L’égalité réel des genres : encore un long chemin pour les femmes

Journée internationale de la Femme 

Les femmes sont aujourd’hui égales aux hommes, du moins juridiquement. La femme dans la société mauricienne a connu une évolution au sein de plusieurs secteurs. Notons que la gent féminine compte 51 % de la population : il y a 12 932 plus de femmes que d’hommes. Autrefois considérées comme des êtres inferieurs aux hommes, les femmes aujourd’hui n’ont plus froid aux yeux. Elles osent. À Maurice, on constate toutefois qu’en l’estime de certains, les femmes sont toujours considérées comme les plus vulnérables des deux genres.

De nos jours, avec l’évolution sociale, la femme arrive à trouver le juste équilibre. Plus autonomes et courageuses qu’avant, elles progressent à petits pas et intègrent lentement une société androcentrique, largement dominée par les hommes dans tous les secteurs.

Elles égalisent ou dépassent les hommes en termes du nombre de diplômes obtenus. La féminisation a eu un grand impact dans toutes les institutions, y compris les professions naguère considérées comme des bastions masculins. La nouvelle génération des filles prend le dessus avec assurance et chalenge la gent opposée.

En dépit de cela, les femmes sont toujours victimes de discrimination, voire de persécution. Elles sont souvent ciblées et restent grosso modo le genre le plus malmené. La société patriarcale laisse des traces.

 

L’évolution de la femme

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La femme des années 1950 n’avait pas le droit d’avoir des ambitions ou une carrière. Son rôle était principalement lié à la famille. En tant que fille, elle ne pouvait pas s’exprimer sur certaines choses et avait très rarement l’occasion d’aller à l’école. Son droit à l’éducation était considéré moins important que celui des garçons. On lui inculquait certaines valeurs qui lui faisaient croire que son objectif était uniquement de se marier et d’avoir des enfants.

Une fois mariée, elle devait accomplir les devoirs d’une épouse et ceux d’une mère, qui consistaient à maintenir un bon environnement familial. C’était son devoir de veiller à l’éducation de ses enfants, à s’occuper du ménage, sans oublier de satisfaire les désirs charnels de son partenaire. La femme n’avait pas une identité propre à elle et était connue par rapport aux relations qu’elle entretenait avec le sexe opposé. Elle n’avait pas le droit d’aller travailler ou d’ouvrir un compte bancaire. Ainsi, cela la rendait dépendante de son père ou de son époux. La réalité de l´époque démontre une femme dépendante de son mari puisque c’était lui qui assurait un revenu à la famille et même si celle-ci travaillait, c’est son mari qui disposait de son salaire.

La société patriarcale perpétuait l’image de la femme comme responsable de l’entretien de la maison, à travers les médias. Par exemple, les publicités pour les produits d’entretien ménager s’adressaient uniquement aux femmes. Pour vendre une cuisinière ou des produits de lessive, les publicitaires utilisaient largement l’image de la femme munie de son tablier dans la cuisine.

La conformiste et la ménagère, le rôle de la femme a longtemps été stéréotypé et elle s’est souvent retrouvée associée avec le foyer familial. Or, la société a été témoin du potentiel de la femme, quel que soit le domaine. Aujourd’hui, les femmes gèrent leurs maisonnées, leurs familles et leurs carrières. Elles ont les mêmes droits que les hommes dans tous les aspects de la vie.

Elles jouissent d’une existence similaire aux hommes, que les femmes des générations précédentes n’ont pas vécue. Les femmes sont aujourd’hui touche-à-tout et intègrent tous les secteurs qui leurs conviennent. À Maurice, certaines n’ont pas froid aux yeux, en optant pour des métiers traditionnellement réservés aux hommes, tels que receveur d’autobus, pompier, policier ou chauffeur d’autobus. D’autres ont été plus ambitieuses en choisissant la voie politique, et avec un peu de chance, pourraient se retrouver ministres ou PPS. Il y a celles qui sont plus audacieuses en décidant de travailler à leur propre compte. Dans des cas qui deviennent plus fréquents, comme en Allemagne ou en Grande-Bretagne, voire à Maurice, les femmes se retrouvent à la tête du gouvernement ou de l’État.

 

Les femmes au travail

Dans le monde, seulement 18,1 % des postes clefs sont occupés par des femmes, d’après le MSCI World Index  d’août 2015. Cet indice démontre que les entreprises qui avaient une représentation féminine importante au sein de la direction bénéficieraient d’un meilleur rendement sur le capital, soit de 10,1 % par an, comparé à 7,4 % pour les entreprises n’ayant pas cette forte représentation féminine.

À Maurice, le nombre de femmes devance nettement celui des hommes. Elles sont au total 636 932 femmes pour 624 002 hommes dans notre ile. Toutefois, les femmes sont majoritairement sous-représentées dans les postes à hautes responsabilités. Selon un sondage réalisé par Gender Diversity (Mauritius), on note qu’il y a seulement 7 % de femmes au sein des conseils d’administrations des sociétés mauriciennes. Gender Diversity a été lancée au début de cette année. « Notre but est de soutenir l’égalité des genres dans les postes à hautes responsabilités au sein des entreprises locales », affirme son Chief Executive Officer, Juan Carlos Fernandez.

Si dans le passé, le rôle de la femme se limitait uniquement aux travaux ménagers et aux autres occupations familiales, maintenant la donne a changé. En effet, la femme peut aujourd’hui aspirer à une carrière professionnelle équivalente, voire plus importante, à celle d’un homme. Quel métier effectué par un homme ne peut pas être fait par une femme ? Il est vrai que c’est rare de voir des femmes peintres en bâtiment ou bâtisseurs d’immeubles. Mais de nos jours, rien n’est impossible aux femmes. Elles sont pilotes de ligne, femmes d’affaires ou encore politiciennes.

Selon les derniers chiffres publiés par Statistic Mauritius en 2014, on note clairement que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à occuper des postes à responsabilités au sein de la fonction publique. Elles seraient 45 % à s’occuper des postes clefs au sein des différents ministères à Maurice.

Quant au secteur privé, Jane Ragoo, syndicaliste à la Confédération des travailleurs du Secteur privé, affirme que les femmes sont plus ou moins acceptées et respectées au travail. « La femme constitue un élément clef pour le développement de l’économie. D’ailleurs, 85 % des employés de la zone franche sont des femmes », ajoute Jane Ragoo.

Toutefois, il existe aussi des femmes qui n’arrivent pas à tracer leur voie dans les grandes entreprises. À quelque chose, malheur est bon : ce qui les pousserait à opter pour l’entreprenariat afin d’être plus autonomes. Priscilla Vencatapillay, responsable de Baz’Art Kreasion, nous explique que les femmes entrepreneures sont de plus en plus nombreuses. « Nous assurons la formation et l’évolution des femmes entrepreneures. On les aide aussi à faire écouler leurs produits dans plusieurs secteurs », affirme Priscilla Vencatapillay.

 

La femme et la politique

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La nomination d’Ameenah Gurib-Fakim, la première femme qui a accédé au poste de présidente de la République, MayaHanoomanjee, la première femme Speaker à l’Assemblée nationale et Monique Oh-San Bellepeau, première femme à avoir accédé au poste de vice-présidente de la République démontrent que la femme joue désormais un rôle prépondérant au sein de notre société. Les leaders des principaux partis politiques promettent de rectifier le tir dans l’avenir sur le nombre de candidats féminins proposés par les partis politiques.

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La violence conjugale

La violence contre les femmes revêt plusieurs aspects : physique, sexuel, affectif et économique. Les formes de violence les plus répandues sont la violence familiale ou celle commise par un concubin, qui peut être physique ou psychologique. En 2016, 2 077 cas de violence domestique ont été enregistrés, soit 225 hommes et 1852 victimes, des femmes. Toujours l’année dernière, il y a eu 382 demandes de protection orders pour les épouses à la District Court.

Nous avons vu depuis deux semaines que les agressions à l’égard des femmes n’ont pas régressé. Quelques femmes ont été victimes d’agressions passionnelles ces derniers temps à l’arme blanche par leurs ex et luttent entre la vie et la mort aux unités intensifs. Ce qui avait forcé nos politiciens locaux à condamner la violence faite à l’égard des femmes, et cela, à quelques jours de la Journée de la Femme. C’est triste de constater que malgré l’évolution des mœurs, les femmes sont toujours considérées comme des souffre-douleurs par certains, voire plusieurs membres de la gent masculine.

La violence conjugale est-elle inévitable ? On a beau essayer de durcir les lois, mais quand la colère et la jalousie prennent le dessus, les hommes, voire certaines femmes, ne répondent de rien. Notons l’avènement du Protection Order, qui est assez récent à Maurice et qui a constitué un pas majeur dans la répression de la violence conjugale.

Selon la Protection from Domestic Violence (Amendment) Act 2016 : « Toute personne qui a été victime d’un acte de violence domestique et qui croit raisonnablement que son conjoint est susceptible de commettre un acte de violence conjugale contre elle, peut demander à la cour, une ordonnance de protection (Protection Order) visant à empêcher le conjoint intimé de s’engager dans une conduite qui peut constituer un acte de violence conjugale et lui ordonnant d’être de bonne conduite envers le demandeur (la victime).

 

Le viol conjugal dorénavant un délit

Les statistiques pour Maurice nous révèlent que les femmes mauriciennes sont bien plus souvent confrontées que les hommes aux violences sexuelles. Les viols conjugaux sont aussi parmi les problèmes auxquels beaucoup de femmes sont confrontées à Maurice. Que dit la loi ?

Pour cela, Mélanie Magen, avocate, nous répond : « Auparavant, le viol conjugal n’était pas reconnu comme une infraction pénale à Maurice puisque l’article 249(1) du Code pénal qui traite du viol stipulait que le viol conjugal n’était pas un délit. Aussi la loi mauricienne concernant le mariage, comme le stipule l’article 215 du Code civil, les époux ont un devoir conjugal, l’un envers l’autre, et que par conséquent, si un mari utilise la force pour obliger sa femme à avoir des rapports sexuels, cela n’est pas considéré comme une infraction pénale ».

Toutefois, les circonstances ont totalement changé depuis l’introduction de la Protection against Domestic Violence (Amendment) Act 2016. Aujourd’hui, le viol conjugal est reconnu comme une infraction à la loi et un délit répressible par l’emprisonnement. Le viol conjugal est défini ainsi : « obliger le conjoint ou l’autre personne par la force ou la menace de commettre un acte ou un acte sexuel ou autre, dont le conjoint ou l’autre personne, a le droit de s’abstenir ».

De plus, le Protection from Domestic Violence (Amendment) Act 2016 prévoit aussi un « Occupation Order » qui oblige l’agresseur à quitter le toit conjugal, et le « Ancillary Order » qui protège la victime en empêchant l’agresseur de s’approcher de cette dernière à une certaine distance. Ces ordonnances peuvent avoir une durée de deux ans.

 

Les ONG en force

Entreprenariat

Nombreuses sont les organisations non gouvernementales qui viennent en aide aux femmes victimes de violence. SOS femmes, La Passerelle, Ti Rayon de Soleil, Gender Links et autres militent depuis des années pour le bien-être de la femme. Selon une enquête en 2015 de Gender Links intitulée War at Home, 84 % des hommes et 77 % des femmes sont d’avis que la femme doit obéir à son époux et 18 % d’hommes et 13 % de femmes considèrent que la femme doit remettre son salaire à son mari. Une publication de cette organisation dévoile cette situation comme étant préoccupante surtout que 38 à 55% des deux genres trouvent normal que la femme soit punie par son mari si elle commet une erreur.

Il ne faut pas oublier que les femmes appartenant à un groupe déjà marginalisé telles les séropositives, les handicapées, les SDF et les détenues, sont doublement touchées par plusieurs types de violence en raison de leur situation. Logah Veerasawmy, ancienne présidente de Gender Links, est d’avis qu’elles méritent plus d’attention. « Il leur faut un grand coup de main et surtout ne pas les laisser pour compte ».

 

Les femmes : proies de prédilection des prédateurs virtuels

Chaque année, ils sont nombreux à s’enregistrer sur les réseaux sociaux. Parmi, certaines femmes qui ne se doutent pas du danger qui les guette. Entre le ‘fake profiling’ et d’autres dangers comme le chantage, les scams de tous types, les sextapes et autres, les femmes sont des proies de choix des malfaiteurs en ligne. Cette semaine, nous sommes partis à la rencontre de deux victimes sur les réseaux sociaux, toutes deux des femmes, dans leur vingtaine.

Z.est une habitante de Vacoas. Etant mariée depuis peu, elle nous raconte que cet événement est maintenant derrière elle. Un beau jour, une amie lui dit qu’une personne a créé un faux compte avec ses photos. Après avoir vérifié l’information, elle constate que c’est vrai. Paniquée, elle demande de l’aide à ses amies. « Je leur ai demandé de rapporter le profil et deux jours plus tard, Facebook lui envoie un message pour lui dire que le profil a été enlevé », nous dit-elle.

Une autre femme, âgée d’une vingtaine d’années  elle aussi, avait un plus grand souci. A. habite dans l’ouest du pays. Cette femme de plus de vingt ans a subi un traumatisme l’année dernière. Une de ses photos sur Facebook a été téléchargée puis remise sur une page, connue des Mauriciens, Les plus belles femmes de Maurice. Nous avons vainement essayé de trouver la page mais deux pages similaires nous sont apparues en tapant ce nom dans la boîte à recherches.

« C’est une page qui fait horreur à bon nombre de femmes. J’ai perdu des heures au poste de police, aux Casernes centrales et au National Computer Board. Lorsque j’ai rencontré le type qui gère cette page, il ne se souciait guère des effets que cela pourrait avoir sur ses victimes. Il utilisait même du sarcasme pour me répondre devant les autorités concernées », nous explique H.

Nous avons pris contact avec Jayseeree Bhunjun qui est à la tête de la Family Unit du ministère de l’Égalité des Genres. Cette dernière, témoin de plusieurs cas où les femmes sont les victimes des prédateurs virtuels, nous dit : « Nous sommes souvent informés après que les cas ont été dévoilés à la presse. Toutefois, nous avons une hotline, le 139, où les gens peuvent porter plainte contre les abus de Gender-Based Violence et celles qui peuvent se déplacer doivent se rendre aux Family Support Bureaux se trouvant à Goodlands, Flacq, Phoenix, Bambous, Port-Louis et Rose-Belle pour le faire ».