Le ‘scandale du siècle’ : Ramgoolam met en lumière les « mensonges » d’Ivan Collendavelloo

Le scandale de la centrale thermale de St. Louis a connu un autre rebondissement la semaine écoulée. En effet, le Dr. Ramgoolam est venu avec plusieurs questions pour Ivan Collendavelloo dans une conférence de presse ce jeudi 18 juin à l’hôtel Voilà à Bagatelle, accusant  ce dernier d’avoir « misled the House. »

Pour rappel, le Central Electricity Board (CEB) avait octroyé un contrat à l’entreprise danoise Burmeister & Wain (BWSC) pour la rénovation de la centrale thermale de St. Louis, un projet financé par la Banque africaine de développement. Apparemment, l’entreprise aurait soudoyé des membres du CEB, voire du gouvernement mauricien, pour accéder à des informations confidentielles, ce qui l’a avantagé de manière injuste face à ses concurrents.

Le leader du Parti travailliste (PTr) est revenu sur l’intervention d’Ivan Collendavelloo mardi dernier à l’Assemblée nationale concernant cette affaire, après que les membres de l’Opposition aient effectué un walk-out’. Le Dr. Navin Ramgoolam a indiqué que ce dernier a sciemment menti et induit le Parlement en erreur. Il a dressé la chronologie des évènements et est venu avec plusieurs questions à l’intention d’Ivan Collendavelloo.

« Est-ce qu’Ivan Collendavelloo était le ministre responsable du CEB quand le contrat a été alloué ? », questionne d’emblée le Dr. Navin Ramgoolam.

Selon lui, le 27 mars 2014, quant l’appel d’offres avait été lancé par le CEB, il y avait cinq soumissionnaires, y compris BWSC. En septembre 2014, le ‘Central Procurement Board’ (CPB) avait rejeté l’offre de BWSC, vu qu’il contenait 80 déviations des spécifications du ‘tender’. « Si, comme l’affirme Collendavelloo, l’appel d’offres était ‘tailor-made’ pour BWSC par Ramgoolam et Tanoo, pourquoi on l’aurait laissé faire 80 déviations dans son offre ? », interroge Navin Ramgoolam.

La BWSC décide de faire appel contre la décision du CPB devant l’Independent Review Pane (IRP). Le 3 juillet 2015, l’IRP invalide l’appel de BWSC.

Ivan Collendavelloo avait dit que le dossier de St. Louis était celui qu’il avait consulté en priorité en 2015. « Pourquoi n’a-t-il décelé aucune maldonne alors ? », se demande le Dr. Navin Ramgoolam. « Vous croyez qu’ils auraient raté une occasion de me traîner en cour ? »

Le CEB va relancer l’appel d’offres en octobre 2015. Il y a alors quatre soumissionnaires. Le 12 novembre 2015, le CPB (au sein duquel il y a eu un changement de personnel après l’entrée au pouvoir du nouveau gouvernement) identifie l’offre de BWSC cette fois-ci comme le ‘preferred bid’. « Comment le CPB, qui avait rejeté la première offre de BWSC, trouve maintenant qu’il est le ‘preferred bidder’ ? », demande Navin Ramgoolam.

Un nouveau ‘General Manager’ est nommé en 2015. Ce dernier va aider pour les spécifications du nouvel appel d’offres. « C’est pour étre sûr que BWSC décroche le contrat. Maintenant, on peut dire que l’appel d’offres est ‘tailor-made’ », explique le Dr. Ramgoolam. Les spécifications ont été ainsi changées par rapport à l’appel d’offres original. Les 80 déviations de l’offre de BWSC ont disparu. Le montant du contrat passe de Rs 3 milliards à Rs 4.3 milliards, soit Rs 700 millions de plus.

Le 12 novembre 2015, les trois autres soumissions sont rejetées. « Pourquoi le CEB attend-t-il deux mois pour informer les autres ‘bidders’ que leurs offres ont été rejetées ? Est-ce parce qu’il y a une date limite au-delà de laquelle on ne peut  soumettre de contestation ? », se demande le Dr. Ramgoolam.

Le 8 janvier 2016, un appel est logé devant l’IRP. Mais, coup de théâtre, deux heures à peine avant que l’IRP ne débute l’audience, on devait émettre un ‘certificate of urgency in the public interest’, ce qui rend caduque toute contestation devant l’IRP. Selon lui, Ivan Collendavelloo a affirmé qu’il ne savait rien de tout cela. « C’est vrai que c’est le Board  du CEB qui émet le certificat, mais le gouvernement a des représentants sur le Board. Vous croyez que le chairman du CEB aurait émis le certificat par lui-même et que le Board aurait approuvé ? », questionne Navin Ramgoolam.

Le projet est inauguré en grande pompe en février 2019. Un cadre de BWSC, Jensen, est présent sur les lieux.

La firme BWSC au Danemark reçoit un ‘tip-off’ que des pots-de-vin totalisant Rs 700 millions  a échangé de mains. BWSC ouvre une enquête interne. Le 27 janvier 2018, BWSC fait savoir qu’il effectue cette enquête sur son site internet. « Mais le Board du CEB ne sait rien, idem pour Ivan Collendavelloo et Pravind Jugnauth. Cela alors qu’ils surveillent tout le monde sur Facebook », ironise le Dr. Navin Ramgoolam.

Le 6 février 2019, BWSC fait savoir sur son website que l’enquête a abouti. Elle met cinq employés à la porte sur-le-champ, dont deux qui sont rapportés à la police danoise. Le dénommé Jensen figure en bonne place parmi ces derniers. « Encore une fois, ni Ivan Collendavelloo, ni le General Manager du CEB, ni le Board, ne savent rien de ce qui se passe », dit Navin Ramgoolam.

Le 15 février 2019, BWSC envoie un courriel au GM du CEB, Shamshir Mukoon. Dans cette missive, BWSC met en cause « l’Administration mauricienne », et non pas le CEB. « Ce qui veut dire que le gouvernement est directement trempé dans une affaire de corruption », assène le Dr. Ramgoolam. « Vous allez me faire croire que Mukoon face à cette missive, ne va rien dire à Ivan Collendavelloo, qui ne va rien dire à Pravind Jugnauth ? »

Shamshir Mukoon attend dix jours avant de répondre à BWSC, et cela simplement pour lui dire que le CEB a appris connaissance du courriel. « Pourquoi Mukoon prend dix jours pour répondre à BWSC ? », lance le Dr. Ramgoolam

Le 14 mars 2019, soit 18 jours après la première missive de BWSC, Mukoon va finalement informer le Board. Or, apparemment, le procès-verbal de cette réunion du Board est introuvable, selon le Dr. Ramgoolam, alors que toutes les réunions du Board doivent être minutées. « Pe tamper avec evidence », lâche le Dr. Ramgoolam.

Le 20 mars 2019, Mukoon envoie un courriel à BWSC, à l’effet que le CEB allait effectuer sa propre enquête. « Quelle enquête a été faite ? », demande Navin Ramgoolam.

Le rôle de Pravind Jugnauth

Durant la récente PNQ d’Arvin Boolell sur ce scandale, Pravind Jugnauth avait répondu : “I am not aware”. « Pourquoi Pravind Jugnauth est-il aussi indulgent envers Ivan Collendavelloo ? », se demande le Dr. Navin Ramgoolam. Il est ensuite revenu sur la réponse du PM : « As far as I know, there was no certificate of urgency. […] Je  donne l’assurance à la chambre que je pratiquerais une politique de zéro tolérance envers la fraude et la corruption… »

« Nous réclamons une commission d’enquête pour faire la lumière sur toute cette affaire. En attendant, Ivan Collendavelloo doit ‘step down’. » Pour finir, le Dr. Navin Ramgoolam a posé une dernière question : « Avec une commission d’enquête, ils auront une occasion en or d’enterrer Navin Ramgoolam. Pourquoi ne le font-ils pas ? »

 

Une action en cour contre le Speaker ?

Le Dr. Navin Ramgoolam devait indiquer que le leader de l’Opposition, Arvin Boolell, est en concertation avec des membres de la profession légale pour considérer la possibilité d’entrer une action légale en Cour suprême contre le Speaker, Sooroojdev Phokeer, concernant son refus de laisser les membres de l’Opposition siéger sur le ‘Committee of the House’, qui doit passer au crible les diverses mesures du Budget.

Le Dr. Navin Ramgoolam a expliqué qu’en principe, les juges ne s’ingèrent pas dans les affaires internes du Parlement, sauf s’il y a violation grave du Chapitre 1 de la Constitution, qui proclame que Maurice est un état démocratique et souverain.

Mardi dernier, quand Ivan Collendavelloo avait voulu faire son discours sur le Budget, les membres de l’Opposition avaient effectué un walk-out de protestation, car selon eux il serait indigne d’écouter un ministre sur lequel pèse de graves soupçons de corruption. Or, le Speaker, se servant du ‘Standing Order No. 48’ comme prétexte, devait exclure les membres de l’Opposition des débats budgétaires durant le ‘Committee Stage’, une phase cruciale qui permet aux parlementaires de passer en revue toutes les mesures budgétaires.

Le Ptr, en concertation avec les autres partis de l’Opposition, considère aussi d’autres recours contre le Speaker. Une motion de blâme sera déposée contre lui et des instances internationales, comme le Secrétariat du Commonwealth, seront alertées.

Le Dr. Navin Ramgoolam a sévèrement dénoncé le Speaker sur sa façon d’’agir. « Il est une honte pour notre Parlement, notre démocratie et le pays tout entier. Jamais l’Assemblée nationale n’a atteint un niveau aussi bas », a-t-il dit.