Mahmad Mohidinkhan : « Kouma nou pou vivre ? »

Paralysé et dépourvu de pension

C’est dans une petite maison délabrée, à moitié en béton, consolidée de bois et de feuilles de tôle, à rue St. François, à Port-Louis, que vit Mahmad Mohidinkhan, 51 ans, avec son épouse, Aneeza Annur, 49 ans. Leur vie a basculé à la suite d’un accident de moto dans lequel Mahmad était impliqué en juin 2014. Depuis, ce dernier s’est retrouvé complètement paralysé. Ses pensions d’invalidité et « carer’s allowance », ayant été injustement supprimées, le couple se voit contraint de dormir souvent le ventre vide.

Arshad Hossenbaccus

 

Mahmad et Aneeza, mariés et parents de deux jeunes filles de 23 et 26 ans, vivaient en toute simplicité. L’époux travaillait à l’époque comme chauffeur de poids lourds et gagnait sa vie en toute honnêteté. Il cumulait aussi des petits « boulots » afin d’arrondir ses fins de mois afin que sa famille puisse vivre dans les meilleures conditions possibles. Il était en effet, comme bon nombre de pères de famille, un élément essentiel à sa famille.

Mais tout a basculé, il y a deux ans, soit le 7 juin 2014, quand Mahmad a fait un grave accident de moto. « Ca jour ki mo faire accident la, ziska zordi mo pas rappel ki ti arrive moi », nous dit-il. Il se souvient à peine qu’il partait travailler à moto, comme d’habitude, ce jour-là. Quoiqu’il roulait normalement, il a perdu le contrôle de sa moto et a fait une chute qui lui changera la vie radicalement. Grièvement blessé, il restera dans le coma pendant près de deux mois. Quand il se réveilla enfin, il apprit la nouvelle de sa paralysie avec stupeur.  En effet, ayant eu une fracture à la colonne vertébrale, il ne pourra plus jamais marcher. Pire, même ses mains sont paralysées.  Le constat est lourd pour sa famille, et c’est l’effondrement total. Après deux longs mois passés à l’hôpital, Mahmad put enfin regagner sa maison. Mais il est condamné à être cloué au lit pour le reste de ses jours. « Banne docteurs et physiothérapeutes l’hôpital là fine dire moi ki pas pou kapave faire nanrien pou moi. Aukaine l’opération pas pou possible »,  nous confie-t-il.

S’ensuivra alors un vrai cauchemar pour la famille. Son épouse, son seul véritable soutien, est resté à son chevet et s’occupe de lui au quotidien. « Mo même ki faire tout pou li, li manger, boire, dormi levé, faire so toilette emplass, lor lili même », nous dit-elle. Ce que nous confirmera Mahmad. Ses filles habitent toutes deux chez leurs grands-parents, et l’une d’elles est mariée et divorcée, victime d’un époux « coureur », qui n’a fait que profiter de son jeune âge et de la situation de son père. « Quand ou bien et ou en forme, ou kapav ranne service, tou dimoune conne ou. Kuma ou tombé, ou pas trouve personne pou lève ou, » ajoutera-t-il en larmes.

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Fac-similé du certificat médical au nom de Mohidinkhan Mahmad

Pensions supprimées

Et comme les misères ne viennent jamais seules, sa pension d’invalidité et sa « carer’s allowance » ont toutes deux été supprimées. Et ce en dépit des certificats médicaux qui lui ont été remis par des officiers du ministère de la Sécurité sociale. Les dépenses familiales et ses soins médicaux, soutient-il, coûtent énormément. Ces pensions les aidaient ainsi à subvenir à leurs besoins, nous fait comprendre Aneeza, qui arrive difficilement à dissimuler sa détresse. Depuis la suppression de ces pensions, ils ont du mal à joindre les deux bouts. Les quelques donations financières qu’ils reçoivent de temps à autres leur permettent de mener un semblant de vie, même si des fois il leur arrive de n’avoir rien à se mettre sous la dent.

Mais le couple ne s’avoue pas vaincu pour autant. «Parfois, li mari difficile ! Mais Bondié conner ki li faire. Mo accepter céki li donne moi et mo pou continuer combatte », nous dit Mahmad, regard fixé vers le plafond comme contemplant le ciel, en demandant au Créateur de l’assister dans ses souffrances physiques et morales. Il fait un appel aux autorités concernées afin de revoir sa situation. « Mo paralysé. Mo pas kapave travay. Mo madame bizin occupe moi couma ène zenfant. Kouma nou pou vivre ? Mo dire à banne l’autorité éna un peu pitié pou nou ! »

 

Expiration du certificat d’invalidité

Suite à notre enquête sur ce cas précis, nous avons été informés, que la coupure de la pension d’invalidité, est temporaire et est due à l’expiration du certificat d’invalidité. On nous a expliqué qu’en arrivant à son terme, le certificat d’invalidité doit être renouvelé. Ce n’est qu’après une nouvelle évaluation du patient, et après consultations des membres du Medical Board, que la pension sera rétablie. On nous a informés de source confirmée, qu’une compensation sera aussi allouée pour la période où le bénéficiaire n’avait pas reçu l’aide sociale. À noter que c’est au patient de faire appel pour son cas, et devra attendre les procédures normales afin d’être à nouveau bénéficiaire de la pension d’invalidité et de son « carer’s allowance ».