Overdose d’exemples

« Moi mo pé donne overdose d’exemples ». C’est en se bombant les torses que le Premier ministre a prononcé ces mots lors d’une cérémonie d’inauguration à Flacq, jeudi. On ne le contredira certainement pas car, ne dit-on pas que l’exemple vient d’en haut ? Mais quel exemple Pravind Jugnauth donne-t-il justement ? Celui de nommer l’épouse du Deputy Speaker, en l’occurrence Namrata Gaya-Teeluckdharry, comme membre de la National Preventive Mechanism Division (NPMD), alors qu’il avait promis que son gouvernement mettrait une halte aux nominations des proches du pouvoir ? Pour ne pas déplaire à la charmante moitié de Sanjeev Teeluckdharry qui appréhendait déjà les critiques à peine eut-elle prêté serment, on retiendra nos mauvaises langues et fera semblant que son attribution n’a rien à voir avec les récentes sorties publiques du député du no 5 contre la National Human Rights Commission (NHRC), instance qui gère la NPMD. On s’efforcera donc de nous convaincre que le Premier ministre a su donner le bon exemple en valorisant les compétences de la jeune avouée, histoire de garantir des chances égales à tous. C’est nous, « bane seki reste dans buro écrire », qui y voyons une tentative de faire taire son époux et de le ramener dans les rangs.

On se convaincra aussi de croire que Pravind Jugnauth a donné le bon exemple en nommant ces innombrables hommes et femmes pavanant dans le giron du pouvoir en leur nommant à des postes de responsabilités. C’est ce qu’on appelle la gouvernance exemplaire. On peut d’ailleurs compter sur la promptitude du Premier ministre d’agir s’il s’avère que ces nominés s’enrichissent en pillant le pays. Comme dans les cas de Vijaya Sumputh et Youshreen Choomka par exemple. N’est-ce pas dans un élan exemplaire que le chef du gouvernement a ordonné l’institution des Fact Finding Committees (FFC) sur les allégations portées contre elles ? Tant pis si les rapports dorment maintenant dans un tiroir quelconque au Prime Minister’s Office (PMO). Le chef à bord est bien trop occupé à donner des exemples que de s’atteler à ces choses inutiles ! D’ailleurs, les démarches exemplaires version Pravind Jugnauth abondent tellement que nous ne pourrons toutes les citer ici. Overdose même. Ziska batte dans latet !

Ce que Pravind Jugnauth perçoit lui comme le bon exemple et la bonne gouvernance, la population, voire les instances internationales, le conçoit plutôt comme une gestion lamentable des affaires du pays. Préoccupé comme il est pour redorer son blason premier ministériel, le Premier ministre ne se rend peut-être pas compte que le pays dégringole constamment dans l’indice de la perception de la corruption. De la 50ème place en 2016, Maurice arrive désormais à la 54ème place. Une tendance préoccupante dont il ne semble pas se soucier. « Le respect des institutions est primordial pour la bonne gouvernance et il serait souhaitable que les nominations à la tête des institutions ne soient plus faites selon des considérations politiques mais selon le principe de la méritocratie », a fait ressortir Transparency Mauritius dans son dernier rapport. Mais nos dirigeants n’en ont peut-être pas pris connaissance encore puisque pas plus loin que vendredi, un autre membre du MSM, soit l’ancien lord-maire Oumar Kholeegan, a été propulsé comme chairman du National Adoption Council Board. Le bon exemple sous ce présent régime, c’est d’être aux petits soins à l’égard des siens d’abord. Et c’est ce que notre Premier ministre sait faire de mieux apparemment. Et pour cela, il mérite nos overdoses d’applaudissements, n’est-ce pas?