Le Premier ministre : « This is the moment that we have to be there together, as one, to save that country »

Le Premier ministre, le Dr Navin Ramgoolam, a livré une intervention d’une densité et d’une qualité exceptionnelles qui a littéralement subjugué ceux qui l’ont suivi lors de son ‘summing up’ du budget à l’Assemblée nationale jeudi. Cette performance oratoire de près de deux heures, ponctuée d’analyses économiques pointues, de métaphores saisissantes et de révélations choc, confirme la stature d’homme d’État du Premier ministre dans ce qui constitue probablement l’un des moments les plus cruciaux de l’histoire économique moderne de Maurice.

L’ampleur inouïe de la catastrophe héritée

Avec la précision d’un chirurgien et la pédagogie d’un professeur, le Dr Ramgoolam a disséqué méthodiquement les mensonges et manipulations du précédent régime. Les chiffres qu’il a révélés sont tout simplement stupéfiants. “Le déficit budgétaire – 9,8 % du PIB, c’est-à-dire R 70 milliards et la dette publique – 90 % du PIB, c’est-à-dire R 642 milliards”, a-t-il rappelé.

Plus révoltant encore, l’ampleur de la tromperie orchestrée par l’ancien ministre des Finances : “L’ex ministre des Finances avait annoncé un déficit budgétaire de 3,4 % du PIB. Cela fait R 26,8 milliards. C’est-à-dire presque 3 fois moins que le vrai chiffre. Une différence de R43,2 milliards”. Une manipulation à une échelle jamais vue dans l’histoire de Maurice.

Le Premier ministre a utilisé une métaphore médicale saisissante pour expliquer la gravité de la situation : “Le déficit budgétaire est comme la tension artérielle. Votre tension montre graduellement — 100, 110, 115, 120, 140, 200 et boom ! Vous ne réalisez pas que la tension monte… High blood pressure is a symptomless disease… It’s a silent killer. And then what happens? You suddenly get a stroke”.

Dans ce qui constitue probablement la partie la plus technique mais aussi la plus cruciale de son discours, le Premier ministre a démontré avec une rigueur implacable pourquoi la réforme du système de pension constitue une question de survie nationale.

Les statistiques qu’il a présentées sont vertigineuses : “BRP spending in Mauritius has soared. In 2010, it was 1.9%. It reached 7.8% in 2024-2025. Expenditures just on Basic Retirement Pension are going to be Rs55.4 billion this year”. Mais le plus alarmant reste à venir : “In the last 14 years, spending on pension has ballooned to a staggering 828 percent! In only four years, from 2020 to 2024, it almost doubled from Rs27.9 billion to Rs55.4 billion”.

L’évolution démographique transforme cette bombe à retardement en catastrophe annoncée : “The population aged 60 and over has grown substantially from 186,400 in 2015 to 257,600 in 2024, and it is expected to reach 315,000 by 2038. As a result, the cost of the Basic Retirement Pension on the Government budget will then exceed Rs100 billion”.

Le Premier ministre a révélé que cette crise était parfaitement prévisible et que les autorités précédentes avaient été alertées à maintes reprises. Citant les propres rapports du régime MSM, il a lu : “Given the progressive ageing of the population, existing pension plans are fiscally unsustainable” – un rapport de février 2018 qui fut totalement ignoré par pur calcul politique.

Plus accablant encore, il a révélé que “the IMF, in an expert report, projected that by 2050, expenditure on BRP will be at an unsustainable level of 8 percent of GDP. They said that in their report, but because of the irresponsibility of the previous government, we have already reached 7.8%. They predicted that by 2050, it would be 8%. Already in 2025, we are 7.8%, that is, we are 25 years ahead of what the IMF had projected”.

Le Premier ministre a également démonté pièce par pièce l’imposture de la Contribution Sociale Généralisée (CSG), cette mesure phare du précédent gouvernement qui s’avère être un échec retentissant. “Let us be clear that the CSG… is a regression and it is a tax. That’s what it is!” a-t-il martelé.

Il a expliqué comment cette mesure a détruit le système de pension par répartition hérité de Sir Seewoosagur Ramgoolam :“The CSG was introduced in September 2020, replacing the National Pension Fund (NPF), which was established in 1976 through the vision of SSR… it was a contributory, funded scheme. Both employees and employers made mandatory contributions and these were prudently invested to ensure their long-term sustainability”.

L’échec de la CSG est total : “There has been a diversion of the CSG revenue that they were getting toward non-pension related expenses just for political expediency. Nothing to do with pension! Then, they failed to secure retirees. So, they added Rs 9 billion to the government deficit this fiscal year”.

Hommage à Paul Bérenger

Dans un moment d’une rare émotion, le Dr Ramgoolam a rendu un hommage appuyé et mérité à Paul Bérenger, reconnaissant officiellement son rôle déterminant dans le redressement économique des années 1980. Ce passage restera comme l’un des plus nobles de son discours.

“Hon. Paul Bérenger took the decision that had to be taken. I think he spoke to the IMF; the IMF came. Had he not taken those decisions… He took the difficult decisions! He was pilloried on a communal basis because the decision was difficult. Not everybody could have taken it. He could have taken it, but not everybody would have taken it. He was pilloried and they turned it into a communal argument. And then they claimed they collected the fruits and they said, ‘je suis le père du miracle économique’. C’est lui le véritable père du miracle économique !”

Le Dr Navin Ramgoolam a consacré une partie importante de son discours à expliquer les dangers du déclassement par les agences de notation, démontrant une maîtrise impressionnante des mécanismes financiers internationaux.

Il a rappelé l’excellente notation de Maurice sous son précédent mandat : “When we left the Government in 2014, do you what our credit rating was? It was Baa1. Stable. A very high investment grade”. Puis il a détaillé la dégringolade sous le régime MSM : “Moody’s has downgraded Mauritius four times under the MSM regime when in power due to their incompetence and mismanagement of the economy. Four times!”

Les conséquences d’un déclassement au statut “junk” seraient catastrophiques : “Higher borrowing costs… capital outflows… Many institutional investors… have mandates to invest only in countries that are safe. The result: a downgrade can trigger forced selling of a country’s bonds, therefore, leading to capital flight, and therefore, pressure on the currency”.

Tout au long de son discours, le Premier ministre a utilisé des métaphores d’une justesse remarquable pour expliquer des concepts économiques complexes. Outre la comparaison avec l’hypertension, il a comparé la situation économique à une gangrène : “If the patient has a gangrene in his foot, the surgeon has no choice. He has to chop off the foot to save the patient otherwise the patient will die. This is exactly what we are doing”.

“L’honorable Reza Uteem l’a très bien expliqué dans son discours… il a cité l’exemple d’une famille qui touche R 25 000 comme salaire mensuel et qui commence à dépenser un peu plus que R 25 000… Et maintenant, on doit payer les intérêts sur les emprunts et graduellement vous entrez dans une spirale infernale et vous ne pouvez plus payer… C’est la faillite ! C’est pour une famille mais c’est la même pour un pays, seulement sur une plus grande échelle”, a ajouté le Premier ministre.

Le Premier ministre a conclu son discours sur une note profondément patriotique, soulignant le caractère quasi-providentiel de cette alliance gouvernementale. Citant Churchill, il a déclaré : “I am walking as if my whole life was preparing me for this moment… And I tell you, this is the moment that we have to be there together, as one, to save that country otherwise, we are all dead”.

Il a également souligné la complémentarité exceptionnelle de l’équipe dirigeante : “We have a dream team; I have said it many times. It is the luck of this country that myself and the Deputy Prime Minister are there together with our friends Ashok Subron and Richard Duval”.

Un appel vibrant à l’unité nationale

Le Premier ministre a aussi lancé un appel à l’unité nationale, transcendant les clivages communautaires : “There is a reason why everyone here came from different continents and God put us on that small piece of land. It is our duty, because when it rains, it affects us all; when there is a cyclone, it affects us all. Similarly, it doesn’t matter who you are… we have a duty to be able to live together and save our country”.

Par sa densité analytique, sa rigueur technique, et sa dimension humaine, ce discours démontre que Maurice a la chance d’avoir à sa tête un leader d’une envergure exceptionnelle, capable de dire la vérité au peuple tout en maintenant l’espoir. Comme le Premier ministre l’a lui-même déclaré avec une humilité teintée de détermination : “I promised, in my Budget Speech, I won’t promise to take you to heaven but I certainly shall prevent you from going to hell”. Un engagement qui résume parfaitement l’esprit de responsabilité et de sacrifice qui caractérise le gouvernement face aux défis colossaux qui attendent Maurice.