La série noire qui ne prend pas fin sur nos routes : Situation alarmante

La série noire ne semble pas prendre fin sur nos routes. Depuis le début de cette année, le pays a enregistré 86 accidents, faisant 94 victimes dont 48 étaient des conducteurs, ou voyageant comme passagers sur des motocyclettes. Rien que pour la semaine d’avant, le pays a enregistré plus de 10 morts, incluant deux bébés de deux et d’un mois respectivement. Outre les campagnes de sensibilisation et une répression accrue, on doit se demander s’il y a une stratégie valable pour réduire les accidents ? Pour ce dossier, nous nous sommes entretenus avec Barlen Munusami, l’auteur du best-seller Le Guide Complet du Conducteur. Ce dernier est aussi un expert sur la sécurité routière, et nous éclaire sur le sujet.

 

Moins de 15 ans 3
16 ans à 25 ans 21
26 ans à 50 ans 43
51 ans à 59 ans 11
59 ans à monté 16

 

La campagne ‘Zéro accident’ : vers un durcissement des sanctions

Après plusieurs accidents durant la semaine d’avant faisant plusieurs victimes, le ministère du Transport et du ‘Light Rail’, a lancé le mardi 6 octobre la campagne ‘Zéro Accident’.

Le ministre de tutelle, Alan Ganoo, a expliqué au Rajiv Gandhi Science Center à Bell-Village que cette campagne a pour but d’inviter tous les citoyens à participer à l’effort national visant à réduire le nombre et la gravité des accidents de 50 % d’ici 2025.

De plus, il a informé que d’autres actions suivront afin de promouvoir la sécurité des usagers sur les routes. Ces actions comprendront : la formation des agents de santé et de sécurité, entre autres. Dans le même contexte, il y aura des changements afin de durcir les sanctions sous la loi, dans le but de diminuer le nombre d’accidents.

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Daniel Raymond avait-il visé trop haut ?

Daniel RaymondEn poste depuis le 23 septembre 2015, Daniel Raymond, un ressortissant réunionnais, conseiller du gouvernement en matière de sécurité routière et conseiller du ministre du Transport d’alors, Nando Bodha, avait en décembre 2017, déclaré qu’il comptait réduire de moitié le nombre d’accidents de la route.

Cette annonce, plutôt attendue, avait fait la une des journaux, et les débats devenaient de plus en plus passionnés. Comme quoi, Daniel Raymond  avait donné une lueur d’espoir aux usagers de la route et au public dans son ensemble.

Mais, passé quelques années, la réalité ne reflète point l’engagement pris. Les campagnes de sensibilisation sont quasiment ineffectives. Il faut dire qu’il touchait un salaire de Rs 160 000 mensuellement (chiffre qui avait été révélé au Parlement), soit Rs 1,920,000 par an.

Pendant le temps que Daniel Raymond était conseiller en matière de sécurité routière et l’année  où il avait annoncé que le nombre va être réduit de moitié sur nos routes (en décembre 2017, plus précisément), les chiffres étaient les suivants :

Année Nombre d’accidents
2017 157
2018 143

 

Barlen Munusami est d’avis que Daniel Raymond n’était pas l’homme idéal pour occuper le poste de conseiller du gouvernement en matière de sécurité routière, car il n’était ni un expert  dans son pays, ni avait-il les connaissances requises du système routier de Maurice, pour pouvoir gérer un tel poste.

Daniel Raymond avait reconnu lui-même qu’il ne détient pas de permis de conduire mauricien et ne conduisait pas sur les chemins de Maurice parce que c’est trop dangereux ! « S’il ne détient pas un permis de conduire mauricien et ne comprend pas les routes de Maurice et les automobilistes mauriciens, c’est incompréhensible qu’il ait pu obtenir un tel job. Il était fondamentalement un homme de théories mais dans la pratique, il s’était révélé comme un échec total », lance Barlen Munusami.

La seule réalisation de Daniel Raymond : les  fameuses ‘motoécoles’, qui ont fait couler beaucoup d’encre, et qui, selon Barlen Munusami, ont été un échec total.

« La sécurité de chaque usager de la route est sa responsabilité personnelle »

Barlen MunusamiBarlen Munusami revient sur la semaine meurtrière qui a vu plus de dix victimes sur nos routes. Pense-t-il qu’il y a une faille dans le système, ou de la part des autorités, ou est-ce que ce sont les usagers de la route qui doivent être tenus responsables ?

« On ne peut pas blâmer les autorités en voyant le nombre d’accidents et de victimes prendre  l’ascenseur sur nos routes. C’est plutôt une question de mentalité. La sécurité de chaque usager de la route est sa responsabilité personnelle.  On peut voir que beaucoup d’usagers de la route sont insouciants, indifférents, et indisciplinés, agissant d’une manière qui met leur vie, ainsi que celle des autres, en danger », explique-t-il.

Comme on peut le constater, le nombre de véhicules sur nos routes augmente de plus en plus, ce qui provoque une augmentation des embouteillages et du stress, entre autres. Ce qui fait que la prudence est plus que jamais primordiale.

Les usagers de la route ont aussi un devoir social : le respect des autres usagers de la route. « La route est un espace social, donc tous ceux qui l’utilisent ont une responsabilité importante envers eux-mêmes, pour assurer leur propre sécurité, car la sécurité de chacun est aussi la sécurité de tous », explique Barlen Munusami. « Ayez un bon comportement, de la courtoisie envers les autres usagers de la route, et du respect pour le Code de la route ainsi que pour les consignes de sécurité », tient à lancer Barlen Munusami aux automobilistes.

 « Les moto-écoles étaient quand même une très bonne idée mais c’est la manière dont ce projet a été implémenté à Maurice qui a été la source du problème. C’était un projet qui a été mis en place, ou plutôt imposé, en se basant sur les modèles de moto-écoles d’autres pays, en ignorant les spécificités mauriciennes », nous explique Barlen Munusami.

Ce dernier revient sur les problèmes qui ont discrédité les moto-écoles.

Le projet n’a pas démarré parce que les autorités ont vu le projet comme étant une source de revenus et de profits. Or, « N’importe qui aurait pu savoir que les motocyclistes mauriciens n’auraient pas les moyens de payer les sommes exorbitantes exigées par les moto-écoles », fustige Barlen Munusami.

Mais si les autorités avaient depuis le début agencé le projet sous un autre angle, aujourd’hui le projet aurait pu marcher. De là, beaucoup plus de motocyclistes mauriciens se seraient rendus dans ces écoles. Avec une meilleure formation, on aurait pu espérer voir une réduction d’accidents impliquant les deux-roues.

Les moniteurs des moto-écoles comptaient beaucoup d’expertise mais ces derniers, après leurs formations, ne sont pas autorisés de lancer leur école individuelle mais doivent intégrer les moto-écoles établies. Pour leur succès, les moto-écoles auraient dû fonctionner sur la même base que les auto-écoles existantes, qui sont librement créées par les moniteurs travaillant à leur propre compte.

De plus, il est inacceptable que les salaires soient divisés entre les instructeurs en fonction de la marge de profit. Ce qui fait que les 37 ‘trainers’ avaient fait marche arrière. « Il est normal que ces ‘trainers’ ne soient pas d’accord d’être exploités avec un maigre salaire alors qu’ils ont suivi une formation poussée pendant plusieurs mois », fait ressortir Barlen Munusami.

L’unique moto-école qui opère toujours est celui de Rose-Hill Transport  Ltd, et ce sont des employés de la compagnie qui sont les ‘trainers’.

 

La stratégie pour diminuer le nombre d’accidents sur nos routes

Barlen Munusami estime qu’il faut avoir d’abord la « wake-up call », notamment que les usagers de la route prennent d’abord conscience que la route est dangereuse.

Il y a deux façons pour gérer la situation. Il y a d’abord le « soft approach », qui implique les campagnes de sensibilisation, les causeries, l’utilisation des panneaux de publicité pour conscientiser les automobilistes,  les campagnes d’éducation des enfants dans les écoles dès leur jeunes âge, entre autres. Mais il faut savoir que cette approche « prend du temps à entrer dans la tête des Mauriciens ». Toutefois, à la longue, cette approche porte ses fruits. De ce fait, les générations futures auront une « culture de sécurité » sur nos routes.

Mais il existe aussi le « hard approach » pour les chauffeurs et autres usagers de la route qui se révèlent un peu plus difficiles pour comprendre les choses, et où la « soft approach » ne marche pas. La « hard approach » consiste de sanctionner ces usagers de la route, d’utiliser la répression tels que les amendes et les condamnations en cour, des  moyens efficaces établis depuis des années.

Donc, il faut utiliser une combinaison des deux méthodes pour pouvoir mieux gérer la situation, conclut Barlen Munusami.

Les deux-roues : les casques souvent pas aux normes

Barlen Munusami dit avoir noté que les accidents de la route impliquent de plus en plus les deux-roues, et souvent on entend dire que les motocyclistes ou autocyclistes ont perdu le contrôle de leur engin et ont dérapé, ce qui veut dire que ces derniers roulaient de vive allure, une cause majeure des accidents graves ou des fois, même fatals.

Toujours en ce qui concerne les deux-roues, les rapports d’autopsie font souvent état que les motocyclistes sont morts d’une fracture du crâne, ce qui démontre que les casques ne sont pas assez solides pour supporter de tels chocs.

Ainsi, en ce qui concerne les casques qu’utilisent les deux-roues, ils ne sont souvent pas conformes aux critères d’un casque qui pourrait protéger les motocyclistes. Ces derniers portent des casques mal adaptés, uniquement pour ne pas être verbalisés.

Il y a ainsi une lacune de taille dans l’arsenal des lois de Maurice : si le port du casque est obligatoire, les spécifications pour le casque ne sont pas précisées. Barlen Munusami estime que sur ce sujet, on doit amender la loi afin que les spécificités du casque soient bien définies.