l’IBA (Amendment) Act : Devant la State House “Président, démissionez !”

La contestation contre l’IBA (Amendment) Act s’accentue. Sous la Plateforme pour la liberté d’expression, cette contestation se livre sur plusieurs plans. Une plainte sera logée en Cour suprême pour contester la constitutionnalité de cette loi, tandis que cette plateforme multiple les actions, ailleurs que sur le plan juridique, pour dénoncer cette attaque grave contre la liberté d’expression et contre la démocratie.

LIBA (Amendment) Bill a été voté ce mardi 30 novembre. Et le Président de la République y a donné son assentiment en fin de semaine, provoquant une vive contestation de ceux qui pensaient que le locataire de la State House, en tant que garant de la Constitution, ferait preuve de plus de discernement et qu’il n’apposerait pas sa signature sur cette loi. D’où la manifestation tenue par les dirigeants de la Plateforme pour la liberté d’expression devant la State House hier, samedi 4 décembre.

Pour les manifestants, Prithviraj Roopun n’arrive pas à la cheville des présidents comme Cassam Uteem ou Angidi Chettiar, qui avaient démissionné de la présidence sur des questions de principes. « Nous voulons montrer à l’actuel président notre dégoût. J’ai une forte envie de vomir devant la résidence présidentielle », devait lancer Rama Valayden. « Ce président a démontré qu’il n’est qu’un ‘rubber stamp’ ». Il devait aussi faire état que la Plateforme a envoyé une lettre au président pour demander une rencontre avec lui, mais ce dernier n’a même pas eu la courtoisie d’envoyer un simple ‘acknowledgement’.

Mais avant cette manifestation devant la State House, une autre avait été tenue devant l’hôtel du gouvernement et du Parlement mardi, dans l’espoir de convaincre le Premier ministre de revenir sur sa décision de faire voter le projet de loi. Peine perdue. Car l’IBA (Amendment) Bill a été voté sans amendements le même jour.

Lors des débats d’ailleurs, le Speaker Sooroojdev Phokeer devait empêcher le Dr. Arvin Boolell d’intervenir sur ce projet de loi. L’Opposition, en signe de solidarité avec le Dr. Boolell, devait effectuer un walk-out. Ce n’est qu’au moment du vote que les députés de l’Opposition ont remis les pieds à l’intérieur de l’hémicycle.

Le leader de l’Opposition, Xavier-Luc Duval, devait demander une ‘division of votes’, pour savoir si effectivement, 75 % des députés ont voté pour cette loi, vu que la constitutionalité de celle-ci allait être « challenged in court ». Ce qui a été refusé par le Speaker.

Le pouvoir et la police forcés de prendre des gants

Les manifestants réunis devant le Parlement mardi ont été convoqués par la police jeudi et vendredi. Plusieurs d’entre eux, dont Rama Valayden, Jean-Claude Barbier, Raouf Khodabaccus, Ivan Bibi et Dev Sunnassy, entre autres, ont été interrogés pour un délit sous la ‘Public Gathering Act’. Mais la police a toutefois fait marche-arrière et n’a finalement pas pas logé d’accusation provisoire contre ces personnes qui n’ont ainsi pas eu pas à demander de liberté conditionnelle. « L’enquête pe continuer. Après ki nou pou décide de la marche à suivre », a expliqué le chef du CCID, l’ACP Heman Jangi.

Selon Rama Valayden, durant une conférence de presse de la Plateforme pour la liberté d’expression du 3 décembre, « si le pouvoir n’avait pas senti la colère dans la rue, s’il n’avait pas senti cette lame de fond, moi et les autres manifestants aurions fini au cachot. Une accusation provisoire aurait été logée. Le pouvoir a dû faire marche arrière. » Il devait ajouter que « mem sa, nou pa ti pou paye caution ! »  Rama Valayden devait aussi faire ressortir que dans les grandes démocraties comme le Royaume-Uni ou la France, les gens ont le droit de manifester même quand le parlement siège, surtout pour présenter des doléances ou une pétition. « Il est temps que l’on revoie la loi à Maurice », devait-il dire.

Pour Rajen Narsinghen, ‘senior lecturer’ en droit à l’Université de Maurice, il n’y a eu aucun délit sous la ‘Public Gathering Act’, si on interprète cette loi dans son ensemble. Il a demandé à la police de faire preuve d’indépendance, qui a une totale liberté d’action, garantie sous la Constitution, en ce qui concerne les ‘operational matters’.

Bruno Laurette devait prendre l’engagement que « nous allons continuer le combat. Nous n’avons pas peur de la mort. »  Il devait comparer le pouvoir actuel à « une pieuvre qui avec ses tentacules accapare toutes les institutions du pays ». Il devait ajouter que « nous voulons d’une île Maurice propre où les institutions fonctionnent. » Il a lancé un appel à la presse de rejoindre ce combat : « Ce combat est pour vous.  Engagez-vous à nos côtés ».

Plainte en Cour suprême

Plusieurs aspects de la démocratie et de l’état de droit bafoués

Pour sa part, Roshi Bhadain livre le combat sur le plan juridique. Il compte déposer une plainte dans les jours qui viennent en Cour suprême pour contester la constitutionnalité de cette loi. Ci-dessous, un bref aperçu des points qu’il compte soulever devant l’instance légale suprême.

  • Le permis des radios privées sera renouvelé chaque année alors qu’auparavant, cette période était de 3 ans. Pour l’avocat, cela n’est pas raisonnable dans une société démocratique car les radios ne pourront pas prendre des emprunts ou investir. Il s’agit de leur mort lente, par asphyxie.
  • L’Independent Broadcasting Authority pourra désormais imposer à une radio privée une amende ne dépassant pas Rs 500 000 si celle-ci commet une infraction sous l’IBA Act. Pour Roshi Bhadain, il y a là une disproportionnalité flagrante, contraire à un état de droit.
  • Un journaliste d’une radio pourra apparemment être amené à divulguer la source de ses informations. Selon Roshi Bhadain, cela portera atteinte au journalisme d’investigation. Pour lui, le droit au silence, un droit fondamental que jouit un suspect face à la police elle-même, est bafoué.
  • Un ’Independent Broadcasting Review Panel’ sera mis sur pied, qui passera en revue toute sanction imposée par l’IBA. Mais ce Panel sera composé de nominés politiques. Pour Roshi Bhadain, il y a là une usurpation des pouvoirs du judiciaire par l’exécutif.

Un rallye la semaine prochaine

La Plateforme pour la liberté d’expression, menée par Rama Valayden, Rajen Narsinghen, Dev Sunnasy, Bruno Laurette, Neena Ramdenee, Ivann Bibi et autres, compte organiser un rallye la semaine prochaine à Port-Louis. La date et l’heure seront communiquées ultérieurement. La Cour suprême a donné gain de cause à la Plateforme durant la semaine écoulée, alors que la police ne voulait pas que ce rallye se tienne.

D’autres actions prévues

Notons que laMauritius Global Diaspora (MGD), a saisi plusieurs instances internationales, dont parmi l’International Consortium of Investigative Journalists, Amnesty International, Reporters sans Frontières, le Comité des droits humains des Nations-Unies, la FATF et la Commission européenne.

Rooben Mooroongapillay sera le délégué des Avengers au Royaume-Uni, où il prendra contact avec plusieurs organisations de défense des droits fondamentaux.