Maurice et ses cinq Premier ministres

Depuis 1968, le pays a connu au total cinq Premiers ministres, le premier ayant été sir Seewoosagur Ramgoolam juste après son combat pour faire de Maurice une nation indépendante.  Ensuite ce fut autour de sir Anerood Jugnauth, Navin Ramgoolam, Paul Bérenger et l’actuel Premier ministre, Pravind Jugnauth de suivre les pas du Père de la nation. Chacun a marqué l’histoire à sa manière.  Pendant leur passage à la tête du pays, tous ont connu des moments de gloire comme des moments difficiles. Survol…

Marwan Dawood

Sir Seewoosagur Ramgoolam : Le père de la nation

Il a été celui qui a mené la lutte en faveur de l’indépendance de Maurice ce qui lui a valu plus tard le nom de Père de la nation. Après le 12 mars 1968, sir Seewoosagur Ramgoolam devint le premier des Premiers ministres du pays. Cependant, son passage à la tête du pays au début de l’histoire de Maurice indépendante sera souvent marqué par des évènements que tout Premier ministre essaie d’éviter.  Sir Seewoosagur Ramgoolam devient alors le bâtisseur de Maurice en lançant plusieurs bases pour le développement du pays et pour posséder une bonne économie.

L’île Maurice vivait alors dans un climat social particulier sous l’ère Ramgoolam père.  Quelques mois avant l’indépendance, le pays a connu des bagarres raciales causant plusieurs morts.  Avec le tissu social fragilisé, le gouvernement de sir Seewoosagur Ramgoolam avait instauré l’état d’urgence bâillonnant ainsi la démocratie de notre jeune nation.  Dans ce contexte, les élections générales de 1972 sont également renvoyées, les élections régionales abrogées, la presse soumise à la censure d’État, les syndicats réduits au silence, les rassemblements interdits et le chômage qui se généralisait.

Cependant, le Père de la nation ne savait quoi faire.  Les années passées pour le gouvernement Ramgoolam et la situation dans le pays s’empirait.  La jeunesse renfermée sur elle-même s’éclata alors en 1975, ce qui avait conduit à la révolution estudiantine de mai-75.  Les jeunes décidèrent alors de lutter contre le communautarisme institutionnel et contre le sectarisme, la reconnaissance du Kreol mauricien, le rétablissement de la démocratie participative et surtout la remise en question du système éducatif trop élitiste.

La révolte estudiantine de mai-75 survenue un an avant les législatives de 76 avaient fait réagir sir Seewoosagur Ramgoolam qui dès lors annonça l’éducation gratuite pour tous et l’abaissement de l’âge de vote à 18 ans.  Le Premier ministre d’alors annonça également la fin de l’état d’urgence et le rétablissement des élections et des droits des citoyens.  Lors des élections de 1976, le PTr mené par sir Seewoosagur Ramgoolam va perdre mais une coalition postélectorale avec le PMSD de sir Gaëtan Duval conduira une nouvelle fois Ramgoolam père au poste de Premier ministre jusqu’en juin 1982 soit lors du fameux premier 60-0.  En 1983, après la cassure du gouvernement MMM-PSM, le PTr de Ramgoolam fera alliance avec le MSM pour constituer le nouveau gouvernement et sir Seewoosagur Ramgoolam deviendra alors Gouverneur général de Maurice jusqu’au 15 décembre 1985 laissant derrière lui un riche héritage composé entres autres du Welfare State et de l’éducation gratuite.

Sir Anerood Jugnauth : D’avocat au père du miracle économique

Ancien Premier ministre et ancien président de la République, sir Anerood Jugnauth est un avocat de profession.  Il  fait ses premiers pas dans la politique au début des années 60, soit en 1964 lorsqu’il est élu conseiller villageois. Après l’indépendance, soit en 1969, sir Anerood Jugnauth devient le président de la nouvelle formation politique, Mouvement Militant Mauricien (MMM) aux côtés de Paul Bérenger alors secrétaire général du MMM.  Ce parti avec sir Anerood Jugnauth à la tête remporte les élections de 1976 mais n’accèdera pas au pouvoir suivant la coalition PTr-PMSD menée par sir Seewoosagur Ramgoolam et sir Gaëtan Duval.

Six ans plus tard, en 1982. Le MMM le présente comme futur Premier ministre et en alliance avec le Parti Socialiste Mauricien (PSM) d’Harish Bhoodoo, sir Anerood Jugnauth devient le Premier ministre à la suite d’une grande victoire 60-0 contre le PTr en coalition avec les bleus du PMSD.  En 1983, de nouvelles élections sont organisées après la cassure du gouvernement MMM/PSM. Paul Bérenger quitte le gouvernement et sir Anerood Jugnauth le Mouvement Socialiste Militant (MSM) avec l’aide d’Harish Boodhoo qui dissout le PSM dont il assumera les fonctions de leader jusqu’en 2003.

Sir Anerood Jugnauth a occupé le poste de Premier ministre de 1982 à 1995 et de 2000 à 2003 avant de reprendre le pouvoir en 2014 jusqu’en 2017. En tout il a été Premier ministre pour 19 ans. Mais ce sont ses réalisations économiques entre 1982 et 1995 qui lui vaudront le nom de Père du boom économique.  Avec sir Anerood Jugnauth au pouvoir, l’île Maurice a vécu une profonde évolution économique dont de 1984 à 1988 lorsque le taux de croissance caracolait autour de 7%. Ce sont des années de boom économique avec la création d’une industrie locale.

Il va une nouvelle fois créer l’histoire après sa victoire électorale en 1991. La Constitution sera alors amendée pour mettre fin à la monarchie et Maurice devint une République le 12 mars 1992.  Plus tard dans l’histoire, Maurice va connaitre son premier partage de pouvoir à l’Israélienne.  À la suite d’un accord électoral, l’alliance MSM-MMM remporte les élections de 2000 et sir Anerood Jugnauth démissionne en 2003 pour que Paul Bérenger prête serment comme Premier ministre.

Alors qu’il était président de la République, sir Anerood Jugnauth va dès 2011 soit après le départ du MSM du gouvernement à la suite de l’affaire MedPoint, acculer le gouvernement de Navin Ramgoolam sur la question de Law and Order et quittera son siège en 2012 pour un retour dans l’arène politique. Avec Paul Bérenger, il constitua le Remake 2000 qui ne durera que deux ans car en 2014 cette alliance sera mise à terme au profit d’une alliance PTr-MMM. Sir Anerood Jugnauth regroupe alors le MSM, le ML et le PMSD pour créer l’Alliance Lepep. Il devient alors Premier ministre pour la sixième fois après la victoire électorale de décembre 2014.  Le 23 janvier 2017 il démissionne de son poste pour permettre à son fils, Pravind Jugnauth, de lui succéder.  Il occupe actuellement le poste de ministre Mentor et siège au front bench du gouvernement à l’Assemblée Nationale.

Navin Ramgoolam : digne successeur de SSR

L’actuel leader du PTr accèdera au poste de Premier ministre pour la première fois en 1995 après une grande victoire électorale marquant le deuxième 60-0 de l’histoire en alliance avec le MMM de Bérenger.  Durant son premier mandat, Navin Ramgoolam, démocratisera la pension en la rendant universelle.  Jeune et sans grande expérience politique, Navin Ramgoolam connaitra un début de mandat difficile avec les attentats à la rue Gorah-Issac à Plaine Verte et les émeutes suivant la mort du chanteur Kaya en 1999.  Navin Ramgoolam compte pour le moment 14 ans en tant que Premier ministre du pays et ses réalisations en tant que chef du gouvernement ne se comptent pas.  Pendant son passage, Navin Ramgoolam a revu le système éducatif, a durci les peines pour des délits tels que le trafic de drogue mais il a aussi été un Premier ministre écologique avec l’introduction de Maurice Ile Durable.

Après un passage dans l’opposition entre 2000 et 2005, Navin Ramgoolam réalisera les points faibles de la société mauricienne surtout concernant l’éducation et la précarité des personnes âgées. Défiant les critiques et les mises en garde, Navin Ramgoolam respecte l’une de ses plus grandes promesses électorales et introduit en 2006 le transport gratuit pour les étudiants et les personnes âgées.

Le secteur du transport a été révolutionné sous l’ère Ramgoolam-fils.  C’est sous son Prime-ministership que seront introduits les semi-low floor buses qui sont venus faciliter le transport des personnes âgées et des handicapés. Il voulait aussi concrétiser le Métro Léger afin que le pays puisse accéder à un nouveau palier de développement. Navin Ramgoolam est aussi celui qui a relancé l’économie de Maurice alors que la crise économique faisait trembler le monde.  C’est justement sous son mandat que sera introduit le Stimulus Package pour les petites et moyennes entreprises et il a cru dans la démocratisation de l’économie.  Ce dernier s’est également ouvert au monde extérieur en invitant les investisseurs étrangers à venir investir à Maurice. Ce qui a permis au pays de tisser des liens bilatéraux avec plusieurs pays étrangers et de bénéficier plusieurs aides financiers.

Paul Bérenger : Celui qui a cru dans le développement informatique

Parmi tous les Premiers ministres qu’a connus Maurice, Paul Bérenger est celui qui a assumé le moins ce portefeuille soit du 30 septembre 2003 au 5 juillet 2005. Auparavant il assumait le poste de ministre des Finances à trois reprises soit en 1982, 1995 et 2000. Il fit son entrée dans le monde politique dès son retour de France où il faisait des études en journalisme. Paul Bérenger également participait activement aux évènements de Mai 68 à Paris.

À Maurice, il collabore avec plusieurs journaux puis fonde avec d’autres jeunes le Club des étudiants qui deviendra le Club des étudiants militants et ensuite le Mouvement Militant Mauricien (MMM).  Il en devient le secrétaire général et sera négociateur pour de nombreux syndicats, il lui arrivera de faire des grèves de la faim pour soutenir son action. En 1972, il est arrêté et emprisonné pendant un an pour ses diverses actions politiques et sociales et cela dans un contexte social complexe à Maurice.

Paul Bérenger a lui beaucoup misé sur l’éducation et l’informatique d’où la mise en forme de l’Ébène Cybercity qui a été à l’origine un projet du précédent gouvernement Ramgoolam.  Paul Bérenger a sans aucun doute été l’inspirateur de grandes réformes politiques comme la décentralisation pour Rodrigues, l’élargissement de l’espace démocratique avec l’avènement des radios privées.  Il a aussi été attentif à des situations d’exclusion.  Aux commandes, Paul Bérenger s’est attelé à réaliser des projets terre à terre qui répondent aux besoins réels d’une société en pleine évolution en début des années 2000.  La réforme du système de l’éducation et celle de l’industrie sucrière, son audace et sa ténacité à moderniser le système de collecte de revenus de l’État face à certaines oppositions féroces, le développement du secteur de l’informatique et des communications comme un cinquième pilier de l’économie.  Paul Bérenger a également été le premier Premier ministre qui a fait positionner Maurice comme un pays ouvert vers le monde extérieur, en soutenant l’intérêt d’un Mauricien en la personne de Jayen Cuttarree pour le poste de directeur de l’Organisation Mondiale du Commerce.

Pravind Jugnauth : Le Métro en héritage

L’actuel Premier ministre, Pravind Jugnauth tente de démontrer une façon différente de faire de la politique et essaie de pratiquer une politique de proximité avec la population. Il s’est même défait de ses précédents conseillers et s’est entouré de technocrates visant à redorer son blason. Il mise beaucoup sur le développement du pays tant au niveau économique qu’infrastructurel.  L’actuel Premier ministre veut marquer de son empreinte l’histoire de Maurice avec le projet faramineux du Metro Express.   Pravind Jugnauth défend bec et ongle ce projet qui a déjà entamé sa première phase de construction depuis le début de l’année.

Pourtant, Pravind Jugnauth était l’un des plus grands opposants à ce projet qui avait été l’un des points forts du précédent gouvernement Ramgoolam. En 2014 pendant la campagne électorale, Pravind Jugnauth, a, à maintes reprises critiqué la défunte alliance PTr-MMM qui avait fait du Métro Léger l’une de ses priorités. Cependant, le Premier ministre actuel changea son fusil d’épaule lorsqu’il s’est retrouvé au pouvoir alors que ce projet ne figurait pas dans son programme gouvernemental. Aujourd’hui Pravind Jugnauth met tout en œuvre pour la réalisation du Metro Express qui se pose comme sa priorité des priorités.

L’actuel Premier ministre verra également ériger un nouveau bâtiment ultra-moderne de la cour suprême à la rue Edith Cavell grâce à son intervention auprès de l’Inde pour une aide financière.  Pravind Jugnauth veut également mettre de l’ordre dans plusieurs institutions gouvernementales et a fait du combat contre la drogue l’une de ses principales missions.