L’espoir des uns Le désespoir des autres

C’est la queue entre les jambes que le gouvernement a payé les réclamations de Rs 5, 6 milliards à Betamax en début de semaine. Si la STC a déboursé Rs 1, 5 milliards, la Trésorerie publique a, par contre, fourni le reste du montant pour pouvoir indemniser Vikram Bhunjun. Depuis le jugement rendu par le Privy Council, pas un seul membre du gouvernement n’a pipé mot sur cette affaire. Jusqu’à ce qu’on apprenne vendredi que le Conseil des ministres a « agréé » à l’institution d’une commission d’enquête sur les circonstances ayant mené à l’octroi du contrat d’affrètement de produits pétroliers à Betamax et subséquemment à la résiliation de ce même contrat. En agréant en quatrième vitesse à la requête de l’Alliance de l’Espoir d’instituer cette commission d’enquête, le gouvernement de Pravind Jugnauth s’octroie ainsi un « face saving device » lui permettant d’affronter la condamnation populaire. Puisque c’est le peuple qui paie chèrement pour cette vendetta politique.

L’ironie veut toutefois que tout ce beau monde, à l’exception du MMM, a été à un moment ou à un autre, partie prenante de cette affaire. Le MSM, dont faisait partie Nando Bodha, avait défendu le dossier Betamax face au MMM quand il était loyalement en alliance avec le PTr avant qu’il ne change par la suite son fusil d’épaule. Le PMSD dirigeait le gouvernement avec son allié PTr en novembre 2009 quand le contrat avait été alloué à Betamax. Xavier Duval présidait même un comité y relatif. Et ce même Xavier Duval siégeait toujours au Conseil des ministres, cette fois-ci avec ses collègues du MSM, quand la décision de résilier ce contrat avait été prise en 2015. Le leader du Reform Party, Roshi Bhadain, était pour sa part, celui, selon feu sir Anerood Jugnauth, qui avait convaincu le nouveau gouvernement MSM d’annuler le contrat en janvier 2015.

Ainsi, qu’il soit Duval, Bodha ou Bhadain, ils sont tous éclaboussés par l’affaire Betamax, étant tous responsables des décisions collectives prises par le cabinet ministériel. Il ne sert donc à rien de venir maintenant prétendre le contraire, d’autant que personne n’a démissionné du gouvernement travailliste ou du MSM sur un quelconque désaccord sur le dossier Betamax. Faut-il rappeler que le PMSD avait claqué la porte de l’hôtel du gouvernement sur la question de la ‘Prosecution Commission’, Badhain sur l’accession de Pravind Jugnauth au poste de Premier ministre et Bodha sur la mort de Kistnen ? Pourquoi feignent-ils maintenant l’indignation sur Betamax ? Est-ce parce qu’ils sont rongés par leur conscience pour avoir initié ou toléré une vendetta politique qui vient de coûter au peuple mauricien les yeux de la tête ? Ont-ils une conscience d’ailleurs ?

Il ne fait aucun doute que l’Alliance de l’Espoir minus le MMM se désespère, se dédouane sans trop grande conviction et reste sur la défensive. Outre de satisfaire leur orgueil, la commission d’enquête permettra donc à ces trois des quatre partenaires de l’Alliance de l’Espoir de se voiler la face, tout comme le fait le gouvernement, et de tenter vainement de berner la population qui, elle, s’exaspère devant le jeu malsain de ces prétendants dirigeants. Le plus écœurant cependant, c’est que d’énormes fonds publics seront encore une fois engloutis dans une commission d’enquête qui n’aboutira à rien. Exemples ? Qu’a-t-on fait avec les recommandations du rapport Lam Shang Leen trois ans après avoir été rendues publiques ? Où est le rapport de la commission d’enquête sur Britam quatre ans après sa mise sur pied ? Quand verra-t-on le résultat de la commission d’enquête sur Ameenah Gurib-Fakim instituée en 2018 ?

À quoi servira une autre commission d’enquête qui traînera encore pendant des années ? Si le gouvernement et une bonne partie de l’opposition pensent y trouver confort, le peuple, lui, a du mal à comprendre comment une énième commission d’enquête le soulagera de ce lourd fardeau de Rs 5, 6 milliards qu’on lui a imposé, hormis de lui soutirer encore d’argent. Et de l’asphyxier davantage. L’espoir des uns se résume au désespoir des autres.