Le secteur agricole traverse une période critique en raison de la sécheresse persistante qui frappe l’île. Le manque de pluie et la baisse alarmante des réserves d’eau impactent directement la production agricole, mettant en péril l’approvisionnement en légumes et autres cultures essentielles. Face à cette crise, les acteurs du secteur appellent à une réforme en profondeur de la gestion de l’eau. Heureusement, le nouveau gouvernement semble déterminé à prendre ce problème à bras le corps et à trouver des solutions durables.
La sécheresse prolongée a entraîné une chute drastique du niveau des réservoirs du pays, avec une moyenne atteignant moins de 40 % de leur capacité. Cette situation a conduit le gouvernement à mettre en place des mesures drastiques, telles que l’interdiction du lavage des voitures et du remplissage des piscines. Cependant, pour le secteur agricole, ces mesures pourraient ne pas suffire face à l’urgence de la situation.
Selon Krit Beeharry, porte-parole de l’Association des Planteurs de l’île, plusieurs légumes, notamment les aubergines, les piments, les margozes, les calebasses et les lalos, ne sont plus produits dans le nord du pays en raison du manque d’eau. « Toutes les plantations sont à l’arrêt dans cette région. Nous avons encore de la production dans le sud et sur le Plateau central grâce aux faibles précipitations récentes, heureusement » explique-t-il. « D’ici mars ou avril, il risque d’y avoir une hausse des prix en raison du manque d’irrigation, ce qui impactera directement les consommateurs », ajoute-t-il. La sécheresse pourrait également impacter les célébrations des fêtes Maha Shivaratri et Cavadee. « Nous allons peut-être manquer de haricots car, bien qu’ils aient été plantés en décembre, beaucoup de pieds sont morts en raison de la sécheresse », prévient-il.
Un système de distribution de l’eau jugé obsolète
L’un des problèmes majeurs soulevés par les planteurs est la distribution inéquitable de l’eau. Actuellement, l’agriculture arrive en troisième position en termes de priorité, alors qu’elle constitue un pilier fondamental de l’économie locale et de la sécurité alimentaire. De plus, des pertes massives d’eau potable, évaluées à 62 % en raison de fuites dans le réseau, aggravent encore la situation.
Krit Beeharry insiste sur la nécessité de revoir les priorités : « Les régulations sur la distribution de l’eau sont outdated à Maurice, il faut revoir complètement le système. Nous devons déterminer quels secteurs doivent être prioritaires. Aujourd’hui, certains hôtels et villas ont leurs piscines remplies, alors que nos plantations manquent cruellement d’eau. Cela ne peut plus continuer ainsi. » Les planteurs estiment également qu’il est urgent de revoir l’allocation de l’eau en fonction du taux d’évaporation, qui varie selon les régions. « Dans le nord, le taux d’évaporation atteint jusqu’à 10 mm par mètre carré, alors qu’il est de 6 mm dans des zones plus propices à l’irrigation comme le Plateau central ou le sud. Nous devons irriguer là où l’évaporation est moindre », souligne-t-il.
Vers une gestion plus durable de l’eau
Face à ces défis, les agriculteurs demandent une réforme de la politique de gestion de l’eau. Le nouveau gouvernement a affiché une volonté claire d’aborder cette question en priorité. Il a déjà répondu favorablement concernant des consultations avec les parties prenantes. Parmi les pistes pouvant être envisagées figurent l’optimisation de l’irrigation, la modernisation du réseau de distribution et l’exploration de solutions innovantes comme la désalinisation de l’eau de mer. L’Espagne, par exemple, irrigue ses serres avec de l’eau désalinisée. Cette technologie pourrait être envisagée à Maurice pour soutenir l’agriculture tout en préservant les réserves d’eau douce. « Nous devons envisager des solutions modernes. Si d’autres pays arrivent à gérer leur agriculture avec des technologies avancées, pourquoi pas nous ? », interroge Krit Beeharry. Une meilleure répartition des ressources entre les besoins domestiques, touristiques et agricoles est également essentielle pour assurer la résilience du pays face aux changements climatiques.
Des interlocuteurs à l’écoute
En raison de la sécheresse, certains planteurs seraient contraints de recourir à des solutions coûteuses et parfois illégales, telles que l’achat d’eau acheminée par camion. « Il faut que tout le monde à savoir les institutions, les ministères, le gouvernement, s’assoit et discute pour trouver une solution car certains se retrouvent à recourir à des solutions illégales comme acheter de l’eau et la faire venir par camion, surtout dans la culture hydroponique, qui fournit 90% de la production de pommes d’amour. Il faut revoir la loi, se montrer plus flexible et revoir les priorités », alerte Krit Beeharry.
Toutefois, il y a lieu d’espérer. Le nouveau gouvernement, conscient de l’ampleur du problème, prend des initiatives concrètes pour transformer la gestion de l’eau à Maurice. « Nous avons enfin des interlocuteurs à l’écoute. Il est temps d’agir de manière concertée pour assurer un avenir stable à l’agriculture locale », conclut le porte-parole de l’Association des Planteurs de l’île. La volonté politique et les mesures mises en place pourraient enfin apporter des solutions durables pour garantir la sécurité alimentaire du pays et préserver un secteur déjà mis à rude épreuve par le changement climatique.