Les familles des victimes dans l’incompréhension et la colère

Rapport sur le naufrage du Sir Gaëtan non divulgué

Cela fait plus d’un mois que la ‘Cour of Investigation’ a soumis ses conclusions sur le naufrage du Sir Gaëtan, survenu en 2020. Or, le gouvernement ne pipe mot sur ce rapport, qui n’a toujours pas été rendu public. Du côté des proches des victimes, c’est un sentiment de colère et de révolte qui prédomine.

Les familles des victimes ont manifesté devant l’Hôtel du gouvernement le mercredi 28 avril pour faire entendre leur voix. Ces familles demandent à ce que le gouvernement assume ses responsabilités et que le rapport soit publié dans les plus brefs délais pour qu’ils puissent connaitre les circonstances dans lesquelles il y a eu mort d’homme.

La question sur toutes les lèvres : le gouvernement compte-t-il étouffer ce rapport comme il l’a fait pour celui du ‘Fact-Finding Committee’ sur les personnes sous dialyse qui avaient trouvé la mort dans les hôpitaux ?

Pour rappel, le remorqueur Sir Gaëtan de la ‘Mauritius Ports Authority’ (MPA) avait fait naufrage le 31 août 2020 au large de Poudre D’or. Quatre personnes avaient perdu la vie après ce naufrage, dont Moswadeck Bheenick, le capitaine, et Sujit Kumar Seewoo, Sylvain Jimmy Addison et Laval Lindsay Plassan, hommes d’équipage. Quatre autres marins avaient été secourus. Le capitaine Moswadeck Bheenick avait été porté manquant mais malgré des recherches étendues, son corps n’avait jamais été retrouvé et il avait été déclaré mort.

Une ‘Cour of Investigation’ avait été instituée pour faire la lumière sur ce naufrage, présidée par l’ancien juge Gérard Angoh, selon les dispositions de la loi maritime. Cette cour avait soumis son rapport le 22 mars 2022 au ministère de l’Économie bleue, des ressources marines, de la pêche et du transport maritime.

La veuve et le fils de Moswadeck Bheenick, etaient également présents lors de cette manifestation. Mariam Bheenick nous indique que ce moment-là est dur pour elle car elle n’aurait jamais pensé qu’elle allait perdre son mari dans des circonstances pareilles. Elle lance un appel aux autorités pour que le rapport soit rendu public dans les plus brefs délais car elle veut savoir dans quelles circonstances son mari a perdu sa vie.

En temps normal, lorsqu’une famille subit une telle tragédie, le gouvernement vient de l’avant pour la soutenir mais pour la famille Bheenick, cela n’a pas été le cas. Cela fait déjà deux ans que la famille Bheenick attend toujours une compensation, équivalente à 6 mois de paye, qui leur avait été promise par le directeur de la MPA. « La MPA avait promis de nous aider mais il n’y a rien eu par la suite », dénonce-t-elle. Cette veuve explique qu’elle reçoit bien une pension, mais qui est loin de suffire face à la cherté de la vie.

Elle déplore l’indifférence du gouvernement et celle de la MPA. « L’État n’est pas en train de faire son travail comme il le faut. Il y a une grande différence entre ce que dit le gouvernement et ce qu’il fait », fustige-t-elle.

Selon le fils de Moswadeck Bheenick, Irfan Bheenick, si les protocoles de sécurité avaient été respectés, on aurait pu éviter ce drame. « Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne veut pas divulguer les conclusions de la Cour d’investigation. Le gouvernement doit agir dans la transparence », dit-il.

Irfan Bheenick explique que cette situation est difficile pour la famille. Il affirme que son père a perdu sa vie dans le cadre son travail, un geste pour lequel sa famille n’a été compensée. Irfan Bheenick nous a confié que le directeur de la MPA lui avait même dit que si jamais son père revient, par un quelconque miracle, il devra restituer l’argent qu’il a reçu du gouvernement, ce qu’il trouve grotesque. Il se sent « menacé » par ce gouvernement, dont il dénonce fermement la façon de faire. « Au lieu de nous rendre la vie facile, le gouvernement est en train de rendre notre vie très dure », dénonce ce jeune homme.

Tania Addisson, la fille de Jimmy Addisson, mort lui aussi en mer lors du naufrage du Sir Gaëtan, était elle aussi venue demander que le rapport soit rendu public. Elle veut à tout prix trouver les réponses à ses questions. C’est pour cela elle avait marqué sa présence lors de cette protestation ce mercredi. « C’est bien douloureux pour moi d’avoir perdu mon père dans de telles circonstances. En ce moment même, nous essayons de faire face à une situation qui n’est pas évidente », explique-t-elle.

Le président de la ‘Maritime Port Employees Union’, Tirth Puryag, était présent lors de cette manifestation du 28 avril, pour soutenir les familles des victimes. Il explique que le 22 mars, l’enquête sur la mort des victimes du Sir Gaëtan a pris fin et que le rapport a bien été remis au ministère concerné mais jusqu’ici, on n’a rien entendu sur ce rapport.

Il attire l’attention sur le fait que les familles sont toujours en attente des conclusions de l’enquête pour décider de la marche à suivre. « Les familles des victimes ont le droit de savoir ce que contient le rapport », maintient-il. Le syndicaliste lance donc un appel aux autorités concernées pour que le rapport soit rendu public au plus vite, et pour que le gouvernement vienne de l’avant pour aider les familles des victimes.

Alain Malherbe, également présent à cette manifestation pour apporter son soutien aux familles, nous explique que cela fait deux ans que le remorqueur a fait naufrage, mais une fois que l’enquête a abouti, les conclusions de cette enquête n’ont pas été dévoilées. « C’est une action grave de la part du gouvernement, qui privilégie l’opacité », dénonce-t-il.

Qui plus est, le chairman de la MPA avait promis une compensation aux veuves des victimes, mais jusqu’ici, ces dernières n’ont pas encore vu la couleur de cet argent. Il parle ainsi « d’injustice et d’indifférence » envers l’épouse de Moswadeck Bheenick et des autres familles.