L’Importance d’une police du transport efficace

Dossier

Insécurité dans les transports en commun

Trop c’est trop ! Des centaines de personnes utilisent les autobus chaque jour pour se rendre au travail ou pour d’autres raisons. Cependant, il y a un problème qui perdure depuis des années, notamment l’insécurité dans les transports en commun, problème qui s’est aggravé ces derniers temps. Avec la venue du Metro Express, on peut s’attendre à ce que les actes d’incivilité ou de violence trouvent un nouvel exutoire. Sans occulter les autres problèmes du transport en commun, comme les autobus en mauvais état, le manque d’hygiène et un service qui laisse grandement à désirer, les agressions et les actes de violence auprès du personnel et des passagers, provoquent bien souvent une frayeur bien réelle à utiliser les autobus. D’où la nécessité d’une police du transport efficace. Mais cette unité pourra-t-elle endiguer le problème de l’insécurité ?

La police du transport renait de ses cendres…

Les autorités concernées envisagent un retour de la police du transport dans la circulation. Quelques semaines de cela, le ministre Nando Bodha a même expliqué pendant une réunion avec ses collaborateurs, qu’avec le Metro Express, il y a un besoin urgent d’avoir une police du transport dans le but de protéger les passagers, les employés et les véhicules des actes d’agression et de vandalisme.

Il nous revient que le Chief Inspector Rambhursy de la Traffic Branch serait celui choisi par le gouvernement pour la mise sur pied de la police du transport. Le CI Rambhursy avait même occupé ce poste il y a dix ans avant le démantèlement de cette unité.

Cependant, les nouvelles mesures ne semblent pas répondre aux aspirations des travailleurs du transport. Bien que la police ait assuré les opérateurs que la police du transport viendra renforcer la sécurité dans les régions dites ‘black spots’ et dans les gares routières, les travailleurs du transport font état de leur scepticisme.

« Les patrouilles policières se font très rarement. Depuis l’annonce de cette nouvelle mesure, on n’a même pas constaté la présence des policiers menant une campagne d’informations sur ce sujet. Certains ne sont même pas au courant qu’il y a une police du transport qui doit supposément surveiller les lieux à risques », explique Vishal, chauffeur d’un autobus individuel.

L’introduction de la Smart Card : les receveurs craignent pour leur emploi

Le gouvernement a décidé d’introduire les ‘Smart Cards’ dans les autobus afin d’éviter les risques de vol et d’agression. Cette initiative permettra aux compagnies d’autobus d’avoir en outre un meilleur contrôle sur le flux d’argent.

Si plusieurs compagnies d’autobus affichent leur satisfaction quant à une telle décision, les receveurs par contre craignent l’émergence du système de ‘one bus operator’ avec comme conséquences la suppression d’emplois.

Après cette annonce, ces derniers craignent pour leur emploi. Shezad, un receveur d’une compagnie d’autobus, nous livre ses impressions : « Li vrai ki introdikson smart card la li bon, mais ki pu ariv bann controler bis ? Déjà avek Metro Express, pou ena repercussions, aster ar sa nuvo systeme la, ena 600 dimounes ki risker perdi travay ».

Du côté des opérateurs à la gare du Nord et à la gare Victoria, l’attitude est la même : « Nu pas trop dakor, pou gagn problem ar sa pli devant. Ena buku dimounes ki pou perdi travay. Gouvernema pas comprend travayer bis, nek prend decision sans fer consultasion, li pas bon », nous lance un chef de gare au passage.

L’insécurité dans les autobus

Certaines compagnies de bus n’ont pas hésité à mettre les bouchées doubles afin de donner un meilleur service à leurs passagers. La compagnie Rose-Hill Transport a innové dans ce sens afin de n’avoir aucun reproche. Cependant, cela dépend des lignes sur lesquelles on voyage. Jocelyne, une vieille dame de 75 ans, prend le bus tous les samedis de Rose-Hill à Port-Louis. Ce qu’elle voit à chacun de ses trajets est difficile à croire : « Bus aircon enkor bon, mais vié dimoune pas kapav voyage ladans. Si ou ena pass, zot pas laisse ou rentrer. Dans bis normal, banquet casser, la fenetre ine deja sapé ek tomber lors chemin, parfois sonet la mem casser ek letemps ou kozer, chauffeur ek controller gagn pou koz movais kozer, sans nu zot pas travay », nous dit la veille dame.

Une autre passagère, Valerie Lemaire, tient à dénoncer les abus dans les transports en commun. « Mo pou touye twa, mo pou kas to l…, et beaucoup d’autres menaces et insultes lancées à mon encontre par un groupe de jeunes le mardi 17 avril dans un autobus de la compagnie ‘Luna’. Et vous voulez que je continue à prendre le transport en commun ? Alors que je me trouvais dans le bus 109 JN 12, la ligne Flic-en-Flac / Port Louis, 5 jeunes sont montés dans l’autobus à Bambous. Ils se sont installés au fond du bus deux rangs derrière moi, là ou une maman était assise tenant son nourrisson dans ses bras », raconte-t-elle.

Quelques minutes après, ils ont ouvert des canettes de bière et se sont mis à fumer, au départ c’étaient des cigarettes, ensuite c’est devenu des joints. Incommodée, la jeune femme s’est alors retournée pour dire à ces jeunes de ne pas fumer car cela est interdit dans les autobus, sauf que ces derniers l’ont mal pris. Ils sont devenus agressifs et ont même menacé la jeune femme. Voyant que la situation allait dégénérer, la maman qui avait son enfant avec elle a alors appelé le receveur et lui a demandé d’intervenir.

Ce dernier, par peur de représailles, a préféré déposer la jeune femme au poste de police le plus proche, mais ce qui va s’ensuivre est inadmissible. « Le receveur me demande de ne plus intervenir, car il a peur des représailles, ça lui est déjà arrivé. Il m’explique aussi que la dernière fois qu’il a eu un problème avec des passagers, la police lui a dit de régler le problème à l’amiable. Je lui demande de me déposer au prochain poste de police car il n’y aura aucun souci pour reconnaître les jeunes et prouver qu’ils fumaient car il y a la camera. ‘Elle ne fonctionne pas’, me lance le chauffeur, de même que l’alarme qui signale l’ouverture de la porte de secours ! Le chauffeur me fait descendre au poste de police de Petite-Rivière. Des policiers me prennent en charge et nous retournons à l’endroit où les jeunes sont descendus du bus,” raconte-t-elle.

Les choses ne vont pas s’arranger pour la jeune femme et au final, rien ne sera fait. « Ce qu’il faut en conclure de tout ça, c’est que ces jeunes vont rester impunis et forcément, vont monter en puissance. Fumer un joint de drogue synthétique dans un autobus ne leur fait pas peur, et ils le referont. Les receveurs et les chauffeurs d’autobus ont peur. De plus, il n’y a aucun contrôle sur les équipements de sécurité des autobus. D’ailleurs, qui fait le contrôle? Dans combien d’autobus les cameras ne fonctionnent pas ? Le degré de réactivité de la police laisse à désirer. La police décourage par tous les moyens les dépôts de plainte. Les gens ont peur. Peur de ces jeunes hors de contrôle, qui consomment alcools et drogues synthétiques et qui essayent de faire la loi et ils y arrivent », dit-elle.

L’insécurité dans les gares

Les voleurs sont plus audacieux malgré le fait que des caméras CCTV ont été installées sur les gares. Plusieurs cas de vol ont été constatés durant la journée à la gare Victoria. Les malfrats profitent de l’occasion pour voler la recette des receveurs en surveillant de près l’aire de stationnement des autobus. Aucune caméra de surveillance n’assure la sécurité là où une partie des autobus desservant l’ouest sont garés. Une unique caméra se trouve dans le jardin donnant face à l’entrée principale de la gare. « À chaque cas de vol, la police nous dit que la caméra est défectueuse ou les vidéos sont flous », affirme un chauffeur.

Les receveurs et les chauffeurs font face à de multiples actes d’agression

L’insécurité grandissante est un sujet de préoccupation pour le millier d’employés du transport, qui souvent victimes d’attaques verbales ou physiques par des passagers qui adoptent un mauvais comportement dans l’autobus.

Les chauffeurs et receveurs, dont beaucoup comptent plusieurs années de service dans le secteur du transport, se sentent toujours vulnérables et exposés en cas d’agressions. La réintroduction de la police du transport « ne servirait à rien », selon certains. Une centaine de cas d’agressions a été enregistrée en 2017.

 « Il y a un manque de courtoisie et plus d’agressivité envers les chauffeurs et les receveurs. Les conflits surviennent la plupart du temps quand des passagers refusent de payer leur ticket d’autobus et c’est là que la situation commence à dégénérer », explique Anand, un receveur d’autobus.

Une receveuse raconte son calvaire

Wendy, une receveuse d’autobus, déplore le comportement des jeunes, souvent incontrôlables. « J’ai déjà été victime d’une agression alors que je faisais la ligne de Trèfles. Un collégien, qui n’était pas en possession de son ‘bus pass’, a refusé de payer le ticket. Il se montrait violent à mon égard. À un moment donné, il a retiré un couteau de sa poche pour m’attaquer. Heureusement, j’ai pu me défendre et je suis parvenue à arracher le couteau de ses mains. Conduit au poste de police, il a continué à opposer de la résistance. Depuis cet incident, je vis dans la peur car il a menacé de me faire du mal », dit-elle.