Leurs frottements avec des barons de la drogue révélés  

Rapport Lam Shang Leen : Trois avocats du MSM épinglés

Ils sont trois membres du MSM à avoir été épinglés par le rapport Lam Shang Leen. Deux d’entre eux, soit Roubina Jadoo-Jaunboccus et Sanjeev Teeluckdharry, occupaient des postes constitutionnels au sein du gouvernement. L’une était ministre de l’Égalité des genres alors que l’autre était Deputy Speaker de l’Assemblée nationale. Ces deux membres de la majorité ont été contraints à démissionner de leurs fonctions vendredi après-midi. Et ce, après qu’ils se soient entretenus avec le Premier ministre la veille, soit dans la soirée de jeudi. Le troisième n’est nul autre que le candidat battu de la défunte alliance Lepep au no 3 en décembre 2014, Raouf Gulbul. Ce Senior Counsel occupait également deux fonctions importantes au sein de la Gambling Regulatory Authority (GRA) et de la Law Reform Commission (LRC). Mais il a été contraint de démissionner de ces deux postes dans le sillage des travaux de la commission d’enquête sur la drogue. Pravind Jugnauth ayant, à maintes reprises, réitéré son engagement de combattre le trafic de drogue, il ne pouvait plus traîner ces trois boulets. D’où sa décision d’appliquer la guillotine dès qu’il a pris connaissance des conclusions du rapport Lam Shang Leen.

 

Roubina Jadoo-Jaunboccus 

« Middleman » et complice

Roubina Jadoo-Jaunboccus avait passé un mauvais quart d’heure à la commission d’enquête sur la drogue en juillet de l’année dernière. Et cela, en raison de ses 37 visites aux détenus, dont des barons de drogue, en 2009. Ce qui relèverait d’un « exploit », selon certains membres du barreau qui avaient, dès lors, laissé entendre que les carottes étaient cuites pour la députée du no. 2. Mais cela ne l’a nullement empêchée d’être propulsée comme ministre de l’Égalité des genres en novembre dernier. Un portefeuille qu’elle a dû toutefois délaisser huit mois plus tard, le rapport Lam Shang Leen étant très critique envers elle.

L’auteur du rapport souligne que Roubina Jadoo-Jaunboccus a été en contact avec le « most notorious convicted drug trafficker » en la personne de Veeren Peroumal alors que ce dernier purge sa sentence. Le rapport met ainsi l’accent sur ses ‘unsolicited visits’, d’autant que les détenus qu’elle a visitées n’étaient même pas ses clients. La commission la prend aussi à contre-pied en faisant ressortir qu’elle a comparu pour plusieurs trafiquants de drogue bien qu’elle ait toujours démenti avoir défendu des cas de drogues. Autre révélation troublante de la commission : l’avocate aurait agi comme « middleman »  pour transférer une somme de Rs 50 000, qu’elle a reçue de Maria Cupidon, arrêtée pour importation d’héroïne, à un dénommé Kamasho, condamné pour le même délit. Une transaction qui date du 29 avril 2008. En ce faisant, elle aurait probablement agi comme complice pour blanchiment d’argent, selon le rapport.

 

Sanjeev Teeluckdharry 

Sur la défensive jusqu’au bout

Il savait probablement que les carottes étaient déjà cuites pour lui. Il se doutait également que si cela s’avère, il serait vraisemblablement lâché par le Premier ministre. Raison pour laquelle il avait déjà commencé à prendre ses distances du MSM. Ce qui explique ses prises de position dans l’affaire David Gaiqui, qui a éventuellement mené à la création de la ‘Human Rights Association’. Mais il n’a plus donné de la voix depuis que son épouse a été, comme par magie, nommée à la National Preventive Mechanism Division de la National Human Rights Commission. Une tentative qui visait sans doute à le faire taire. Jusqu’à ce que le couperet soit finalement tombé, jeudi soir. À l’issue d’une rencontre avec Pravind Jugnauth, il a été convenu qu’il devait plier bagage le lendemain.

Dès le départ, Sanjeev Teeluckdharry, rappelons-le, voulait résister à sa convocation par la commission d’enquête sur la drogue. Il avait même tenté, par le biais d’une injonction de la Cour suprême, de ne pas s’y rendre. Mais celle-ci avait été rejetée. Et c’est donc entouré d’un panel d’hommes de loi qu’il s’était finalement rendu à la commission. Ce que celle-ci n’a pas manqué de souligner dans son rapport : « … Amongst all lawyers who deposed before it, Mr. Teeluckdharry, accompanied by a panel of lawyers, tried to be very difficult. He was all the time on the defensive. His attitude towards the Commission almost verged on contempt accusing the Commission of mudslinging ». La commission était notamment interpellée par ses ‘unsolicited visits’ et autres appels téléphoniques aux prisonniers, dont Gro Derek. Ce qui le met donc dans la même catégorie que Roubina Jadoo-Jaunboccus. Pire, il aurait aussi donné des instructions à un accusé, qui n’était même pas son client, de consigner une fausse déclaration contre un officier de l’ADSU.

 

Raouf Gulbul

Procédés mafieux

Candidat battu du MSM au no 3 en 2014, Raouf Gulbul s’était vu offrir la présidence de la Gambling Regulatory Authority (GRA). Le ténor du barreau avait également été nommé comme chairman de la Law Reform Commission (LRC). Deux postes clés qu’il a été contraint d’abandonner dans le sillage de ses auditions par la commission d’enquête sur la drogue. Il avait d’ailleurs été l’une des premières victimes de cette commission. Dès lors, the ‘writings were on the wall’. Et comme on s’y attendait, le rapport Lam Shang Leen n’a pas été tendre envers Raouf Gulbul. « The one topping the hit parade is no more that the politician cum barrister Mr Raouf Gulbul, a former magistrate, who was heard during 4 sessions ». Les premières lignes qui lui sont consacrées donnent déjà le ton…

L’auteur du rapport dénonce notamment son utilisation d’un ‘black phone’ pour communiquer avec ses clients. Le rapport dénonce avec force les manœuvres de Raouf Gulbul de « devire l’enquête ». Il cite ainsi les exemples de Bottesoie et de Parweeza Jeeva. Le rapport indique aussi que les honoraires de Raouf Gulbul ont été payés avec l’argent provenant du trafic de drogue. À l’instar des Rs 25 millions que Siddick Islam lui aurait payées. La commission relève également des cas de conflits d’intérêts impliquant Raouf Gulbul. Le rapport enfonce le clou en faisant ressortir que sa campagne électorale avait été financée par des trafiquants de drogue, dont Sada Curpen. Allusion est notamment faite à la fameuse réunion nocturne à St. Pierre. La commission souligne aussi qu’une somme de Rs 2, 5 millions a été utilisée pour le financement de la campagne électorale de Raouf Gulbul au no 3. Les témoignages de Mes Samad Goolamally et Ashley Hurrhangee, ainsi que celui de Riaz Gulbul, ont crucifié davantage le Senior Counsel. Pire, il donnait des instructions à ses juniors de réalimenter le compte des détenus.

La commission se demande, d’autre part, si Raouf Gulbul n’a pas toléré le blanchiment d’argent au sein des casinos et autres maisons de jeux en ne prenant aucune action contre eux alors qu’ils faisaient office de « temples for money laundering by the accomplices of the drug traffickers ». La commission s’interroge aussi sur les nombreuses propriétés, dont une sous un prête-nom en Angleterre, acquises par l’avocat.