L’urgence de réformer le secteur touristique

Le bilan de l’économie, notamment dans le secteur du tourisme à Maurice, révèle les défis à relever pour répondre aux attentes de cette industrie cruciale.

Notre économie dépend fortement des revenus générés en devises étrangères. Outre ces revenus, le tourisme offre un éventail d’emplois directs, bien que les ressources locales deviennent de plus en plus rares. Cela conduit à une dépendance accrue envers une main-d’œuvre étrangère pour valoriser notre service hospitalier. En plus des emplois directs, tout un écosystème d’entreprises dépend du secteur, soutenant l’entrepreneuriat à travers des services auxiliaires.

Le tourisme global a évolué avec le temps, guidé par l’offre et la demande. D’autres pays ont réalisé le potentiel du secteur et la concurrence est devenue féroce, notamment en termes de produits et de prix.

Notre industrie locale a atteint un carrefour décisif, notamment après la pandémie de Covid-19, qui nous offrait une opportunité unique de redéfinir notre stratégie touristique. Cependant, nous n’avons pas suffisamment travaillé sur nos faiblesses et forces pour repositionner l’industrie et rendre notre économie plus résiliente sur le long terme. Il est urgent de faire un pas en arrière, de poser les bonnes questions et d’agir en conséquence.

Le manque de vision innovante a laissé l’industrie touristique stagner dans une posture similaire à celle d’avant la Covid-19. Nous savons très bien que certains éléments, comme notre position géographique éloignée des marchés principaux, sont immuables. Pourtant, nous avons continué à investir de manière inefficace, sans aligner ces dépenses avec les intérêts à long terme de l’industrie et de l’économie.

Malgré notre force dans le secteur de l’hospitalité, nous n’avons pas adopté une approche inclusive et dynamique. Le tourisme ne se résume pas à l’hébergement et aux services internes des hôtels. Cependant, nous avons maintenu une pratique qui valorise la destination principalement à travers l’hôtellerie, en se concentrant uniquement sur les tour-opérateurs qui ont un intérêt commercial limité à certains hôtels ou réceptifs locaux. Cette approche n’est pas nouvelle, mais la « chassée gardée » est devenue encore plus prédominante.

L’état actuel de l’économie dans le secteur du tourisme est un signal fort pour sortir de ce paradoxe. D’une part, nous prônons une transformation vers une économie résiliente, et d’autre part, nous limitons la richesse à un seul secteur : l’hébergement et quelques bénéficiaires réceptifs. Jusqu’à présent, nous avons attiré des visiteurs sur la base d’une promesse traditionnelle : « Sun, Sand & Sea ». Pourtant, nous disposons d’autres atouts tels que la nature, la diversité culturelle et bien plus encore. Notre faiblesse réside dans l’incapacité à développer d’autres segments, que ce soit au niveau des marchés ou de la chaîne d’approvisionnement.

L’heure n’est plus au repos. Nous connaissons aujourd’hui notre potentiel en termes de produits et la vision établie par le gouvernement. Une refonte s’impose. Le marché est présent mais loin d’être acquis. Il est urgent de synchroniser tous les acteurs de cette industrie afin que chacun en sorte gagnant. Nous devons abandonner l’approche égocentrique et adopter une stratégie collaborative. Si nous souhaitons positionner Maurice comme une destination touristique majeure, il est indispensable d’avoir un transporteur national profitable, qui contribue à la fierté de la destination. De même, nous devons réinventer nos anciennes pratiques et adopter des stratégies transparentes à tous les niveaux : transport aérien, MTPA, Tourism Authority, NLTA, entre autres. Pour cela, la participation représentative de toutes les parties prenantes est essentielle.

Le temps de l’attentisme est révolu. Le discours programme a marqué la fin de la période de moratoire. Nous avons la chance d’avoir deux ministres dédiés à ce secteur, contrairement à précédemment où un seul ministre gérait deux portefeuilles. Les attentes sont immenses, en particulier face aux défis commerciaux et à la hausse des coûts. Il est crucial de ne pas travailler en vase clos. Aller vers les mandants et écouter leurs besoins est essentiel, mais encore plus important est d’impliquer les opérateurs répartis sur toute l’île, pour un impact économique et national.

Nous espérons ressentir un véritable changement afin d’atteindre nos objectifs et garantir un avenir prospère à l’industrie touristique mauricienne.

Ajay Jhurry