Maintien du Repo Rate et baisse de la croissance mondiale : La souffrance du petit peuple durera au-delà de 2022, prévient Kevin Teeroovengadum

Le taux directeur (repo rate) a été maintenu à 1, 85%. La décision a été annoncée par le Gouverneur général de la Banque de Maurice, mercredi. Ce taux de 1, 85%, il faut le dire, a été systématiquement maintenu depuis le début de la pandémie Covid-19 l’année dernière. L’économiste Kevin Teeroovengadum, croit savoir que la Banque de Maurice n’avait d’autre choix, étant « coincée ». Pourquoi ? La raison est simple, explique-t-il. « D’un côté, elle ne pouvait pas l’augmenter parce qu’une hausse du taux directeur aurait créé davantage de problèmes pour les nombreuses compagnies et ménages qui sont très endettés. Et de l’autre, l’inflation se poursuit ». Or, généralement quand il y a une poussée inflationniste, le taux directeur aurait dû être revu à la hausse. Ce que la BoM est incapable de faire afin d’éviter que des compagnies ne fassent faillite. L’inflation durera finalement plus longtemps que prévu, avec pour conséquence, un appauvrissement accru de la classe moyenne et de ceux se trouvant au bas de l’échelle.

L’absence de marge de manœuvre de la Banque centrale s’explique par le manque de diversification de notre économie depuis plusieurs années pour créer une véritable croissance, affirme l’économiste. Le niveau élevé d’endettement des compagnies et de la population, même avant la Covid-19, est aussi pointé du doigt. Aujourd’hui, le pays en paiera les frais. Et ce sont surtout les classes moins aisées qui seront les plus durement touchées par cette situation qui risque de durer au-delà de 2022, prévient Kevin Teeroovengadum. Alors qu’une amélioration économique était attendue l’année prochaine, tel ne sera pas le cas, selon l’économiste car la situation économique au niveau international s’empire, freinant ainsi la croissance mondiale. Ce qui n’augure rien de bon pour l’économie mauricienne qui continuera de faire face aux difficultés plus longtemps que prévu.

« 2022 sera aussi une année très dure pour Maurice pour diverses raisons, dont (1) la baisse au niveau de la croissance mondiale, (2) la flambée de l’inflation sur le plan international, (3) la hausse de prix des commodités, incluant celui des carburants et du gaz, (4) les problèmes persistants aux niveaux portuaire et logistique et (5) la guerre froide entre l’Occident et la Chine. Face à cet environnement global peu reluisant, l’année prochaine ne sera pas aussi positive que l’on s’attendait. Les moins fortunés seront davantage affectés par cette situation », regrette l’économiste. Kevin Teeroovengadum est toutefois d’avis que la Banque de Maurice devra tôt ou tard arrêter de jouer la politique de l’autruche concernant l’inflation. D’autant que de plus en plus de banques centrales au niveau international reconnaissent volontiers que l’inflation est un réel problème et qu’il faut la tacler. Notre interlocuteur cite l’exemple de la banque centrale de l’Angleterre dont le Gouverneur a admis, la semaine dernière, qu’il sera contraint d’augmenter le taux d’intérêt afin de freiner le problème d’inflation. Et d’ajouter que la BoM devra, elle aussi, éventuellement réagir face à ce problème qui affecte le peuple.

Repositionner les services financiers suivant sa sortie de la liste grise

Se réjouissant que Maurice soit enfin sorti de la liste grise de la ‘Financial Action Task Force’ (FATF), Kevin Teeroovengadum déplore néanmoins le fait que le pays ait perdu deux longues années durant lesquelles d’autres pays compétiteurs, tels que Rwanda, Dubaï, Jersey et Maroc, ont réalisé d’énormes progrès. La compétition sera donc rude pour Maurice. « Outre d’assurer que le pays ne se retrouve plus sur cette liste grise, le secteur des services financiers devront aussi faire preuve d’imagination et d’originalité pour offrir de nouveaux produits et services. Ce qui l’aidera à se repositionner sur le marché. C’est une étape cruciale qui permettrait au secteur de se relever, surtout à un moment où les pays du G7 militent pour un taux d’impôt minimal mondial d’au moins 15% », affirme l’économiste.