Le nouveau Extradition Bill : à quelles fins ?

 

Le gouvernement présentera en première lecture cette semaine prochaine l’Extradition Bill (2017). Cette nouvelle loi viendra remplacer l’Extradition Act de 1970 dans le but de faciliter les procédures d’extradition non seulement vers Maurice mais aussi à partir de Maurice. La question qui est sur toutes les lèvres : une nouvelle tentative du gouvernement mauricien pour faire extrader Nandanee Soornack ?

Certaines clauses de la loi sont matières à réflexion : ainsi, le projet de loi va inclure tous les pays de la planète… y compris l’Italie. Valeur du jour, l’Extradition Act de 1970 fait une distinction entre les pays du Commonwealth et les pays en dehors du Commonwealth. S’il s’agit d’un pays membre du Commonwealth, l’extradition peut se faire sans traité d’extradition entre Maurice et ce pays. Par contre, s’il s’agit d’un pays qui n’est pas membre du Commonwealth, il faudrait nécessairement un traité d’extradition entre Maurice et ce pays.

La présente loi vise à abolir cette distinction entre les pays du Commonwealth et les autres pays et traitera désormais tous les pays sur une base d’égalité. Aussi, l’Extradition Bill (2017) permettrait l’extradition et cela sans traité entre Maurice et le pays réciproque. La loi vise aussi la simplification et l’accélération des procédures d’extradition.

L’Extradition Act de 1970 sera entièrement abrogée par la nouvelle loi, qui viendra en vigueur à une date qui sera déterminée par proclamation.

L’Attorney General mauricien peut faire une requête à un pays pour l’extradition d’une personne. Ainsi, la section 26 de l’Extradition Bill (2017) prévoit ainsi :

26 Extradition or related request

The Attorney-General may make a request to a foreign State for the extradition of a person for the purpose of prosecuting an offence, or imposing or executing a sentence in respect of an offence, over which Mauritius has jurisdiction.

La réciprocité de la loi

La section 4 du projet de loi prévoit que dans l’absence d’un traité  d’extradition, la demande d’extradition du pays étranger sera considérée sur une base de courtoisie si cet État donne une garantie qu’il sera de même à l’ avenir pour Maurice. Naturellement, cette clause peut donner lieu à toutes sortes de spéculations concernant la stratégie que le gouvernement compte adopter dans le cas de Nandanee Sorrnack, celle-là même qui avait nargué les autorités mauriciennes, il y a quelque temps de cela.

Dans son Explanatory Memorandum, l’Attorney-General, Ravi Yerigadoo, qui présentera le projet de loi au Parlement, se veut rassurant et affirme qu’il y aura suffisamment de garanties pour protéger les droits de la personne qui sera extradée.

La section 8 interdit l’extradition si le prévenu pourrait être sujet à la torture ou à d’autres traitements inhumains et dégradants, ou s’il sera sujet à la peine de mort. L’extradition est également interdite si le prévenu ne pourra recevoir un procès équitable ou s’il sera jugé par un tribunal d’exception. L’extradition peut aussi être refusée si la vie du prévenu peut être en danger, ou serait contraire aux principes humanitaires, en raison de l’âge, de la santé ou d’une quelconque infirmité (section 21).

Toutefois, il faut noter que cette loi vient s’ajouter à l’arsenal répressif de la Prevention of Terrorism Act (POTA) de 2016. Ainsi, si Maurice est signataire d’une quelconque convention internationale réprimant le terrorisme, et qu’il n’y a aucun traité d’extradition entre Maurice et un autre pays signataire de cette convention, l’Extradition Bill (2017) permet l’extradition entre Maurice et le pays en question, selon la section 6 du projet de loi.

Une procédure accélérée

Une fois en face à une demande d’extradition émanant d’un autre pays, l’Attorney General doit faire la demande d’extradition auprès d’un magistrat (en principe, celui de la cour de Port-Louis), d’après la section 18. C’est le magistrat qui décidera si la personne peut être extradée ou pas. Le prévenu peut toutefois faire une demande de judidical review devant la Cour suprême si le magistrat a décidé qu’il peut être extradé (section 19). Sans que la loi ne le mentionne, le prévenu pourra aussi interjeter appel devant le Conseil privé de la Reine.

Si le magistrat refuse l’extradition, c’est Attorney General qui peut faire la demande de judicial review devant la Cour suprême.

Toutefois, même si les tribunaux mauriciens déclarent que le prévenu est extradable, la décision finale reviendrait à l’Attorney General, qui peut refuser l’extradition s’il pense qu’il est dans l’intérêt public de refuser la demande d’extradition (section 21).

Notons que les citoyens mauriciens peuvent être extradés vers d’autres juridictions, comme c’était le cas sous l’Extradition Act de 1970.