L’importance du ‘Zuhd’ (ascèse) pour le mystique

Le ‘Zuhd’ est l’une des notions très importantes dans le cheminement spirituel en Islam. On le traduit parfois par ascétisme, mais aussi par « détachement », ou « renoncement » dans le but d’un rattachement à la divinité. Le ‘Zâhid’ est donc celui qui pratique le ‘Zuhd’ et on peut le traduire comme “ascète”. Le terme est parfois aussi utilisé pour désigner les soufis. Le ‘Zuhd’, c’est faire tout son effort pour se libérer des attraits de l’âme charnelle afin de pouvoir se consacrer à la joie du service d’Allah. Al Haarith Ibn Assad al Muhasibi (R.A) l’un des anciens soufis de la première heure, est peut-être celui qui a utilisé ce terme en premier. D’ailleurs dans un de ses ouvrages, il élabore sur le sujet. Il a notamment dit : Le ‘Zuhd’ consiste à se détourner (al Uzuf) de ce bas-monde, de ses plaisirs et de ses désirs. On lui demanda ce qu’était ‘al Uzuf’ et il répondit : “C’est le retrait de l’âme (Insiraf al nafs) et l’abandon des soucis (I’tiwar al hamm). Ce qui veut dire se consacrer exclusivement au service du Seigneur. Plus loin, Al Muhasibi explique : Ce qui donne la force de renoncer au bas-monde, c’est la connaissance par le cœur des effets néfastes du bas-monde, le fait de s’arrêter souvent pour exiger des comptes à soi-même au sujet de ce qu’on a pris du bas-monde, le fait de s’en détourner en permanence pour s’occuper du service du Créateur et c’est la crainte du châtiment pour la moindre graine de bien matériel du bas-monde.”

Pour trouver la saveur du renoncement au bas-monde, Al Muhasibi conseille : éveille ton cœur afin qu’il puisse apercevoir l’humiliation de la servitude au bas-monde. Ainsi ce cœur refusera de le servir (ce bas-monde) car il a honte d’être vu par Allah comme serviteur du bas-monde. Une fois que le cœur est éveillé, l’homme devient libre et son cœur s’est débarrassé de la peur de la pauvreté de son cœur et il a affranchi son âme de sa servitude par la Grâce du Tout-Puissant. Il est devenu ainsi un homme riche sans posséder des biens et un homme puissant sans avoir un clan. Les sources de la sagesse ont jailli à travers son cœur ; son discernement est devenu pénétrant, son aspiration est devenue sublime, se rapprochant du but de son amour. Ainsi il s’est hissé vers les hauteurs, s’est élevé et a atteint le cœur de la délivrance du souci des ambitions et de la souffrance causée par la convoitise et par la cupidité.

Si al-Muhasibi est connu pour sa rigueur et son renoncement du bas-monde, d’autres grands soufis tels que Khwaja Mu’innuddeen Chisti Ajmeri (R.A) prônent une approche plus modérée en choisissant de vivre pleinement en société tout en pratiquant le ‘Zuhd’. Ainsi Khwaja Ghareeb Nawaaz (R.A) a dit cette fameuse phrase : « Dast Bakaar, dil ba Yaar ». Ce qui veut dire, “Que ta main soit occupée à travailler (pour gagner ta vie) mais en même temps que ton cœur soit occupé par le souvenir de l’Ami (Allah). Et c’est cette approche qui est la plus appropriée dans ce monde moderne où nous pouvons aujourd’hui profiter de toutes sortes de facilités matérielles. Il n’est pas interdit de profiter des facilités Halaal de la vie moderne mais ne laissons pas notre cœur se vautrer dans le luxe à tel point qu’on oublie notre vraie mission sur cette terre dans cette vie si courte. Que notre cœur ne sois jamais attaché aux choses matérielles ; qu’il soit lavé de toute gourmandise et de cupidité envers les attractions terrestres.

Rappelons-nous que la mort est proche et que bientôt nous devrons quitter notre demeure luxueuse et notre lit douillet pour se reposer au fond d’une tombe sombre et noire. Passons chaque instant dans le souvenir de l’Ami. Le Zahid du 21ème siècle n’est pas obligé d’abandonner le monde et aller prier tout seul dans la forêt. Il peut vivre sa vie pleinement mais son cœur reste focalisé sur ses devoirs envers Allah et son regard se fixe sur la vie dans l’Au-delà. Et ainsi il est pleinement conscient que sa priorité est de se dévouer pour son Aakhirat (la vie après la mort) sans pourtant négliger ses devoirs dans ce bas-monde.

Abdus Saboor Mohamed Saleh

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