Oumrah : Les pèlerins mauriciens vaccinés au Sinopharm se heurtent à un mur

  • Le silence du gouvernement et de Showkutally Soodhun interpelle

Alors que l’Arabie Saoudite a ouvert ses frontières aux pèlerins étrangers depuis la mi-août, de nombreux Mauriciens de foi islamique ne savent toujours pas s’ils pourront s’y rendre pour accomplir le petit pèlerinage connu comme l’oumrah. Les critères du gouvernement saoudien sont clairs : les pèlerins doivent être vaccinés ou avoir reçu une ‘booster dose’ de Pfizer BioNTech, AstraZeneca, Moderna ou Johnson & Johnson pour qu’ils puissent avoir accès en Terre sainte. Des critères auxquels ne sont pas éligibles beaucoup de Mauriciens ayant reçu le Sinopharm, le Sinovac et, à un degré moindre le Covaxin. Le mix vaccinal n’étant autorisé qu’en cas exceptionnel et en l’absence de négociation officielle avec les autorités saoudiennes, les Musulmans désireux d’effectuer l’oumrah demeurent toujours dans le flou, surtout à l’approche de l’ouverture de nos frontières.

Un sexagénaire à la retraite nous confie ainsi son désarroi de ne pouvoir se rendre à La Mecque, comme il aurait tant souhaité. « Je voulais accomplir le hadj depuis les deux dernières années, mais cela n’a pas été possible à cause de la pandémie. Puisque ma santé me joue des tours, je préfère effectuer l’oumrah puisque je ne sais pas si je serais encore en vie pour le prochain hadj. Mais je ne suis pas au bout de mes peines puisque j’ai été vacciné au Sinopharm. J’estime que c’est le devoir du gouvernement d’intervenir auprès de son homologue saoudien pour trouver une solution puisque nous nous sommes faits inoculés avec les vaccins mis à notre disposition par le gouvernement. Nous ne pouvons pas être ainsi pénalisés », martèle-t-il.

Nasser Anowar, gérant de Green Travel, concède qu’il y a un problème à ce niveau. « Nou pe fer booking zis pou bane dimoune ki vaccinés avec Johnson & Johnson et AstraZeneca. Boucou dimoune plorer. Ena parski zot ine atan depi longtemps pou kapave alle fer l’Oumrah et le vaccin Sinopharm ki zot ine fer pas correspond aux critères du gouvernement saoudien », nous confie-t-il. Notre interlocuteur se dit impuissant devant cet état de choses, d’autant que les autorités saoudiennes sont très à cheval concernant les critères d’accessibilité au Royaume saoudien. Il se voit ainsi contraint de les référer au ‘Vaccination Centre’ qui est le seul à avoir l’habilité de déterminer si une personne vaccinée est éligible à un ‘third jab’ ou pas. « Je lance un appel au gouvernement pour qu’il entame des négociations avec les autorités saoudiennes afin de ne pas pénaliser les pèlerins », lance d’emblée Nasser Anowar qui s’active déjà pour le départ d’un premier groupe de pèlerins en octobre.

« Qui assumera les risques liés à une troisième dose ? »

Riaz Nussurally, qui prêche l’« Islamic & Interfaith Studies », dit, pour sa part, avoir été la première personne à avoir tiré la sonnette d’alarme sur cette situation, notamment sur les réseaux sociaux, mais aussi en s’adressant aux diverses autorités mauriciennes et saoudiennes, entre autres. « Il est vrai que c’est un problème qui n’affecte pas seulement Maurice, mais aussi d’autres pays. Il est donc primordial que le Royaume saoudien revoie sa décision. Je ne comprends pas pourquoi ce dernier reconnait désormais le Sinopharm, mais insiste pour que les pèlerins reçoivent une troisième dose d’un autre vaccin. À Maurice, nous n’avons reçu les vaccins acceptés par l’Arabie Saoudite que récemment. Que se passe-t-il pour ceux vaccinés dès le début de la campagne de vaccination ? », se demande-t-il.

Il avoue avoir fait une requête aux autorités saoudiennes à travers l’ambassade mauricienne. « I must point out that there are many of them whose second dose of Sinopharm is very recent not exceeding three or six months.  To get a booster dose of another brand in their body so quickly is a very risky decision for them to take.  In addition to that, Mauritius has not yet used the mixing of Covid-19 vaccine brands or getting a third dose vaccine, like other countries around the world except in strict circumstances », fait ressortir Riaz Nussurully dans cette correspondance officielle. Jusqu’ici cependant, les autorités saoudiennes se montrent intransigeantes.

Quelles négociations ?

Y a-t-il eu des négociations avec les autorités saoudiennes pour qu’elles incluent le Sinopharm et le Sinovac dans leur liste de vaccins autorisés pour accéder au Royaume saoudien ? Des représentations en ce sens ont bel et bien été faites auprès du PMO et diverses autres instances, mais jusqu’ici ces démarches ne semblent avoir rien donné. D’ailleurs, le silence de Showkutally Soodhun, qui se proclame toujours ambassadeur de Maurice en Arabie Saoudite, est diversement interprété. « Pourquoi n’intervient-il pas auprès du Prince Salman pour trouver une solution ? », se demande-t-on. Le Dr Zouberr Joomaye est aussi pointé du doigt. « Si l’ambassade pas pe kapave fer nanrien, Dr Joomaye ki Advisor dans PMO et qui siège sur comité Covid-19 bizin essaye trouve ene solution car négociations la c’est seulement gouvernement ki kapave fer. Eski pou ena ene special consideration pou ki sa bane personnes ki pas fine ressi fer Johnson & Johnson et AstraZeneca et ki envi alle fer oumrah gagne ene troisième dose ? », souligne-t-on dans le milieu concerné. Mais à ce stade, c’est motus et bouche cousue sur la question alors que les premiers départs pour l’oumrah débutent le mois prochain.