Mardi 15 avril à l’Assemblée nationale, le Premier ministre, Dr Navin Ramgoolam, a présenté le National Agency for Drug Control Bill, qualifiant cette initiative de « pas décisif vers une île Maurice sans drogue ».
Cette nouvelle législation vise à établir une institution qui servira d’organe central dans la lutte contre tous les aspects liés au trafic et à la consommation de stupéfiants, tant à Maurice qu’à Rodrigues. L’approche se veut équilibrée, combinant réduction de l’offre, prévention, traitement et réhabilitation. « Ce n’est pas simplement un cadre juridique que nous présentons, mais une vision pour une île Maurice plus sûre, libérée de l’impact dévastateur de cette menace mortelle », a déclaré le Premier ministre, rappelant que la lutte contre le trafic et l’usage de drogues figure parmi les priorités de son gouvernement.
Un “fléau sociétal majeur”
Le Dr Ramgoolam a souligné l’importance de distinguer les victimes de la toxicomanie des trafiquants, promettant des « mesures audacieuses » pour mettre fin aux souffrances des familles touchées par ce problème qu’il qualifie de « fléau sociétal majeur ». La nouvelle agence rassemblera divers organismes publics afin de combattre le trafic de drogue, d’offrir des services de réhabilitation et de soutenir les familles des victimes. Les dispositions légales relatives au trafic, à la consommation et au traitement des toxicomanes seront également révisées. « Si nous ne trouvons pas les moyens d’arrêter le déclin et la dégradation dont nous avons été témoins pendant une décennie perdue et gaspillée, chacun de nos enfants est mis en danger », a alerté le chef du gouvernement mauricien, appelant à une responsabilité collective dans cette bataille.
Renforcement de la surveillance maritime
Reconnaissant que la majorité des drogues disponibles à Maurice arrivent par voie maritime, le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures pour renforcer la surveillance des côtes. Un Centre national de partage d’informations maritimes, actuellement en construction avec le soutien du gouvernement indien, sera entièrement équipé pour surveiller, analyser et signaler tous les navires se livrant à des activités illicites dans la zone économique exclusive mauricienne. Par ailleurs, un nouveau système de surveillance côtière sera installé avec l’assistance du gouvernement japonais pour remplacer l’ancien. Le fonctionnement de la Garde côtière nationale fait également l’objet d’une révision approfondie pour optimiser l’utilisation des informations recueillies au niveau régional.
La Police et les Douanes seront dotées d’équipements de pointe pour leur permettre de remplir leur mandat de manière plus efficace. Le Dr Ramgoolam a conclu en appelant les institutions gouvernementales, les forces de l’ordre, les organisations non gouvernementales et la communauté dans son ensemble à travailler main dans la main, soulignant que « le National Agency for Drug Control Bill 2025 n’est pas simplement un texte législatif, mais un engagement national qui représente notre détermination collective à protéger l’avenir de notre jeunesse et nos communautés. »
Ally Lazer : « J’accueille cette nouvelle législation très chaleureusement »
Ally Lazer, président de l’association des travailleurs sociaux de Maurice et figure emblématique de la lutte anti‑drogue, se dit à la fois enthousiasmé et vigilant face à ce nouveau projet de loi. « J’accueille cette nouvelle législation très chaleureusement », affirme-t‑il, tout en ajoutant : « Il faut maintenant la mettre le plus vite possible en action. »
Sur le terrain, il côtoie quotidiennement la détresse des familles. « Je vois beaucoup de mamans qui souffrent et qui “pleurent du sang”. L’heure est grave », confie-t‑il, soulignant l’urgence d’interventions concrètes. Pour lui, la réussite de l’agence reposera sur une approche équilibrée : « La réduction de l’offre implique un renforcement du judiciaire, de la police et de la douane ; la réduction de la demande passe par la prévention, le traitement et la réhabilitation ». Il souligne par ailleurs sur le suivi des anciens toxicomanes, afin d’éviter toute rechute. « Il faut tout mettre en œuvre pour éviter que les ex‑toxicomanes replongent dans la drogue », insiste-t‑il.
Depuis plus de dix ans, Ally Lazer réclame une politique nationale de prévention, qui débuterait dès le Grade 5/6 et se poursuivrait jusqu’à l’université. « Personne n’est à l’abri de ce fléau : on observe un rajeunissement et une féminisation de la consommation », alerte-t‑il. Enfin, il rappelle les échecs passés pour mettre en garde contre les dérives bureaucratiques. « Le Trust Fund for the Treatment and Rehabilitation of Drug Addicts a été un fiasco total, puis la NATReSA a gaspillé des fonds publics en plaçant des “petits copains” sans expérience ; j’espère que la nouvelle agence ne reproduira pas ces erreurs », conclut-il.