Une semaine après la signature de l’accord historique entre Maurice et le Royaume-Uni, l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth est sorti de son silence… pour tenter de semer la confusion. Dans une conférence de presse organisée ce 28 mai, il s’est livré à une défense désespérée de l’accord qu’il avait tenté d’imposer en octobre 2024 — un texte largement critiqué pour sa précipitation, son absence de transparence, et surtout, pour la souveraineté réduite qu’il consacrait.
Derrière un ton faussement indigné, l’ex-chef du gouvernement s’est livré à un exercice de révisionnisme politique, tentant de faire croire que son projet d’accord aurait été plus avantageux. Mais les faits sont là. Et ce sont ces faits que l’accord du 22 mai est venu rétablir avec rigueur.
En accusant le gouvernement Ramgoolam d’avoir bradé la souveraineté, Pravind Jugnauth s’est en réalité exposé à un cruel rappel : c’est lui qui, en octobre 2024, avait tenté de signer un accord accordant au Royaume-Uni un bail renouvelable de 99 ans sans contrepartie solide, sans indexation sérieuse sur l’inflation, et sans la moindre transparence démocratique. Ironie de l’histoire : il reproche aujourd’hui au nouvel accord d’avoir repris certains termes de son propre projet, oubliant que le gouvernement actuel les a précisément corrigés.
Sur les aspects financiers, son argumentaire s’écroule tout aussi rapidement. Oui, l’accord actuel prévoit une contribution annuelle moyenne de 110 millions de livres sterling. Mais contrairement à celui du MSM, il inclut des clauses d’indexation transparentes, un calendrier clair, et des mécanismes de renégociation.
Pravind Jugnauth se plaint du choix de la livre sterling ? Pourtant, il avait lui-même négocié en dollars américains sans anticiper les fluctuations et sans sécuriser l’impact de l’inflation sur le long terme. Il évoque un « fonds de deux milliards » et des « appels d’offres internationaux » ? Aucun de ces éléments n’apparaissait dans un texte rendu public — car aucun texte n’avait été présenté au public.
Une souveraineté réelle contre une souveraineté fictive
Le point central de son attaque ? Une soi-disant souveraineté « sous veto ». Mais c’est oublier que le texte signé par Navin Ramgoolam réaffirme noir sur blanc la souveraineté pleine et entière de Maurice sur l’ensemble de l’archipel, y compris Diego Garcia — avec, pour la première fois, un droit de regard formalisé sur les activités de la base militaire, la gestion environnementale, et la réinstallation des Chagossiens.
Le mécanisme de commission conjointe n’est pas un instrument de soumission, mais un outil de surveillance partagée, garantissant que Maurice ne soit plus tenu à l’écart comme cela a été le cas pendant des décennies. Le vrai abandon de souveraineté, c’était le silence et la cession automatique négociés en 2024.
Quand la mauvaise foi devient stratégie
En réalité, ce que Pravind Jugnauth ne digère pas, c’est que l’histoire a tranché : le gouvernement Ramgoolam a obtenu ce que le sien n’a jamais su sécuriser. Une reconnaissance explicite, un droit de retour, un soutien économique structuré, une sortie du BIOT, et surtout, un texte signé avec la nation, pas contre elle.
Le peuple mauricien n’a pas la mémoire si courte. Et dans ce moment historique, il saura distinguer les bâtisseurs des illusionnistes. Mieux vaut un accord souverain, encadré et perfectible qu’un engagement secret, bancal et irréversible.
[Fanfaronnade de Pravind Jugnauth] L’Attorney General évoque une interprétation de mauvaise foi
Dans un communiqué ferme, l’Attorney General, Gavin Glover, a tenu à rappeler les fondements juridiques du traité signé le 22 mai. « Le traité garantit la souveraineté mauricienne sur l’ensemble des Chagos », a-t-il précisé, citant l’article 1 du texte. Il a également souligné que le droit de retour des Chagossiens est inscrit noir sur blanc, à l’exception de Diego Garcia pour des raisons de sécurité liées à la base militaire.
Toute tentative de remettre en question la portée de cet accord relèverait, selon lui, d’une « interprétation de mauvaise foi ». Il insiste sur le fait que ce traité lève enfin les ambiguïtés du political statement d’octobre 2024, qui évoquait un transfert de « droits souverains » à durée indéterminée.
Gavin Glover a également précisé que cette supervision partagée à travers une Commission conjointe ne remet en aucun cas en cause la souveraineté de Maurice, mais permet d’assurer une gouvernance conforme aux engagements sécuritaires internationaux.
Le gouvernement affirme déjà être à pied d’œuvre : une première réunion officielle sur la réinstallation des Chagossiens a eu lieu ce jeudi 29 mai, avec en ligne de mire les premiers voyages vers les îles dès la fin de l’année.