Dans une déclaration en réponse à une Private Notice Question du leader de l’Opposition sur l’état de la sécurité publique, le Premier ministre, également ministre de l’Intérieur et des Finances, a dressé un tableau sévère de la situation héritée de l’ancien régime, tout en annonçant une série de réformes ambitieuses visant à restaurer la confiance dans les institutions, en particulier la force policière.
Le chef du gouvernement a imputé la dégradation de l’ordre public à la « direction chaotique et sans boussole » qui aurait prévalu à la tête de la police sous Pravind Jugnauth. « La Police Force pouvait être décrite comme un cas d’école de décrépitude institutionnelle », a-t-il affirmé, évoquant une tentative délibérée d’affaiblir les institutions pour mieux les contrôler.
Une réforme profonde du système
Le Premier ministre a assuré que le gouvernement avait déjà engagé une réforme de fond de la force policière, avec l’appui d’experts étrangers, axée sur l’efficacité, la planification stratégique, le respect des droits humains et l’amélioration du service.
Parmi les principales mesures annoncées :
- Restructuration de la Police et du National Security Service ;
- Relance du Community Policing et des Neighbourhood Watch ;
- Création d’unités spécialisées pour la protection des personnes âgées ;
- Introduction prochaine du Police and Criminal Evidence Bill ;
- Modernisation des infrastructures policières, y compris un centre de détention pour mineurs adapté et une nouvelle académie de formation ;
- Renforcement de la coopération internationale ;
- Création d’une National Crime Agency dotée d’enquêteurs spécialisés, incluant des experts étrangers ;
- Mise en place d’un registre électronique pour surveiller les récidivistes et les délinquants sexuels ;
- Réintroduction du système de points de pénalité pour les infractions routières dès janvier 2026.
Le gouvernement entend également revoir entièrement la gestion de la lutte contre la drogue. La National Agency for Drug Control a été mise sur pied en mai dernier, avec pour mandat la coordination des efforts de prévention, de réhabilitation et de répression. Cette agence est directement placée sous la présidence du Premier ministre.
Dans une attaque sans ambages, le Premier ministre a qualifié l’ancien Commissaire de Police de « risée de la nation mauricienne », pointant du doigt des agissements « caractérisés par la malveillance et l’incompétence ». Il a rappelé que ce dernier a pris sa retraite le jour même de son intronisation à la tête du gouvernement, évitant ainsi un renvoi inévitable.
Évoquant les Moustass Leaks, le Premier ministre a dénoncé l’existence d’une chaîne de commandement parallèle qui aurait relié directement les Casernes centrales à ‘Angus Road’, où auraient été prises des décisions-clés en matière de sécurité publique. « Tout le monde était sur écoute », a-t-il lancé, en s’adressant nommément au député Adrien Duval.
Des chiffres alarmants et un diagnostic sévère
Le chef du gouvernement s’est appuyé sur le rapport du Directeur de l’Audit 2023-2024 pour illustrer la dérive. L’ADSU aurait enregistré une hausse de 131 % des dossiers en souffrance entre 2020 et 2024, tandis que le projet Safe City, censé être pleinement opérationnel en 2019, ne l’était toujours pas fin 2024, avec seulement 143 des 300 caméras de surveillance installées. Certaines caméras auraient même été délibérément désactivées.
Le Crime Occurrence Tracking System n’aurait pas été utilisé correctement, l’ancien CP préférant la saisie manuelle, ce qui a nui à l’efficacité opérationnelle.
Une volonté politique affirmée
« Il ne sera pas question de reculer. Pas de reddition ! » a martelé le Premier ministre, en concluant sa déclaration. Il a réaffirmé la détermination du gouvernement à éradiquer la criminalité sous toutes ses formes et à mettre un terme à l’impunité. « Nous ne permettrons pas que les criminels agissent librement, quels qu’ils soient », a-t-il insisté, promettant un système de justice « rapide, impartial, et au service de tous, sans distinction ».
Ce discours marque un tournant décisif dans la stratégie sécuritaire du pays, où la restauration de l’autorité et de la crédibilité des institutions semble désormais érigée en priorité nationale.