Oil spillage au Quai D: “Y a-t-il un capitaine à bord?”, se demande Alain Malherbe

De nord au sud en passant par l’est à l’ouest nos eaux territoriales sont infectées d’huile lourde. Si ce phénomène « accidentel » ne peut pas être évité totalement, il peut néanmoins être contrôlé. Ce contrôle implique une responsabilité tant administrative que technique par les autorités compétentes qui, selon les termes de la loi, sont responsables pour assurer la sécurité de la qualité de nos eaux. À voir de ce qui se passe dans le réel, l’on a tendance à se demander s’il existe une autorité « compétente » dans ce domaine, autrement dit ceux à la tête sont-ils compétents ?

La semaine dernière les eaux au Quai D étaient infectées d’hydrocarbure suite à une « bunker delivery » au navire Ask Progress. Qualifié de « minime » par les autorités portuaires, une enquête était censée être en cours pour déterminer la cause de ce problème. En attendant que les retombées de cette enquête soient connues, nous avons abordé toute la technicité de cette affaire à un expert du monde maritime, Alain Malherbe, qui nous livre son sentiment. D’emblée il a rappelé que la Mauritius Ports Authority (MPA) est la seule autorité ayant habilité à s’assurer de la sécurité de nos installations portuaires.

S’appuyant sur la section 7, sous-section 1 du GN 2021, Alain Malherbe rappelle que selon la section 11 « the Authority shall complete a Port Security Assessment in respect of each port every five years… ». Or, il se demande s’il existe un rapport de vérification technique du tuyautage déjà installé dans le port, soit sous et sur les quais appartenant à la Mauritius Ports Authority.

Selon ses dires, le problème serait au niveau du tuyau de distribution de cette substance. « Si mon information s’avère, qu’en est-il donc des vérifications techniques de l’état de ces pipelines ? », s’est-il demandé avant de declarer, qu’à sa connaissance un tel exercice n’a jamais été effectué par les autorités portuaires. Autrement, que les autorités portuaires publient les rapports.

Autre question posée par notre interlocuteur : « Quelle est la fréquence de maintenance des appareils portuaires, s’il y a eu ? ». « Personne ne sait », indique-t-il. Toujours à ce sujet, Alain Malherbe souligne qu’outre l’autorité portuaire, l’opérateur dans le port doit aussi soumettre un rapport technique de la fiabilité de ses équipements afin d’avoir un permis d’opération de la MPA. Dans ce cas précis, comme le fournisseur du produit était une société annexée à Taylor Smith, cette dernière devrait normalement avoir un ‘equipment assessment’ approuvé par la Mauritius Port Authority.

Encore une fois, il se demande si une telle exigence a été suivie ou non. Çitant le paragraphe 15 sous-section 1 du GN 2021, M. Malherbe indique que cette partie de la loi stipule : « in case of a Port Facilty Operator other than the Authority, in respect of that port facilty, a completed Port Facility Security Assessment approved by the Authority… ». Selon le même GN 2021, le « port facility operator » est défini comme toute personne autorisée sous cette loi ou tout autre règlement d’opérer dans le port.

Par ailleurs, Alain Malherbe rappelle qu’il est important de souligner que la Mauritius Ports Authority facture, à tous les navires se ravitaillant en bunker à Port-Louis, une charge de USD 1.15 par tonne de produit chargé. Si approximativement 600,000 tonnes de bunker sont passées par les pipelines de la MPA en 2021, c’est USD 690 000, soit approximativement Rs 27 600 000, qui ont été récoltées. « Est-ce que ces revenus sont investis dans la maintenance des pipelines ? Si non, pourquoi pas alors est-ce que ces charges sont imputées aux navires ? », se demande notre interlocuteur.

« Sans vouloir spéculer, il est de mon devoir de souligner que le navire impliqué directement ou indirectement dans cet oil spillage, aussi minime soit-il, n’est autre que le ASK PROGRESS. Ce même navire avait été inspecté par la MPA le 9 Mars 2022 et trouvé non-compliant aux exigences de cette dernière », ajoute Alain Malherbe. Mais le Conseil des ministres aurait, semble-t-il, exigé que la MPA émette quand même une licence portuaire en faveur de ce navire, poursuit-il. Licence qui est en date du 11 mars 2022 et qui expirera le 30 juin 2022, précise Alain Malherbe.