Maurice et le PTr : Destins liés

Le pays célèbrera ses 55 ans d’indépendance le 12 mars prochain. Le Parti Travailliste a, lui, soufflé ses 87 bougies le jeudi 23 février. Il convient de rappeler ces deux faits historiques. Car le destin du pays et celui du PTr sont singulièrement liés. Liés parce que c’est Sir Seewoosagur Ramgoolam, à la tête du PTr et soutenu par le Comité d’Action Musulman (CAM) de Sir Abdool Razack Mohamed et l’‘Independent Forward Block’ (IFB) de Basdeo Bissoondoyal, qui a conduit Maurice vers son indépendance en 1968. Ce qui a valu à SSR, mort depuis 37 ans déjà, le titre de Père de la Nation. D’ailleurs, le PTr a beaucoup œuvré pour les intérêts et le bien-être du peuple et du pays. Lutte pour les droits des travailleurs, combat pour plus de justice sociale, institution de l’état providence, éducation gratuite suivie du transport gratuit pour les étudiants… Ce sont des faits que nul ne peut nier.

Le pays et le PTr se retrouvent tous les deux à la croisée des chemins aujourd’hui. Maurice, à la veille de ses 55 ans d’indépendance, est à bout de souffle, asphyxié qu’il est par la mauvaise gouvernance, la drogue, la corruption, le népotisme, l’économie en déclin, les fléaux sociaux, et le modèle économique désuet pour ne citer que ceux-là. Le PTr, à l’aube de ses 87 ans, est confronté à un besoin pressant de renouveau et de renouvellement. Ce n’est pas de sang neuf qui manque au PTr, mais encore faut-il que le rajeunissement et la relève se reflètent, non seulement dans les diverses instances du parti, mais aussi dans la politique de rupture que prône le PTr et son leader, Navin Ramgoolam. Le PTr, qui se positionne comme l’adversaire principal du gouvernement en place, a donc du pain sur la planche, ayant un double défi devant lui.

Le premier défi auquel est confronté le PTr consiste à présenter une équipe d’alternance jeune, crédible, compétente et dynamique autour d’un programme basé sur un nouveau modèle économique, social, voire même électoral, tout en mâtant les Judas et en maîtrisant les risques de démissions et de scission au sein du parti. C’est sa capacité à relever ce premier défi qui déterminera grandement ses chances à remporter le deuxième challenge qui vise la reprise du gouvernement pour changer la destinée du pays et le mener vers le développement économique, le modernisme et une société plus inclusive. Ce qui n’est pas une mince affaire, avec le ‘money politics’ du MSM et les possibilités de recours aux fraudes électorales, dont les soupçons chez nous se sont accentués davantage depuis les révélations de ‘Forbidden Stories’ sur les activités de la société israélienne ‘Team Jorge’ pour influencer des dizaines d’élections en Afrique, nous rappelant dans la foulée qu’une équipe israélienne était bel et bien chez nous aux élections de 2019.

En l’absence d’une alternance crédible qui dispose d’une assise électorale solide, le destin du pays et du PTr ne réside qu’entre les mains d’un seul homme : Navin Ramgoolam. C’est à lui, en tant que leader du PTr, qu’il incombe de jouer son va-tout pour faire coup double. Mais il n’y a pas de formule magique pour y arriver, et la tâche n’est guère facile. Elle peut même être ingrate. À l’approche des élections, des masques tomberont et révèleront les vrais visages de certains. Il lui faut aussi trouver un arrangement électoral juste et acceptable avec le MMM et le PMSD. Ce qui sous-entend des concessions et des compromis. Même si tout semble jusqu’ici aller dans la bonne direction, rien n’est gagné d’avance. Sans compter que sa tâche est rendue encore plus ardue par la poussée de nouvelles plateformes politiques, comme celle de Sherry Singh qui a, par hasard ou pas, été lancé le même jour que le PTr célébrait ses 87 ans : le jeudi 23 février 2023.

Outre le ‘Reform Party’ de Roshi Badhain qui a mordu la poussière dans deux élections (la partielle au no. 18 en décembre 2017 et les scrutins de 2019), ces nouveaux partis qui poussent comme des champignons et qui disent représenter l’alternance n’ont pas encore passé le test des élections. Même si cela fait partie du jeu démocratique, il y a fort à parier qu’une division de votes jouerait en faveur du MSM qui pourrait alors être de nouveau conduit au pouvoir, malgré toutes les casseroles qu’il traîne. D’où la complexité des défis avec lesquels Navin Ramgoolam doit composer. Il lui faudra trouver le juste équilibre pour pouvoir concilier le destin du pays et celui du PTr pour nous mener vers de nouveaux sommets. C’est donc Navin Ramgoolam qui a rendez-vous avec l’Histoire. Raison pour laquelle son message à l’occasion du congrès du parti aujourd’hui sera suivi avec attention.