Négligence médicale : Évitable dans beaucoup de cas

On entend souvent parler de cas de négligence médicale à Maurice, surtout en ce qui concerne les hôpitaux. Or, cela concerne tout le monde. Personne n’est a l’abri d’une négligence médicale, qui peut survenir lors d’un simple examen de routine ou d’une visite chez le dentiste. Étant donné la nature complexe de la pratique de la médecine, il n’est pas surprenant que même la plus petite erreur d’un médecin puisse avoir des effets graves, voire mortels, sur les patients. D’un point de vue légal, tout écart par rapport à la norme acceptée des soins médicaux peut être considéré comme une négligence médicale, et s’il y a des conséquences pour le patient, le médecin, le personnel ou l’hôpital peuvent être tenus responsables. Nous vous proposons dans ce dossier les types les plus courants de négligence médicale.

L’erreur de diagnostic

Il est impératif que le centre hospitalier ou le médecin arrive à un diagnostic adéquat pour pouvoir fournir les soins médicaux appropriés à un patient. Hélas, parfois une erreur de diagnostic peut survenir dans les cas où les symptômes de la maladie dont souffre le patient peuvent ne pas être facilement apparents ou révélateurs.

Les types courants de diagnostic erroné

Certaines erreurs de diagnostic peuvent avoir de graves conséquences, qui peuvent être mortelles dans certains cas. Parmi les erreurs de diagnostic les plus courantes et les plus graves, on peut retrouver :

  • Un échec du diagnostic du cancer
  • Un diagnostic erroné des symptômes d’une crise cardiaque imminente
  • Une erreur de diagnostic concernant l’accident vasculaire cérébrale (AVC)
  • L’échec de reconnaître la thrombose veineuse profonde (TVP) et l’embolie pulmonaire
  • Un diagnostic erroné du diabète
  • L’échec de reconnaître la méningite
  • Un diagnostic erroné sur l’appendicite

Le diagnostic différé

Un diagnostic différé peut être une forme de négligence médicale si un autre médecin aurait raisonnablement pu diagnostiquer la même condition en temps opportun. Un retard de diagnostic peut entraîner des séquelles pour le patient si la maladie ou la blessure progresse au lieu d’avoir été traitée à temps.

Généralement, un diagnostic ne se pas fait en temps opportun en raison de la charge de travail d’un médecin, ce qui diminue sa capacité à administrer correctement un traitement médical. Dans ces cas, l’hôpital ou la clinique peuvent être tenus responsables des dommages résultant du retard du diagnostic et du traitement.

De toute évidence, tout retard dans le diagnostic et le traitement d’une maladie ou d’une blessure peut réduire la probabilité de guérison pour le patient.

Négligence dans le suivi du traitement des patients

Une fois qu’un traitement pour une maladie ou pour une blessure a été sélectionné par le médecin, il est essentiel que ce dernier fasse un suivi régulier pour se tenir informé de l’évolution du traitement. Souvent, une infirmière sera appelée à aider à administrer le traitement, mais elle n’est pas qualifiée pour prendre des décisions médicales concernant la poursuite, l’arrêt ou l’adaptation du plan de traitement.

Si le médecin ordonne un traitement sans un suivi régulier, cela peut constituer une forme de négligence médicale. Si le traitement provoque des effets secondaires ou d’autres dommages au patient, le médecin peut être tenu responsable.

Comme pour un échec éventuel en ce qui concerne le suivi, un médecin doit être conscient des effets et des conséquences de tout traitement administré à son patient. Cela se fait en pratiquant des tests et en surveillant la récupération des patients, leurs signes vitaux et leur santé globale. Lorsque le médecin ne parvient pas à suivre correctement les progrès du patient, et si cela débouche sur des effets néfastes pour le patient, on peut aussi parler de négligence médicale dans ce cas-là.

L’erreur chirurgicale

S’il y a négligence médicale lors d’une opération, il y a risque d’infection ou de septicémie. Cela pourrait alors engendrer des dommages aux organes internes, une défaillance du système immunitaire, voire même la mort. Les procédures chirurgicales nécessitent un niveau de compétence important car même la moindre erreur peut avoir des effets profonds sur le patient.

Parmi les types d’erreurs médicales en ce qui concerne la chirurgie, il y a la chirurgie qui est effectuée au mauvais endroit, des lacérations involontaires d’un organe interne, de la perte de sang incontrôlée, de la perforation d’un organe ou d’un objet étranger laissé dans le corps du patient.

Lacération ou perforation involontaire

L’un des risques les plus dangereux de toute intervention chirurgicale est celui de couper, de lacérer ou de perforer une artère, un organe ou un vaisseau. Il existe ainsi plusieurs façons pour un chirurgien de commettre une erreur potentiellement fatale lors d’une opération.

Il est possible de perforer un intestin ou un vaisseau, ce qui peut passer inaperçu, entraînant une fuite de bile dans la cavité corporelle. Au fil du temps, cela peut entraîner une infection grave et une septicémie qui peuvent provoquer un choc septique et la mort.

D’autres types de négligence chirurgicale peuvent entraîner des saignements incontrôlés ou des dommages aux organes. Dans le pire des cas, un saignement interne ou une défaillance organique peut entraîner la mort.

La chirurgie pratiquée au mauvais endroit

Dans la plupart des cas, c’est une erreur dans les dossiers hospitaliers qui mène un chirurgien à opérer sur le mauvais organe ou appendice externe. Cela car le médecin consulte le dossier avant d’opérer et s’il y a une erreur dans le dossier, l’opération sera faite sur le mauvais endroit.

Dans certains des pires cas de chirurgie au mauvais site, les patients nécessitant une amputation d’un bras ou d’une jambe seront amputés du mauvais appendice, ce qui entraîne la perte des deux appendices au lieu d’un seul.

Objet étranger laissé dans le corps du patient

Dans certains cas, quelques jours ou semaines après une intervention chirurgicale, un patient peut commencer à souffrir de symptômes d’infection et de septicémie. Cela pourrait être à cause d’un corps étranger laissé par inadvertance dans son corps par le chirurgien.

Le plus souvent, de la gaze, un morceau d’emballage médical ou de matériaux absorbants peut être accidentellement laissé dans le corps, provoquant une infection, ainsi qu’une septicémie. Il y a même des cas où les effets surgissent passé quelques années après l’opération.  Une nouvelle intervention chirurgicale devient alors nécessaire. Dans le pire des cas, un patient peut souffrir d’une infection grave et finalement mourir d’un choc septique.

La chirurgie inutile

La chirurgie inutile est souvent liée à un diagnostic erroné des symptômes du patient ou à une décision médicale sans considération appropriée d’autres options ou risques. Il y a des fois où la chirurgie est optée à cause de sa facilité par rapport à d’autres alternatives, alors qu’une opération n’était pas nécessaire.

Certaines des interventions chirurgicales inutiles les plus courantes comprennent: l’implant d’un pacemaker, le pontage coronaire, la césarienne, l’hystérectomie. Bien qu’il y ait certainement des cas où ces opérations sont nécessaires et peuvent sauver des vies, l’état du patient ne justifie souvent pas de telles procédures dramatiques et invasives.

Selon des recherches par le Albert Einstein Medical Center de Philadelphie, environ 20 % de tous les implants de stimulateur cardiaque (‘pacemaker’) sont inutiles et les fluctuations du rythme cardiaque des patients pourraient être traitées avec un traitement plus ordinaire.

Bien que recommander une intervention chirurgicale inutile n’est pas une faute professionnelle en soi, il existe toujours des risques graves dans toute intervention chirurgicale. Si une blessure aurait pu être évitée par l’absence d’intervention chirurgicale, la décision de l’ordonner peut être considérée comme une négligence et le médecin tenu responsable des dommages résultant de l’intervention chirurgicale.

Les erreurs durant l’anesthésie

Cette étape est nécessaire avant toute chirurgie et le risque est important. Un spécialiste ou un anesthésiste doit administrer et surveiller l’effet de tout anesthésiant sur le patient.

Avant toute intervention médicale nécessitant une anesthésie, l’anesthésiologiste examinera le dossier médical du patient, ses antécédents, sa médicamentation, ses allergies et le temps nécessaire à l’opération pour déterminer la meilleure combinaison d’anesthésiants à utiliser.

Une faute d’anesthésie peut survenir soit pendant l’examen médical préopératoire, soit pendant la procédure elle-même.

La préparation d’anesthésie négligente

Si l’anesthésiologiste ne parvient pas à examiner correctement le dossier médical du patient, il ou elle peut administrer des médicaments auxquels le patient est allergique, avec de graves séquelles, voire la mort.

Alternativement, une contre-indication anesthésique peut être présent, ce qui signifie qu’en raison de médicaments antérieurs administrés au patient, un certain agent anesthésique peut présenter un risque accru de complications et ne doit pas être utilisé. S’il est utilisé, ce type de faute d’anesthésie peut entraîner la mort du patient.

La surveillance défectueuse des performances anesthésiques

Même si le travail préopératoire est effectué correctement, il existe un risque de négligence si l’anesthésiste ne surveille pas le patient et ne réagit pas à temps et ne modifie pas les signes vitaux.

Il est même possible pour l’anesthésiste de rencontrer des problèmes logistiques, comme un manque d’oxygène disponible. Si ces types de situations ne sont pas anticipés avant l’opération, le patient peut perdre la vie en raison d’une négligence médicale.

Le traumatisme à l’accouchement et faute professionnelle

L’accouchement peut être un événement particulièrement difficile pour le nouveau-né, et pire encore s’il n’est pas géré de manière appropriée par le médecin et les infirmières. Les cas de négligence médicale pendant l’accouchement peuvent se produire de plusieurs manières, notamment l’échec de la césarienne, la mauvaise gestion d’une naissance difficile, un diagnostic erroné de l’état de santé du nouveau-né ou l’absence de contrôle des signes vitaux du fœtus.

Césarienne et négligence médicale

Une césarienne est souvent nécessaire pour préserver la santé du bébé en cas de détresse fœtale. Généralement, le bébé montrera des signes de détresse fœtale, comme un manque d’oxygène au cerveau et une diminution du rythme cardiaque, et une césarienne doit être administré immédiatement pour éviter toute blessure au cerveau fœtal.

Si le personnel médical n’effectue pas la césarienne à temps, retardant la procédure dans l’espoir d’un accouchement normal, cette décision peut entraîner des lésions cérébrales permanentes pour le bébé.

De mauvais traitements administrés lors d’une naissance difficile
Lors des naissances difficiles, le personnel médical peut avoir à utiliser des méthodes pour forcer l’extraction de l’enfant. Habituellement, une combinaison de forceps et d’aspiration sera utilisée pour forcer l’enfant à sortir de sa mère. L’un des risques associés à l’extraction forcée est que toute manipulation incorrecte ou négligente du processus peut causer des blessures permanentes au bébé, en particulier des lésions nerveuses, telles que des lésions du plexus brachial.

Des fois, les médecins et le personnel médical tenteront d’accélérer l’accouchement ou d’éviter une césarienne. L’ocytocine (la marque courante utilisée est appelée Pitocin) est administrée pour accélérer l’accouchement de l’enfant, mais ce médicament peut avoir des effets secondaires s’il n’est pas surveillé attentivement.

Dans les cas où une détresse fœtale est détectée, comme un cordon ombilical prolapsus, il est essentiel que l’administration de Pitocin soit interrompue immédiatement et qu’une césarienne soit envisagée. Dans ces cas, le médecin dispose de quelques minutes précieuses pour juger de la situation et décider de la meilleure marche à suivre pour éviter de graves blessures permanentes au nouveau-né.

Noren Seeburn, avocat, ancien magistrat et consultant de l’agence Peacemaker

« Le citoyen a un droit, mais il a un droit boîteux »

Le juriste est d’avis qu’il y a un gros problème dans le domaine légal en ce qui concerne les cas de négligences médicales. Il fait ressortir que les victimes de négligence médicale éprouvent beaucoup de difficulté à obtenir réparation. « La loi dit que c’est à la victime de prouver qu’il y a eu négligences   alors que la cour demandera au patient son dossier médical. Et c’est là que tout le problème se situe car le dossier est entre les mains de l’institution qui est soupçonnée elle-même d’avoir commis cette négligence, » déplore Noren Seeburn. Et d’ajouter que le problème s’aggrave pour le patient car bien souvent le dossier requis disparait dans la nature ! « On fait comprendre au patient que son dossier n’est plus là ou on lui apporte un dossier incomplet, lui disant que certains éléments cruciaux sont manquants. Sinon, dans le pire des cas, la personne qui a procuré le traitement au patient n’est plus disponible ou il ne travaille plus. » Le constat de l’ancien magistrat est ainsi que les victimes échouent à obtenir justice ou qu’ils ne peuvent produire des preuves en cour pour ces raisons. « Le citoyen a un droit, mais il a un droit boiteux, » constate Noren Seeburn. Il déplore le fait que la victime ne peut pas prouver la négligence médicale car les preuves ne sont pas entre ses mains.

Ainsi, il propose des solutions au  nom de White Ballot qui milite pour que les lois soient reformées pour que les personnes victimisées obtiennent réparation. « Il faut changer le principe que la preuve doit être apportée par la victime. Ça devrait être les professionnels qui ont dispensé les services de santé qui doivent apporter la preuve qu’ils ont bien prodigué les soins au patient et qu’ils n’ont pas commis de négligence médicale, » suggère-t-il. « Imaginez-vous qu’on administre de l’anesthésie à un patient avant son intervention chirurgicale, comment va-t-il savoir ce qui s’est passé avec lui ? »

D’autre part, il plaide pour la digitalisation du système. « Dans une ère digitale, ce n’est pas possible qu’on continue avec un système archaïque qui occasionne la perte des dossiers. Je propose donc que les données soient informatisées. Aussi, les interventions chirurgicales devraient être enregistrées sur vidéo. On pourra donc mettre cela à la disposition de la justice à l’occasion d’un litige pour pouvoir voir de visu la réalité, » conclut l’avocat.

Édition : 02.02.2020/420