On ne touchera la pension de vieillesse de Rs 13 500 qu’à l’âge de 65 ans…

« Une insulte qu’on nous lance en pleine figure »

On se souviendra qu’avant les élections générales de 2019, le Premier ministre avait promis l’augmentation de pension de vieillesse à Rs 13 500 si jamais son gouvernement était élu. Mais avec l’introduction de la ‘Social Contribution and Social Benefits Bill’ au Parlement, ce n’est pas à 60 ans mais à 65 ans que les personnes pourraient toucher cette somme de Rs 13 500.  C’est l’incompréhension et l’indignation parmi la classe politique et les associations des personnes âgées, qui crient à « l’insulte ».

On se rappellera aisément la promesse faite par le Premier ministre environ un mois avant les élections générales de 2019 durant la Journée mondiale des personnes âgées, le 1er octobre. « La pension de vieillesse passera de Rs 9 000 à Rs 13 500 », avait-il dit. Mais une fois ces élections remportées, installé confortablement au pouvoir, le gouvernement est revenu sur sa promesse.

Selon les chiffres de Statistics Mauritius, il y aurait 76 756 Mauriciens se trouvant dans la tranche d’âge 60 à 64 ans au 1er juillet 2020. Autant dire que cette décision a eu un impact négatif non-négligeable sur les pensionnaires.

Est-ce qu’on a affaire à un Premier ministre qui avait fait une promesse qu’il savait qu’il ne pourrait tenir, pour avoir incité nos ainés à voter pour lui ?  S’agit-il bien d’un « bribe électoral » comme l’a fait ressortir Suren Dayal en cour, dans le sillage de sa pétition électorale contestant l’élection du Premier ministre lui-même dans la circonscription no 8 ? Est-ce que le ministre des Finances ne contredit pas le Premier ministre, contradiction d’autant plus grave vu qu’il vient démontrer que ce n’était qu’une vulgaire promesse électorale dans le but de recueillir des votes ? Les vieux n’ont-ils pas raison de parler d’« insulte » alors qu’ils attendaient cette augmentation que le Premier ministre leur avait promise, pour pouvoir faire face à la montée des prix des denrées de base ?

Malhonnêteté

« C’est de la malhonnêteté. C’est un gouvernement irresponsable », s’insurge l’ancien leader de l’Opposition, Arvin Boolell.

Est-ce qu’on a affaire à un Premier ministre qui avait fait une promesse qu’il ne pourrait tenir, pour avoir incité nos ainés à voter pour lui?

Arvin Boolell se souvient très bien de ce que le Premier ministre avait annoncé le 1er octobre 2019, au centre culturel Swami Vivekananda à Pailles, à l’effet qu’avant la fin de son mandat, vers 2024, la pension de vieillesse passera de Rs 9 000 à Rs 13 500. « Le Premier ministre n’avait jamais dit que l’on ne toucherait cette somme de Rs 13 500 qu’à l’âge de 65 ans », affirme-t-il.

Il se pose des questions sur le bien-fondé même de cette promesse électorale. Selon lui, une telle mesure aurait représenté une augmentation de 40 % sur le budget du ‘Welfare State’ quand on arrivera à l’année financière 2023-2024. Est-ce que ce sera ‘sustainable’, se demande-t-il ? Dans un pays où le ‘workforce’ se rétrécira, on mettra alors un fardeau important sur les jeunes et ceux qui travaillent.

« Le gouvernement opte pour des ‘short term gains’, sans se soucier de leurs conséquences à long terme »

Le député ne mâche pas ses mots à l’encontre du gouvernement. « C’est un gouvernement qui opte pour des ‘short term gains’, sans se soucier de leurs conséquences à long terme, alors qu’on aurait dû avoir à cœur l’intérêt du pays avant tout, en se focalisant sur la productivité et l’économie, entre autres ».

« Ene coute pied dans figure dimoune », c’est en ces termes que le président de l’Association des ‘senior citizens’ de Vieux Grand-Port, Guirdharry Juggessur, qualifie le volte-face du gouvernement. Selon lui, c’est une « grande insulte ». « Pe embete dimoune ek pe kokin dimoune », fustige-t-il. « Le Premier ministre avait agi de façon dégueulasse le 1er octobre 2019 à Pailles en faisant une fausse promesse et aujourd’hui, on paye les conséquences », fustige-t-il.

Il estime que 75 % des retraités ne peuvent joindre les deux bouts avec la somme de Rs 9 000. « Les personnes âgées savent cela quand ils font leurs achats », lance-t-il. Qui plus est, il déplore que le gouvernement n’ait pas donné la compensation de Rs 375 aux personnes âgées. « Le jour où le peuple comprendra, c’est à ce moment qu’il saura comment voter », ajoute Guirdharry Juggessur.

Il dénonce le fait qu’avec la majorité que le gouvernement détient, il peut faire tout ce il veut. Pour lui, il s’agirait d’un « esclavage moderne », où les vieux qui ont tant trimé pour l’avancement du pays ne reçoivent rien en retour. Il ajoute qu’il espère que la population comprendra ce qui se passe.

Le ‘District Representative’ du Conseil de district de Savanne, Soopramanien Padiachy Goundan, est sur la même longueur d’ondes que Guridharry Jugessur. Il  est d’avis que c’est une insulte sous tous les angles. Il maintient que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, n’avait jamais dit que les personnes âgées recevront la somme de Rs 13 500 quand ils auront atteint l’âge de 65 ans quand il avait fait cette promesse le 1er octobre 2019.

« Il avait donné de l’espoir aux personnes du troisième âge qu’en cas de victoire du gouvernement, la pension de vieillesse passera à Rs 13 500. Mais finalement, il nous a donné Rs 9 000 seulement », martèle le ‘District Representative’.

Une insulte qui devient encore plus grave vu que chaque année, la pension n’est pas ajustée, contrairement aux salaires, alors que cela se faisait auparavant.  « Il va vous dire que c’est déjà inclu dans les Rs 9 000. Mais qu’est-ce que ces Rs 9 000 représentent avec la flambée des prix des denrées de base ? », s’interroge-t-il. Pour le ‘District Representative’ le quantum de Rs 9 000 est une somme dérisoire alors que les médicaments connaissent aussi une flambée des prix.

Soopramanien Goundan ajoute qu’il a demandé une rencontre sur ce sujet avec le ministre des Finances, Renganaden Padayachy. Bien qu’une date ait été fixée, le ministre devait annuler cette rencontre à la dernière minute.

Il dit attendre une solution face aux problèmes que rencontrent les vieux. Pour lui, il est clair que le gouvernement met tout sur le dos de la covid-19, alors qu’il a dilapidé la Banque de Maurice. «  Il y a une mauvaise gestion des affaires financières du pays », résume-t-il.

« Les mesures du GM ne refletent aucune politique sociale ou aucune protection sociale »

« Ce gouvernement n’a pas de politique sociale ou de ‘Social Protection Policy’ », fait ressortir succinctement l’économiste Nalini Burn. Elle déplore qu’aucune ‘policy of evaluation’ ou travail de recherche sociale n’ont été effectués avant de décider de quel montant sera la pension de vieillesse. Elle déplore aussi que le gouvernement n’a pas pris en compte les points de vue des différents ‘stakeholders’ avant de prendre sa décision.

Pour beaucoup de raisons, l’économiste se dit en faveur de la pension universelle, surtout pour les femmes, car on ne reconnaît pas la contribution sociale et économique des femmes dans la société.

 « Nous avons des projets de loi concernant des réformes d’envergure, mais qui ne sont pas ‘evidence-based’ et qui ne reflètent aucune politique sociale ou aucune protection sociale. Ils se collent tout simplement à un Budget », déplore-t-elle.

L’économiste exprime ainsi son mécontentement et son désaccord face à la manière d’élaborer les politiques, sans aucune consultation avec les personnes qui seront principalement impactées, politiques qui deviennent alors souvent arbitraires.

Elle devait ensuite aborder la Contribution sociale généralisée (CSG), qui continue d’alimenter une certaine polémique. « De quelle Contribution sociale généralisée parle le ministre des Finances quand il ne prend pas en considération le travail bénévole que plusieurs personnes font ? », fait-elle ressortir.

Hors-Texte

Un poids financier énorme dans les années à venir ?

« En 2019, les autorités ont augmenté la ‘Basic Retirement Pension’ (BRP) d’environ 45 %. Ils ont par la suite promis d’accorder une nouvelle augmentation de 50 % à la plupart des retraités d’ici l’exercice financier de 2023/24. Si elle est promulguée, cela augmentera les dépenses totales relatives à la BRP d’environ 4.5 % du PIB pour l’exercice financier de 2018/19, qui passera à 8.5 % du PIB pour l’exercice financier de 2023/24 », souligne le rapport du Fonds monetaire international (FMI).

Le rapport du FMI devait aussi aborder la Contribution sociale généralisée (CSG). « Les contributions au National Pension Fund (NPF) ont été arrêtées. La NPF continuera de verser les pensions accumulées par ses contributeurs, mais ne recevra pas de nouveaux contributeurs. Ces dépenses devraient s’élever à environ Rs 4 milliards de roupies au cours de l’exercice financier de 2020/21 », fait ressortir le rapport.

Le rapport ajoute que les dépenses combinées de la BRP et de la CSG devraient atteindre 8.5 % du PIB d’ici l’exercice financier de 2023/24, contre 4.5 % du PIB pour l’exercice financier de 2018/19. Selon le rapport le PIB  a connu une baisse spectaculaire  pour l’exercice financier de 2020/2021 en raison de la pandémie.

Le rapport note aussi que selon les tendances démographiques à Maurice, il y aura encore plus de personnes âgées dépendantes, et que la BRP a été et continuera d’être financée directement par le Budget, sans aucun revenu en contrepartie.  

«Avec le début des paiements de la CSG au cours de l’exercice financier de 2023/24, les dépenses totales de la CSG atteindront environ 1,7 % du PIB », projette le rapport.

Ainsi, la somme des dépenses de la BRP et de la CSG passera à 8,6 % du PIB d’ici l’exercice financier de 2023/24, par la suite tombant à 8,0 % du PIB d’ici l’exercice financier de 2025/26, analyse le rapport du FMI.