La réaction du Premier ministre était évidemment très attendue suite à la manifestation historique du samedi 29 août. Il est venu, deux jours plus tard, soit après que bon nombre de Mauriciens aient eu la constipation provoquée par les œufs indigestes que la télé partisane leur a servi durant le week-end, avec un message préenregistré. Malheureusement, et comme il fallait s’y attendre, Pravind Jugnauth a déçu. Il nous a pondu d’autres œufs tout aussi embrouillés que ceux de la « MSM Broadcasting Corporation ». De quoi rendre encore plus malades les citoyens. Certes, s’attendre à voir Pravind Jugnauth faisant son mea-culpa relevait de la fantaisie. Mais on espérait au moins qu’il annonce des actions et des sanctions immédiates dans le cas du Wakashio ainsi que des engagements fermes concernant les autres griefs. Il n’en a rien été. Puisque Pravind Jugnauth semble ne jamais comprendre « kot line fauté », éclairons-lui la lanterne.
D’abord, tout ne commence pas et ne finit pas avec la Covid-19. Le passage de Pravind Jugnauth à la BBC ne lui a finalement pas servi de leçon, malgré les nombreuses critiques. Il a ainsi répété la même erreur en se félicitant, encore une fois, d’avoir bien géré cette pandémie. Sans mentionner, bien sûr, la fermeture tardive des frontières, les dix morts ou le scandale de l’achat des médicaments et des équipements médicaux. La Covid-19 n’a donc été qu’une diversion inutile et hors contexte. L’annonce de l’ouverture des frontières, pourtant très attendue, a également reçu un accueil des plus tièdes. Puisque le Premier ministre a laissé planer le doute sur la date précise de la reprise normale des vols, de même que sur le protocole exact qui sera mis sur place. Conséquence : le flou persiste toujours.
Les excuses que la population voulait entendre ne sont pas venues, certes. Par contre, les remerciements maladroits de Pravind Jugnauth ont été ridiculisés de la pire façon qui soit. Savait-il que la population hurlait « bo*** li dehors » ? Tant mieux s’il y a vu l’exemple de la liberté d’expression et d’une démocratie vivante. Car celles-ci ont été allègrement bafouées ces derniers temps, avec sa bénédiction d’ailleurs. Le plus désillusionnant aura toutefois été son engagement à faire de son mieux sur le dossier Wakashio et celui de l’environnement, tout en faisant l’impasse sur les autres revendications des manifestants. La corruption et le népotisme se poursuivront-ils ? « Je pense, mais je n’y crois pas », aurait dit Nishal. Du moins, Pravind Jugnauth n’en a pas donné la moindre assurance qui soit. Ce qui ne rassure guère.
L’annonce de la mise sur pied d’une « Court of Investigation » présidée par l’ancien juge Raffick Hamuth, au lieu d’une commission d’enquête, comme réclamée, a également laissé un goût amer. D’autant que son engagement d’agir sur les conclusions de cette enquête, comme il l’avait fait dans le cas du rapport Lam Shang Leen, présage qu’il n’en fera rien. Les recommandations de ce rapport, on le sait, dort toujours dans un tiroir quelconque au PMO. Vraiment pas de quoi pour « tappe l’estomac ».
Autant de points qui prouvent que le chef de Lakwizinn – pardon, du gouvernement plutôt – n’a rien compris des revendications du peuple. Il est toujours, et plus que jamais, déconnecté de la réalité. La faute aux experts qu’il écoute, sans doute. Il lui aurait été nettement plus bénéfique s’il prêtait davantage attention aux exigences de la rue au lieu de se fier à ses prétendus experts. Car aucun expert ne peut le protéger de la colère collective. « Quand le peuple perd l’espoir, sa colère finit toujours par s’exprimer », disait Jacques Chirac. Cette colère pèsera désormais comme une épée de Damoclès sur la tête de Pravind Jugnauth. Dorénavant, ni lui ni ses ministres ne pourront plus nous pisser dessus, comme dirait l’autre…