Les incohérences de Kailesh Jagutpal décortiquées par le Dr Shameem Jaumdally : « Les données sont manipulées ! »

Le ministre de la Santé a-t-il tenté de « mislead » la population encore une fois ? C’est du moins l’impression qu’on a eu en l’écoutant sur les ondes d’une radio privée mercredi. À plusieurs reprises, il s’est emmêlé les pinceaux, allant, par moment, à faire des comparaisons farfelues. Des professionnels de la Santé n’hésitent d’ailleurs pas à relever les inconsistances de Kailesh Jagutpal. Le Dr Shameem Jaumdally, virologue mauricien basé en Afrique du sud et qui suit l’évolution de la pandémie à Maurice de près, se dit d’ailleurs stupéfait par les incongruités et les faussetés déconcertantes du ministre de la Santé dans sa tentative de faire croire que la situation est sous contrôle alors qu’elle ne l’est visiblement pas.

Le virologue estime que le ministre de la Santé fait fausse route en pensant que la réouverture des frontières se fera sans grand heurt en raison du taux de vaccination parmi la population mauricienne. « Ce qu’il a dit est complètement faux. J’aimerais lui rappeler ce qui s’est passé aux Seychelles à la réouverture de leurs frontières malgré l’immunité collective. Avec l’apparition du variant Delta, les personnes vaccinées au Sinopharm ont dû être hospitalisées et un certain nombre de décès a été enregistré. À Maurice, puisque bon nombre de personnes sont vaccinées au Covaxin et au Sinopharm, des vaccins ayant une efficacité réduite, elles seront toujours exposées à des formes plus sévères de la maladie. Je pense qu’il nous faut tirer des leçons d’autres pays, et plus précisément des Seychelles pour que l’histoire ne se répète pas à Maurice cette fois-ci », insiste le Dr Shameem Jaumdally.

Ce dernier réfute également l’argument du ministre de la Santé à l’effet que les cas asymptomatiques sont les résultats de la vaccination. « C’est bizarre parce qu’on sait que les cas annoncés découlent des résultats obtenus à travers des tests PCR. Or, les personnes ayant accès à ces tests PCR sont, selon le nouveau protocole, celles qui ont soit des symptômes ou qui doivent être admises à l’hôpital pour des interventions entre autres. C’est donc faux de dire que la majorité des cas sont asymptomatiques, d’autant que beaucoup de patients qui témoignent sur les radios privées ou sur les réseaux sociaux avouent avoir des symptômes mais qu’ils n’ont pas eu accès à des tests PCR. Je pense que la définition d’asymptomatique du ministre de la Santé est erronée. Sa définition personnelle d’asymptomatique veut dire des symptômes autres que des problèmes respiratoires, dont les courbatures et la perte de l’odorat. Ce qui est grave puisqu’on sait que les patients ayant des symptômes sont souvent les plus infectieux. Il ne faut pas que le ministre manipule la façon dont il donne des informations », martèle le virologue.

Autre argument rejeté par le Dr Shameem Jaumdally : le « testing agressif » que le ministre de la Santé prétend de faire. « Jamais nou dire ki faudrait ou ena zis symptômes ki ou fer ou test […] nou la porte ouvert dan nou bane centres de santé pou ou fer ou test », avait affirmé Kailesh Jagutpal. Or, la réalité est tout autre, comme le fait ressortir notre interlocuteur. « Le ministre se contredit clairement parce qu’il a changé de protocole pour autoriser seulement les personnes âgées de plus de 65 ans ou celles présentant des symptômes pour se faire dépister dans les centres de santé. On est bien loin d’un testing agressif. Au contraire, il y a beaucoup de restrictions par rapport au dépistage. Raison pour laquelle on n’arrive pas à avoir les chiffres réels du nombre de contaminations », tonne le Dr Jaumdally.

Quant à la comparaison effectuée par le ministre de la Santé concernant le nombre de morts dans les hôpitaux en août 2019, soit avant la Covid-19 et qui s’élevait à 511, et en août de cette année où il n’y a eu que 520 malgré la Covid-19, le Dr Jaumdally dira que ses calculs sont, sur le plan épidémiologique, « flawed ». « On ne peut pas faire une telle comparaison. Cela n’a pas de sens », fustige le virologue. Si le nombre de décès augmente, poursuit-il, c’est parce que c’est proportionnel au nombre de cas recensés. Il dénonce, dans la même foulée, la comptabilisation des décès de patients positifs sous deux catégories différentes, l’une comptant ceux décédés directement de la Covid-19, et l’autre regroupant ceux dont le décès est attribué aux comorbidités.

« La plupart des pays ont mis en place des guidelines pour déterminer les causes de décès. Au Royaume Uni par exemple, si un patient positif décède dans les 28 jours suivant un test positif, sa mort est attribuée à la Covid-19. En Afrique du sud, des tests x-ray sont effectués pour déterminer à quel point le poumon de la victime était affecté et l’on se base aussi sur ses besoins en apport d’oxygène et de respiration artificielle avant de déterminer la cause de son décès. La façon dont les autorités mauriciennes le font, en les divisant par catégories, est erronée. Elles manipulent les données ! », rétorque le Dr Shameem Jaumdally.