Notre Assemblée nationale devenue un « joke » à cause du speaker

« Nou pa la pou vine fer joke ». C’est ce que le ministre Bobby Hurreeram avait dit quand le député travailliste Shakeel Mohamed avait fait une blague sur Betamax durant la pause thé à la Lunch Room de l’Assemblée nationale le 17 juin dernier. Qu’en pense-t-il maintenant du prétendu « joke » du Speaker Sooroojdev Phokeer ? Pourquoi ce silence assourdissant des élus du gouvernement sur le comportement indigne, grotesque et condamnable de celui censé faire respecter la dignité de la Chambre ? Le déshonorable Speaker a franchi la ligne rouge en lançant, à onze reprises, « look at your face » au député mauve Rajesh Bhagwan. Ce qui a provoqué l’indignation populaire puisqu’il était clair qu’il faisait référence à la condition dermatologique, le vitiligo, dont souffre l’élu du MMM.

Suivant le tollé généralisé à Maurice et ailleurs, le Speaker a réagi, en arguant sur les ondes d’une radio privée qu’il ne faisait qu’un « joke » puisque Rajesh Bhagwan ne portait pas son masque correctement. Pourquoi son argument ne tient-il pas la route ? Primo, parce qu’il aurait dû rappeler à l’ordre le député mauve en lui demandant de respecter les consignes sanitaires au lieu de faire un « joke ». Secundo, parce que le Speaker ne portait lui-même pas correctement son masque à ce moment précis, comme le démontre les images des travaux parlementaires relayés en direct. Tertio, parce qu’il enfreignait lui-même les « standing orders », soit la section 47, en répétant systématiquement la même chose, faisant ainsi perdre de temps à la Chambre alors que la réponse du Premier ministre sur Angus Road était vivement attendue.

Le récidiviste

Personne n’est dupe. C’est un secret de polichinelle que Sooroojdev Phokeer est un récidiviste quand il s’agit d’enfreindre les droits humains et d’aller à l’encontre de ce qui est éthique. Il avait d’abord été rappelé au pays alors qu’il officiait comme ambassadeur de Maurice en Égypte quand Paul Bérenger était Premier ministre en 2004. Il était alors accusé d’avoir commis un impair qui risquait de ternir l’image du pays. Ce qui n’a pas découragé le Premier ministre Pravind Jugnauth de le nommer à la présidence de l’Assemblée nationale après les élections de 2019. Sooroojdev Phokeer a ainsi succédé à Maya Hanoomanjee, dont la présidence n’avait pas non plus été de tout repos et qui était loin d’être impartiale. Pourtant, le Loudspeaker nous fait presque regretter Maya Hanoomanjee qui se terre ces jours-ci au Haut-commissariat de Maurice en Inde.

Ce qui est encore plus choquant, ce sont les propos jugés racistes de Sooroojdev Phokeer à l’encontre de Giovanni Merle, un employé de l’ambassade. Selon ce dernier, l’actuel Speaker le harcelait pour qu’il se débarrasse de ses dreadlocks. Le jeune Mauricien résidant aux États-Unis se disait humilier par les remarques persistantes de Sooroojdev Phokeer. Cette révélation avait bouleversé toute la nation mauricienne. Mais l’abassadeur d’alors n’en avait cure. Il ne semble d’ailleurs pas avoir appris ses leçons puisqu’il a récidivé cette semaine avec sa remarque inacceptable contre Rajesh Bhagwan. Ses propos ne choquent pas, puisqu’ils correspondent à son caractère. Mais le fait qu’il soit toujours maintenu à la présidence de la Chambre est blâmable, ayant tombé bien bas dans l’opinion publique et ayant terni l’image du pays encore plus qu’il ne soit déjà avec la démocratie qui est en recul.

Les élus rouges s’en remettent au Président

Ils voulaient que le Président de la République, en tant que garant de la Constitution, réagisse par rapport au comportement répréhensible du Speaker. Raison pour laquelle les députés rouges lui ont adressé une correspondance, mardi. « The Speaker acted in the most dishonorable way by making vile and unacceptable references, repeatedly and forcefully, to the dermatological condition of a seasoned and respected Member of the National Assembly », ont écrit les onze signataires travaillistes. Ils estiment que l’Assemblée nationale ressemble de moins en moins à un Temple de la démocratie et de plus en plus à un ring de boxe.

Les partis de l’Alliance de L’Espoir ont, de leur côté également, condamné le comportement du Speaker et ont réclamé sa démission. « Il a franchi la ligne rouge », ont-ils soutenu.

Condamnation au niveau international

La communauté internationale n’est pas restée insensible aux propos déplacés du Speaker. La BBC en a fait état en soutenant « the speaker of Parliament in Mauritius has been widely criticised for shaming a deputy with vitiligo ». Le « Vitiligo Support Uk » a aussi pris position en qualifiant les propos de Sooroojdev Phokeer de « disgraceful ». Le président Wavel Ramkalawa a, de son côté, défendu l’intégrité du Parlement seychellois en lançant, jeudi, que « nou l’Assemblée bocou pli civilisé ki l’Assemblée Maurice ». Faisait-il référence au triste spectacle de mardi ?

Silence totale de la State House

Le Président Pradeep Roopun n’ayant, à vendredi, toujours pas réagi à la lettre envoyée par les élus travaillistes, nous avons, à la mi-journée hier, adressé un courriel et un appel au bureau de la présidence pour obtenir une déclaration. Bien que le secrétariat de la State House ait promis de revenir vers nous, nous attendons vainement une réponse.