[MIC] Renganaden Padayachy au cœur d’un scandale politico-financier majeur

L’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy, se retrouve désormais au centre d’une affaire politico-financière sans précédent. Il a été arrêté par la Financial Crimes Commission (FCC) et placé en détention au Moka Detention Centre, alors que l’enquête sur une série d’irrégularités impliquant la Mauritius Investment Corporation (MIC) prend une tournure spectaculaire. Cette arrestation fait suite à des révélations majeures émanant d’anciens hauts responsables des institutions financières du pays, ainsi qu’à un rapport suspect transmis à la Financial Intelligence Unit (FIU).

L’enquête a été récemment enrichie par un Suspicious Transaction Report (STR) visant spécifiquement Renganaden Padayachy. Ce rapport, soumis à la FIU, concerne une tentative d’acquisition d’un terrain appartenant à la compagnie ENL, pour un montant avoisinant les 13 millions de roupies. Le terrain, situé dans la région de Moka, n’a toutefois pas été vendu, la compagnie ENL ayant rejeté la transaction après un exercice de due diligence. Selon les informations disponibles, l’achat devait initialement se faire en espèces, une modalité qui a soulevé des interrogations chez ENL.

Après le refus d’ENL, la compagnie a constaté que d’autres entités s’étaient également intéressées au terrain. Certaines d’entre elles auraient bénéficié de financements de la MIC. Les responsables de ces sociétés seront auditionnés dans les prochains jours, dans le cadre de cette enquête multidimensionnelle. Le dossier a ensuite été transmis à la FCC pour des investigations approfondies.

Le responsable des ventes de la compagnie ENL a été entendu mercredi soir et jeudi matin par les enquêteurs de la FCC. Il a confirmé que l’ancien ministre des Finances avait pris contact avec eux dans le cadre de cette tentative d’achat. Le rapport de la FIU souligne lui aussi plusieurs éléments jugés préoccupants. Le dossier est désormais entre les mains de la FCC.

Dans un autre volet de cette affaire, Renganaden Padayachy est également visé par une enquête portant sur une présumée malversation de 300 millions de roupies au détriment de la MIC, au bénéfice de la société Apavou Hotels Limited. Cette piste a été mise en lumière par les déclarations croisées de deux anciens collaborateurs du ministre : Harvesh Seegoolam, ancien gouverneur de la Banque de Maurice, et Jitendra Bissessur, ex-Chief Executive Officer de la MIC. Tous deux ont affirmé, lors de leurs interrogatoires, que plusieurs décisions prises au sein de la MIC l’ont été sous l’instruction directe de Renganaden Padayachy.

L’ancien ministre a comparu jeudi après-midi devant la cour de district de Port-Louis. Une accusation provisoire de ‘fraud by abuse of position’ a été formellement retenue contre lui. La FCC s’est opposée à sa libération sous caution. Son avocat, Me Raouf Gulbul, n’a pas insisté pour l’heure sur une demande de remise en liberté. Renganaden Padayachy a donc passé la nuit au Moka Detention Centre, en attendant la suite des procédures judiciaires.

Jitendra Bissessur a été entendu à plusieurs reprises. Selon ses déclarations, il aurait reçu des directives claires de Renganaden Padayachy dans le cadre du rachat de 1 596 actions de la société EastCoast Hotel Investment/Ambre. Cette opération, qui s’est soldée par un montant de 2,4 milliards de roupies, a été entérinée malgré les recommandations du conseil d’administration de la MIC et de son comité d’investissement, qui préconisaient un montant inférieur de 300 millions de roupies, soit 2,1 milliards. Jitendra Bissessur a précisé que la décision finale n’était pas conforme aux procédures internes habituelles et qu’elle avait été imposée sous la pression du ministre de l’époque.

Les propos de l’ex-CEO de la MIC sont corroborés par ceux de Harvesh Seegoolam, interrogé jusqu’aux petites heures du jeudi matin. Assisté de ses avocats, Me Roshi Bhadain et Me Imteeaz Mamoojee, l’ancien gouverneur de la Banque de Maurice a lui aussi confirmé que l’accord avait été finalisé sur instruction de Renganaden Padayachy. L’ex-gouverneur de la BOM a de nouveau été arrêté dans le cadre de la même affaire.

L’enquête judiciaire devrait s’accélérer dans les jours à venir. D’autres protagonistes liés aux projets financés par la MIC doivent être auditionnés. Les autorités explorent plusieurs pistes, notamment en ce qui concerne l’utilisation des fonds publics et les procédures d’approbation des investissements consentis à des entités privées.

L’interrogatoire de Renganaden Padayachy, prévu dans la soirée de mercredi, n’a pas pu se tenir comme prévu, en raison de l’indisponibilité de son avocat, Me Raouf Gulbul. Il devrait toutefois être entendu très prochainement par les enquêteurs de la FCC. À ce stade, plusieurs documents, échanges de correspondance, procès-verbaux de réunions internes et comptes rendus d’auditions sont entre les mains des autorités, qui tentent de reconstituer la chaîne décisionnelle ayant conduit aux transactions suspectes.

Cette affaire, qui implique des hauts fonctionnaires, des institutions financières de premier plan et des montants colossaux, prend une ampleur inédite dans le paysage politique et économique du pays. Les jours à venir seront décisifs pour déterminer l’étendue réelle des responsabilités et des ramifications de ce scandale sous le gouvernement MSM.