Le rendez-vous du PTr avec l’Histoire

« Ena zis deux prétendants pou poste Premier ministre ». C’est Pravind Jugnauth qui l’a dit à Mahébourg, dimanche dernier. Là-dessus, nous sommes sur la même longueur d’onde. Le challenger principal de Pravind Jugnauth est Navin Ramgoolam et personne d’autre. Ce dernier le sait. Paul Bérenger et Xavier Duval l’ont réalisé aussi. D’où, d’abord, les attaques répétées du Premier ministre contre son adversaire direct. Attaques qui ont trait principalement à l’état de santé du chef des Rouges, possiblement à cause d’une panne d’arguments. D’où, ensuite, la nouvelle conciliation de l’Entente de l’Espoir – sans Bhadain mais avec un Bodha réticent jusqu’à preuve du contraire – avec le PTr et son leader en vue d’une éventuelle alliance qui s’arrête pour l’heure aux municipales, s’il y en aura. Ce qui fait de Navin Ramgoolam un pion incontournable sur l’échiquier politique, comme nous le maintenons d’ailleurs depuis belle lurette.

Évidemment, il faut aussi garder en tête le fait que le peuple a soif d’un changement qui passe en premier lieu par un renouvellement de la classe politique. Mais pour que cette relève soit assurée, il faut impérativement qu’elle passe par une transition en douceur. Une transition qui s’échelonnera sur un mandat entier où les bases d’une nouvelle société seront jetées avant qu’on n’entre définitivement dans une nouvelle ère en 2029. Cette période transitoire est cruciale pour surmonter la phase douloureuse par laquelle passe le pays. Tout laisser entre les mains de novices pourrait nous enfoncer dans l’abysse. Rappelons-nous qu’en s’entourant de nouvelles têtes en 2019, Pravind Jugnauth pensait faire oublier les scandales de son précédent gouvernement et se refaire une nouvelle virginité. Sauf que les néophytes orange ont fait – et continuent de faire – encore pire que les anciens. Preuve qu’il ne suffit pas de se débarrasser des « dinosaures » pour que le jeu soit fait.

Le déclic viendra à travers une transition qui est dirigée par quelqu’un qui représente à la fois l’expérience et l’ouverture d’esprit. Quelqu’un qui allie la maturité politique aux idées nouvelles. Un capitaine averti qui saura surmonter les obstacles – il y en aura beaucoup car aucun changement ne se fait sans heurts – pour mener le pays à bon port. C’est dans ce contexte précis que Navin Ramgoolam a un rôle majeur à jouer. Parce que c’est à lui, en tant que seul alternatif à Pravind Jugnauth au poste premierministériel, d’ouvrir la voie de la transition et de traduire le vœu de l’électorat en réalité. Les enjeux sont grands. Tout comme le sont les défis et les attentes. Cette transition, le PTr est appelé à la mettre en marche dès aujourd’hui, à l’issue de son congrès annuel. « Le PTr ena rendez-vous avec l’histoire », a d’ailleurs reconnu Navin Ramgoolam lui-même, puisque, a-t-il soutenu, « la charité bien ordonnée commence par soi-même ».

La brochette de « visages frais » et de « personnes d’expérience » qui sera présentée au Trianon Convention Centre aujourd’hui prendra ainsi toute son importance, d’autant que le PTr ne peut être autre chose que la locomotive de toute nouvelle alliance. Raison de plus pour que le GenNext travailliste reflète l’alternance souhaitée par l’électorat, et surtout être synonyme de compétence, d’honnêteté et d’intégrité. Une équipe peut éventuellement exécuter un programme gouvernemental innovateur basée sur une nouvelle vision. Une équipe qui est prête à consentir à des sacrifices dans l’intérêt du pays et de la population. Plus important encore, une équipe à laquelle l’électorat peut s’identifier et qui enclenchera une adhésion populaire. Pour toutes ces raisons, les yeux seront donc braqués sur Navin Ramgoolam et son équipe de rupture, aujourd’hui. Une fois cette étape franchie, Navin Ramgoolam sera alors mieux armé pour affronter toute éventuelle négociation d’alliance.

La marmite politique, on le sait, s’agite. Le MSM, en campagne à travers l’île en vue des célébrations précoces de son 40ème anniversaire prévu pour l’année prochaine, poursuit avec ses démagogies visant à rassurer ses troupes, en ciblant certains protagonistes spécifiques de l’opposition. L’Entente de l’Espoir tente de maintenir Nando Bodha en son sein alors que celui-ci continue son pèlerinage dans les différentes circonscriptions, en maintenant la pression pour que ce soit l’Entente de l’Espoir qui soit le moteur d’une nouvelle alliance, mais sans explicitement révéler qu’il veut être présenté au poste de Premier ministre quoique son ambition relève d’un secret de Polichinelle. Du côté de l’opposition extraparlementaire, le Reform Party de Roshi Bhadain, ayant déjà déserté l’Entente de l’Espoir, maintient ses campagnes d’explications pour le changement qu’il propose. Sherry Singh multiplie ses rencontres avec des activistes tandis que Linion Pep Morisien (LPM) a fait un pas en avant en proposant sa version d’une ‘Freedom of Information Act’.

Malgré toutes ces manœuvres politiques, l’émergence d’une troisième véritable force fait toujours défaut, faute d’adhésion massive. Ce qui nous ramène inévitablement vers Navin Ramgoolam et le PTr. Seul ou en alliance, il devra changer la destinée du pays plus de cinquante ans après son indépendance.