S’agit-il d’une tempête dans un verre d’eau ? « Non ! », répond avec force le député Eshan Juman. Ce dernier persiste et signe, malgré sa suspension de six semaines de l’Assemblée nationale. Il maintient qu’il ne lâchera pas prise sur les investissements du NPF et du NSF car il y a un manque de transparence autour de ces placements. « À l’intérieur ou à l’extérieur de l’Assemblée nationale, mon travail se poursuit. Je continuerai à interpeller le gouvernement sur des questions d’intérêt national. Le Speaker ne peut pas – et ne pourra plus – me censurer. J’élèverai autre chose. La population tirera ses propres conclusions », affirme le député travailliste du no. 3. Son expulsion, rappelons-le, a fait suite à une question qu’il avait justement adressée à la ministre de la Sécurité sociale, Fazila Jeewa-Daureawoo, sur les placements du NPF et du NSF.
Voyons les faits. À l’Assemblée nationale, la ministre Jeewa-Daureeawoo a évité de révéler les détails liés au NPF, précisant seulement que le fonds du NSF s’élevait à Rs 43 millions, alors que la question portait aussi sur le NPF. Ce n’est qu’après l’insistance du député Eshan Juman, à l’extérieur du Parlement, et ses accusations à l’effet qu’elle induisait le Parlement et la population en erreur, qu’elle a ensuite révélé qu’il y a Rs 154 milliards dans le fond du NPF. Elle a aussi ajouté par la suite que la compagnie Hold Attitude Ltd a déjà payé les intérêts dus et qu’elle a jusqu’au 30 septembre pour rembourser le capital. « Kapave ine arrivé ki ene compagnie ine gagne difficulté pou paye so bane l’intérêts, mais nou veiller à seki bane investissements ena garantie et ki bane paiements faire kuma bizin », a-t-elle déclaré sur les ondes d’une radio privée vendredi matin.
Mais la façon dont ces investissements ont été faits soulève des interrogations. Il ressort ainsi, selon une lettre que le NPF avait envoyé à la direction de Hold Attitude Ltd le 21 novembre 2023, que cette compagnie n’avait pas encore payé les intérêts dus. Les chiffres et la façon dont ses placements ont été renouvelés donnent froid dans le dos. Ainsi, pour un investissement de l’ordre de Rs 1, 4 milliards pour la période allant du 1er mars 2022 au 8 mars 2022, la compagnie devait des intérêts s’élevant à plus de Rs 877 000. Néanmoins, le NPF a de nouveau investi ces Rs 1, 4 milliards au sein de Hold Attitude Ltd pour une période additionnelle de 86 jours, allant du 9 mars 2022 au 2 juin 2022. À la date de la maturité, des intérêts de plus de Rs 9, 7 millions étaient dus.
Cela n’a pas freiné les ardeurs du NPF qui a choisi, une nouvelle fois, de renouveler sa confiance à cette même compagnie. Et cette fois-ci, le NFP va encore plus loin. Il renouvelle ces Rs 1, 4 milliards pour 117 jours contre des intérêts s’élevant à plus de Rs 14 millions. Sauf que ceux-ci ne seraient toujours pas payés. Le NPF a renouvelé ces placements à deux reprises pour 37 et 40 jours respectivement. Et pour couronner le tout, les Rs 1, 4 milliards ont été une nouvelle fois investis au sein de Hold Attitude Ltd pour – tenez-vous bien – une période de 291 jours ! Ce qui fait Eshan Juman sortir de ses gonds. « Rs 877 000 l’intérêt li pane kapave payé pou 8 jours, ou alle investi Rs 1, 4 milliards pou ene l’intérêt de Rs 53 millions pou 291 jours. C’est scandaleux ! », tonne le député travailliste. « Est-ce ainsi que la ministre Jeewa-Daureaawoo veille à ce que l’argent des travailleurs soit bien placé ? », se demande-t-il.
La compagnie Hold Attitude Ltd n’avait toujours pas payé les intérêts dus, de l’ordre de Rs 89 millions pour le NPF et 40 millions pour le NSF une semaine plus tard. D’où la nouvelle correspondance adressée à la société le 28 novembre 2023, la sommant d’effectuer ces paiements le plus vite possible. A quelle date la compagnie a-t-elle finalement effectué ces paiements ? On ne sait pas, les détails n’ayant pas été fournis par la ministre Jeewa-Daureeawoo. D’ailleurs, le ‘management company’ United Investments Ltd (UIL), sous qui opère la société Hold Attitude Ltd, et qui est cotée en bourse, n’avait pas publié ses bilans financiers en juin dernier. Dans un communiqué émis le 28 juin 2024, le board de UIL avait évoqué plusieurs raisons pour justifier son retard à rendre public ses « Audited Condensed Financial Statements » pour l’année financière terminant le 30 juin 2023 et ses « Unaudited Condensed Financial Statements » pour les périodes trimestrielles se terminant le 30 septembre 2023, le 31 décembre 2023 et le 31 mars 2024 « within the prescribed deadline ».
Raison de plus, selon le député Eshan Juman, pour que tous les investissements du NPF et les détails relatifs soient rendus public. « Est-ce qu’on va récupérer les Rs 1, 4 milliards de Hold Atitude Ltd en septembre prochain ? Est-ce qu’il y a d’autres compagnies dans lesquelles le NPF a investi et qui sont incapables de payer les intérêts ou rembourser le capital ? Est-ce qu’au final, les Rs 197 milliards du NPF et du NSF sont à risque ? C’est la question qui se pose et à laquelle la ministre de la Sécurité sociale et le gouvernement doivent répondre », dit le député.