Les péchés de PJ

Le PTr, à travers son leader Navin Ramgoolam, a annoncé la tenue prochaine d’une manif dans la circonscription de Pravind Jugnauth. Cela s’annonce prometteuse. Surtout après celle tenue hier à l’initiative de Bruneau Laurette, et réussie haut la main malgré l’absence d’une partie de l’opposition parlementaire et extra-parlementaire. Le plus tôt le rassemblement du PTr se tiendra, le mieux ce sera pour le pays. Car une telle manif provoquera à coup sûr un sursaut du Premier ministre, de ses deux colistiers et du gouvernement. Car il ne s’agira pas d’une opération coupe-ruban pour séduire l’électorat du chef du parti soleil, mais d’une démonstration de force pour lui indiquer la porte de sortie. Principalement parce que les dernières élections tenues dans cette circonscription sont critiquées dans un rapport officiel signé par nul autre qu’une magistrate. Mais aussi parce qu’un ex-agent du MSM de cette même circonscription a été froidement assassiné pendant que les coupables courent toujours dans la nature deux an plus tard. Et aussi parce que le nom du colistier du Premier ministre au no. 8 est aussi cité dans ce même rapport et qu’il est visé par tous les trois motifs possibles du crime, à savoir les Kistnen Papers, l’emploi fictif de ‘constituency clerk’ et les achats sous ‘emergency procurement’ par la STC.

Le gouvernement de Pravind Jugnauth s’est déjà mis en mode défensif suivant l’annonce de cette manif en transférant celui qu’on croyait indéboulonnable à la tête du CCID. Le DCP Heman Jangi, employé sous contrat après sa retraite pour faire la sale besogne de Lakwizinn, a fini par être muté – au lieu d’être remercié tout bonnement – pour avoir voulu trop protéger Yogida Sawmynaden alors que ce dernier aurait dû être interrogé depuis belle lurette dans l’affaire d’emploi fictif. Le transfert de Jangi servirait ainsi de parade au bâtiment du Trésor pour tenter de retourner l’opinion publique en sa faveur, surtout après le violent soubresaut que le régime a dû subir après la publication du rapport de la magistrate Mungroo-Jugurnath. Mais qu’importe ses stratégies de défense, Pravind Jugnauth ne pourra jamais vraiment se dédouaner dans l’affaire Kistnen. Car il a surtout fauté par son laisser-aller. Le Premier ministre était très au fait des agissements de Yogida Sawmynaden depuis … 2016 !

Oui, 2016. Plus précisément le 10 avril 2016. Sunday Times, rappelons-le, avait fait, à cette date, sa Une avec les dénonciations exclusives de Nawshad Khudurrun contre Sawmynaden qui était alors ministre des Sports. Cette affaire remontait à 2015 et était identique aux contrats bidonnés de la STC, aux commissions perçues et finalement aux menaces proférées contre les proches qui menacent de tout déballer après avoir été privés de ce qu’ils considèrent comme étant leurs dus. Nawshad Khudurrun, également un ancien agent du MSM au no. 8, avait allégué que Yogida Sawmynaden voulait étouffer l’affaire. « Zot pou donne toi ene chèque officiel. Mo pou donne toi le reste en cash. Selma mo oulé ki sa fini lamem », aurait dit l’ex-ministre des Sports à l’éventuel dénonciateur. L’affaire avait fait grand bruit et avait été porté au Parlement, mais en vain. Las des va-et-vient aux Casernes centrales et à l’ICAC et accablé par les menaces et persécutions incessantes, Nawshad Khudurrun a dû finalement quitter le pays pour se réfugier ailleurs avec sa famille. Qui sait, s’il était resté, il aurait probablement connu la même fin tragique que son ami Kaya.

Jusqu’ici, cette triste affaire dort toujours dans les tiroirs de l’ICAC. Si Pravind Jugnauth avait agi promptement depuis le début de cette affaire, il aurait épargné son gouvernement de l’affaire Kistnen, incluant celle d’emploi fictif et les contrats bidonnés de la STC. Mais le Premier ministre continue à tolérer les irrégularités dans lesquelles sont impliqués les membres de son Cabinet. Pire, il pèche en les protégeant de la justice. Il pèche en prenant fait et cause pour eux sans se soucier de la vérité. Il pèche parce qu’il n’est pas à la hauteur des responsabilités attendues d’un Premier ministre capable de prendre des décisions dans l’intérêt du pays et de la population. S’il ne sait pas encore « kot line fauté », il faudra s’assurer qu’il en prenne bonne note lors de la manif prévue dans sa circonscription. D’ailleurs, au no. 8, il semble que le soleil commence déjà à s’éclipser depuis les dernières révélations dans l’affaire Kistnen. Yogida Sawmynaden avait été désigné ‘Persona Non Grata’ lors d’une fête à l’occasion de Divali au no. 8 cette semaine. Seul le Premier ministre et sa colistière Leela Devi Dookun-Luchoomun ont été accueillis comme invités d’honneur.

Le signal envoyé au Premier ministre est on ne peut plus clair. Il indique que les associations socio-culturelles de Quartier Militaire/ Moka ne toléreront plus un quelconque soutien de Pravind Jugnauth envers son colistier indésirable. Après les révélations faites lors de la manif organisée à l’initiative de Bruneau Laurette devant le Parlement hier, Pravind Jugnauth n’a pas intérêt à faire gaffe. Mais attendre qu’il prenne la bonne décision et démissionne tout court relèverait de l’utopie. Parce que Pravind Jugnauth semble croire qu’il dirige une monarchie. Pas étonnant puisque le fauteuil premierministériel lui avait été remis sur un plateau par son défunt père en janvier 2017…