Cela fera bientôt 11 mois que les Palestiniens de Gaza sont bombardés sans discernement, abattus, emprisonnés et affamés. Après la décimation complète des hôpitaux et des universités de la bande de Gaza, les criminels de guerre braquent leurs armes sur la West Bank, pour perpétuer leur génocide, et ce dans la plus grande indifférence.
Ils sont plus de 2,3 millions à être constamment déplacés. Leur prison à ciel ouvert est désormais une cage. Et le monde ne ressent plus d’émotion. Nous avons tous attrapé le virus de la déshumanisation. Pendant que les Palestiniens sont déshumanisés pour justifier l’occupation et le génocide, nous subissons, avec la complicité de la presse locale et internationale, un lavage de cerveaux, un processus de déshumanisation. Face au massacre d’enfants et aux corps d’enfants écrabouillés, mutilés, recueillis dans des sacs en plastique, face aux enfants estropiés, nous n’avons plus d’émotion.
Cela fera bientôt 11mois que les meurtres, les mutilations et les déplacements répétés de Palestiniens se poursuivent, non seulement à Gaza, mais dans toute la Palestine. Diverses enquêtes ont conclu que les Palestiniens détenus sans inculpation ni représentation légale dans les prisons et camps de détention israéliens sont torturés, affamés, violés et laissés pour mort. Le bilan officiel de cette dernière série de massacres israéliens à Gaza a dépassé les 40 000 et plusieurs milliers d’autres sont encore enterrés sous les décombres.
C’est pourquoi nous devons résister activement à la déshumanisation des Palestiniens, et résister au processus de deshumanisation dont nous sommes les cibles.
Une guerre brutale et systématique est menée contre un peuple, au vu et au su du monde, pour le priver de ses terres et de son droit fondamental à la dignité. Et pourtant, il semble que la communauté mondiale soit devenue insensible à la souffrance, à la douleur et à l’injustice à laquelle sont soumis les Palestiniens depuis de nombreuses décennies. Grace à l’indifférence des Occidentaux, Israël a pu poursuivre ce génocide en toute impunité 11 longs mois.
Comment est-ce arrivé ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment pouvons-nous encore fermer les yeux sur ce carnage?
La réponse est bien sûr la déshumanisation. Beaucoup en Occident, en particulier ceux qui occupent des postes de pouvoir, ne croient pas que la vie palestinienne ait de la valeur – ils ne les voient pas comme des êtres humains.
Cette déshumanisation n’a évidemment pas commencé le 7 octobre, mais s’est accélérée au cours des dix derniers mois. Les voix palestiniennes ont été presque entièrement effacées des sphères politiques et médiatiques. Les Palestiniens, ont été une fois de plus qualifiés de terroristes violents, de bêtes et de sauvages pour avoir simplement résisté à leur massacre.
Dans ce contexte, le flot incessant d’images de mort et de souffrance émergeant de Gaza a encore plus engourdi les observateurs extérieurs face à la souffrance palestinienne. D’autres sont devenus insensibles à leur souffrance en tant que mécanisme de défense émotionnelle. Alors qu’un génocide est diffusé en direct sur nos téléphones, chaque vie éteinte n’est plus qu’un nouveau décompte, une autre statistique dans une guerre qui semble sans fin.
Cette lassitude face aux atrocités qui a touché tout le monde, a également eu un impact déchirant sur les personnes qui se trouvent actuellement à Gaza et font face à ce génocide.
Dans une tentative désespérée de se faire entendre, de faire reconnaître au monde leur humanité et leurs souffrances, les Palestiniens eux-mêmes ont été contraints de faire de leur chagrin une marchandise. En Palestine, le deuil privé devient un spectacle public. Ce processus déshumanisant – où même le chagrin devient une forme de plaidoyer – normalise davantage la mort palestinienne dans la conscience publique.
Aux côtés d’hommes politiques responsables de cette déshumanisation et de la désensibilisation qui en résulte sont les médias occidentaux.
Au-delà du fait de réduire au silence, d’ignorer et parfois de déformer totalement les voix palestiniennes, les journalistes et experts occidentaux ont constamment utilisé un langage qui implique que les Palestiniens ne sont pas pleinement humains et ne sont jamais vraiment innocents.
Dans les rapports occidentaux, la violence israélienne contre les Palestiniens est toujours présentée comme une guerre contre des groupes de résistance qualifiés de « terroristes », sans aucune mention des souffrances subies, des civils palestiniens ou les causes et les conditions qui ont conduit à la formation de ces groupes en premier lieu.
Cependant, les enfants palestiniens ne sont presque jamais « tués » – ils « meurent ». Leurs noms sont rarement évoqués, leurs rêves brisés ignorés. Ils sont souvent réduits à une statistique, une note de bas de page. Plus inquiétant encore, les morts souvent violentes d’enfants palestiniens sont systématiquement imputées aux Palestiniens eux-mêmes. Les rapports mentionnent rarement qui a tiré la balle ou qui a largué la bombe qui les a tués – Israël.
Cette déshumanisation permet à Israël de poursuivre son génocide en toute impunité. Le fait que les médias occidentaux présentent les Palestiniens comme des sous-humains intrinsèquement violents aide non seulement Israël à les blâmer pour leur propre mort, mais aussi à qualifier la résistance armée contre son occupation et l’apartheid de « terrorisme ».
La déshumanisation des Palestiniens nuit non seulement aux Palestiniens, mais aussi à tous les membres de la communauté mondiale. L’effacement de l’humanité de millions de personnes pour le seul « crime » d’être autochtone d’une terre arbitrairement revendiquée par un autre érode également notre humanité collective et notre capacité d’empathie. Lorsque nous acceptons qu’un groupe soit moins qu’humain, nous risquons de perdre notre sens moral, notre capacité à reconnaître l’injustice et à y répondre. Une fois que la dépossession, l’esclavage et le massacre deviennent acceptables lorsqu’ils sont dirigés contre un groupe de personnes, tous les droits, valeurs et normes perdent bientôt leur sens.
Mosadeq Sahebdin