‘Offshore Petroleum Bill’ : La recherche de l’or noir dans nos eaux provoque une vive appréhension

La séance parlementaire à venir sera marquée par la présentation de l’Offshore Petroleum Bill, un projet de loi qui a pour objectif d’abroger la loi actuelle, qui remonte aux années 1970, et de la remplacer par un nouveau régime légal. La nouvelle loi visera, entre autres, à reglémenter l’activité pétrolière dans les fonds marins des eaux maritimes de Maurice.

Nos eaux contiennent-elles vraiment du pétrole ? Quel sera le prix à payer, du point de vue écologique, si on forait nos fonds marins pour en extraire le pétrole ? Il faut savoir qu’actuellement, la recherche de l’or noir dans nos eaux ne fait pas l’unanimité.

« J’appelle cela une comédie ancrée dans la réalité tragique de ce gouvernement », lance Arvin Boolell. Ensemble avec la communauté internationale, on a décrété une partie de notre zone économique exclusive comme le plus grand parc marin dans le monde. On visait justement au développement de notre économie bleue. On a la responsabilité de protéger notre zone économique exclusive. Or, l’extraction du pétrole dans notre zone économique exclusive ne cadre pas trop bien avec tout cela.

Le député rouge se demande pourquoi cette précipitation soudaine. « Alors que tout le monde parle d’énergie renouvelable, le gouvernement vient avec un projet de loi pour permettre l’exploration de nos fonds marins pour le forage pétrolier. N’a-t-on pas eu notre leçon avec ce qui s’est passé avec le Wakashio? », se demande-t-il. Il affirme qu’il ne comprend pas cette précipitation pour ce projet. « Le gouvernement doit des explications à la population et il est de son devoir d’agir dans la transparence. Avant de lancer un tel projet, on demande un ‘White Paper’ pour avoir une explication solide et pour savoir ce que cela implique. Il faudrait avoir un débat en profondeur sur ce sujet au nom de la démocratie, avec une approche participative de toute la communauté. »

Pour notre interlocuteur, c’est inadmissible de venir maintenant avec un projet d’une telle envergure, alors que le COP-26 se tiendra en novembre à Glasgow en Écosse, et où le Premier ministre lui-même sera présent. (NdlR : le COP-26, ou ‘Conference of the Parties’, est un sommet international organisé par les Nations-Unies pour lutter contre le changement climatique.)

 « Le COP-26 arrive et durant cette grande conférence, tous les pays vont publier leurs ‘climate change targets’ en termes de réduction d’émission de carbone et ce n’est pas le moment propice pour le gouvernement de venir parler d’extraction de pétrole », maintient Arvin Boolell. Il est ainsi persuadé que cela ne jouera pas en notre faveur de venir avec un tel projet maintenant, car le moment est mal choisi.

Si un tel projet se concrétise, Port-Louis sera bientôt transformée en une raffinerie de pétrole. Et ce n’est pas avec cela qu’on pourra réduire nos émissions de carbone…

Les contradictions du PM

Pour Sunil Dwarkasing, consultant environnemental pour Greenpeace, la ‘Petroleum Act’ de 1970, est limitée en ce qui concerne son champ d’application. Mais la nouvelle loi est bien plus vaste, ce qui attise ses craintes. En ce qui concerne le ‘timing’, il soutient que c’est très maladroit de la part du PMO de venir au Conseil des ministres avec une telle loi étant donné qu’on est à quelques jours seulement du COP-26.

À noter que le Premier ministre avait annoncé qu’il allait expliquer au COP-26 que Maurice se trouve dans une « situation of climate emergency ». Pour Sunil Dwarkasing, le Premier ministre se contredit lui-même. Comment peut-il annoncer une « situation of climate emergency », alors qu’en même temps, il veut faire passer une loi au parlement qui va permettre l’exploration de nos fonds marins pour les ‘fossil fuels’, qui sont responsables du réchauffement climatique ? « Pourquoi cette contradiction deux semaines avant le COP-26 ? », se demande Sunil Dwarkasing.

Il y a aussi une confusion dans les rôles de nos institutions à Maurice, surtout au sein de nos ministères. Pourquoi, selon la nouvelle loi, ce sera le PMO qui deviendra le ‘regulatory body for petroleum activities’ alors qu’on a déjà un ministère de l’Economie bleue qui a pour mission de « strengthen governance and harness the marine resources in our Exclusive Economic Zone (EEZ) » ?

Selon notre interlocuteur, un ‘pattern’ se dessine, en ce qui concerne la stratégie que compte adopter le Premier ministre. On commence à parler d’exploration de pétrole dans la plateforme continentale que nous partageons avec les Seychelles. En même temps, on développe un port à Agalega, qui va permettre aux gros navires d’accoster, et un ‘petroleum hub’ à Albion à Maurice.

Il nous explique que Greenpeace a fait des études très avancées dans ces fonds marins et on a découvert probablement la plus grande étendue d’herbe de mer qui soit. Cela représente une ressource marine énorme que Maurice n’a pas su exploiter. « Si on avait exploité ces ‘sea grass beds’ à travers un ‘Clean Development Mechanism’ (CDM), on aurait pu engranger beaucoup d’argent pour le pays. Et en permettant le forage pétrolier, on va mettre en danger une des plus grandes ressources marines que nous possédons comme un petit état insulaire, alors qu’on aurait pu exploiter cela différemment. On va perdre un patrimoine marin majeur », nous dit-il.

Il se demande même si l’extraction du pétrole va nous apporter quelque chose, en termes de ressource économique. Il est plutôt dubitatif  à ce sujet, si on prend comme exemple certains autres pays où le forage pétrolier n’a pas apporté grand-chose à la population. « Est-ce que ça vaut le coup d’aller mettre en danger un grand patrimoine marine mondial, unique au monde, pour faire ces explorations, surtout si cela n’aboutira à rien ? », se demande-t-il.