui-ci démentent cela catégoriquement. Croyez-vous qu’un gouvernement puisse fonctionner ainsi ? Je m’en doute.
Kalyanee Juggoo, comment voyez-vous votre avenir politique ?
Je suis en contact permanent avec mes agents. Je continue à labourer le terrain et je serai certainement candidate aux prochaines législatives. Par contre, il se peut que je change de circonscription.