Molnupiravir Gate : Après les révélations du “Principal Pharmacist” : La haute sphère inclue-t-elle des responsables du gouvernement ou de Lakwizinn ?

  • L’interrogatoire de Dalida Allagapen, sœur du ‘Senior Minister’ Alan Ganoo et Dr Bhushan Ori, époux de Shamila Sonah-Ori, avouée de Pravind Jugnauth, déterminant pour la suite de l’enquête

L’étau se resserre autour de ceux qui voulaient faire porter le chapeau aux fonctionnaires ayant seulement exécuté des ordres venus d’en haut. Des hauts cadres du ministère de la Santé seront prochainement entendus par les enquêteurs de l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) concernant l’achat de 999,000 comprimés de Molnupiravir au début de décembre 2021 auprès de « CPN Distributors Ltd ». Cette affaire a pris une toute autre tournure depuis jeudi dernier, après que le « Principal Pharmacist » du ministère de la Santé, Brijendrasingh Naeck, ait décidé de tout déballer aux enquêteurs. Avare de commentaires au départ, ce dernier s’est ravisé et a décidé de se mettre à table, après qu’une charge provisoire de « Public Official Using His Office for Gratification » ait été logée contre lui devant le tribunal de Port-Louis. Il a dû fournir une caution pour retrouver la liberté conditionnelle. Idem pour son collègue Doorgeshsing Juwaheer, « Senior Pharmacist ».

C’est jeudi matin que Brijendrasingh Naeck a débarqué à la commission anti-corruption, en compagnie de son avoué, Hiren Jankee et de son avocat, Rajesh Unuth où il a commencé à faire le grand déballage, bien qu’il n’ait probablement pas encore vidé tout son sac. Face aux limiers, il a évoqué la tenue d’une série de réunions au siège du ministère de la Santé depuis le 23 novembre dernier, surtout concernant l’achat des comprimés pour la lutte contre la Covid-19. Dans un premier temps, deux compagnies avaient initialement été choisies pour la fourniture d’un total de 2,3 millions de pilules. Mais la firme « CPN Distributors Ltd » est soudainement apparue de nulle part avant d’être favorisée. Ce qui a rendu perplexes les hauts fonctionnaires du ministère de la Santé. Mais la décision ayant été prise en haut lieu, ils se sont tranquillement pliés aux instructions.

Orchestration d’une urgence artificielle

Brijendrasingh Naeck a enfoncé le clou en soutenant que certaines réunions et procédures ont été délibérément retardées afin de créer une situation d’urgence artificielle. Selon lui, si le contrat avait été alloué plus tôt, il n’aurait pas fallu avoir recours à l’« Emergency Procurement ». Il a ainsi invité l’ICAC à orienter son enquête vers les hauts cadres du ministère de la Santé, en engageant directement la responsabilité de l’ancienne ‘Senior Chief Executive’ (SCE), Dalida Allagapen, et de l’actuel directeur général des Services de santé, le Dr Bhushan Ori. Ce dernier est, rappelons-le, l’époux de Shamila Sonah-Ori, l’avouée du Premier ministre Pravind Jugnauth.

Du côté du Réduit Triangle, ces révélations sont considérées comme un développement de taille. L’affaire, jugée hautement sensible, doit ainsi prendre une nouvelle tournure dans les jours à venir. Les enquêteurs de l’ICAC comptent, dans les jours à venir, passer au crible une dizaine de réunions présidée par Dalida Allagapen et pendant lesquelles plusieurs décisions ont été prises, surtout concernant l’acquisition des équipements médicaux et médicaments dans la lutte contre la Covid-19.

Dalida Allagapen et le Dr Bhushan Ori devront être interrogés au courant de la semaine prochaine. D’autant que selon les aveux de Brijendrasingh Naeck, la décision pour l’acquisition des 999,000 comprimés de Molnupiravir, le prix et le choix du fournisseur avaient déjà été décidés au plus haut niveau et que ni lui, en tant que « Principal Pharmacist », ni son collègue Doorgeshsing Juwaheer n’avaient été sollicités pour donner leur avis sur ce dossier. Ils n’auraient qu’exécuté l’ordre venu d’en haut. Reste à savoir si cet ordre émis « d’en haut » implique des responsables du gouvernement. Tout repose maintenant sur l’interrogatoire de Dalida Allagapen et du Dr Bhushan Ori. Ces derniers feront-ils à leur tour des divulgations ou joueront-ils la politique de l’autruche ? Leurs déclarations seront en tout cas déterminantes pour la suite de l’enquête. À condition, bien sûr, que l’ICAC va jusqu’au bout du dossier sans qu’elle n’agisse comme bouclier pour protéger des proches du pouvoir. Il ne reste plus qu’à attendre la fin de l’analyse des procès-verbaux desdites réunions et l’interrogatoire de Dalida Allagapen et du Dr Bhushan Ori pour le savoir. 

Les comprimés livrés par « CPN Distributors Ltd » rappelées des étagères

Puisque le ministère des Finances a mis le veto sur le paiement des 999 999 comprimés de Molnupiravir achetés auprès de « CPN Distributors Ltd », les services de la Santé ont été contraints de rappeler tous les médicaments Molnupiravir jusqu’ici fournis aux différents hôpitaux de l’île. Suivant des instructions formelles en ce sens, les pharmacies des établissements hospitaliers ont dû enlever tous ces médicaments de leurs étagères. Celles-ci ont, par la suite, été remplies de nouveau, cette fois-ci par les 800 000 comprimés fournis par « Mauritius Pharmacy Ltd » ainsi que ceux livrés par la compagnie pharmaceutique « Dr Reddy’s Laboratories Ltd ». Rappelons que le Molnupiravir acquis auprès du groupe Seegobin a coûté seulement Rs 9.30 l’unité comparé à celui livré par « CPN Distributors Ltd », dont le prix par unité était d’environ Rs 80.