Paiement de Rs 6 milliards à Betamax : « C’est la population qui devra payer »

Le Privy Council a tranché le lundi 14 juin, et cela en faveur de Betamax. Cette compagnie réclame des dommages de Rs 5,6 milliards à la State Trading Corporation (STC), qui a un délai de sept jours, soit jusqu’à ce mardi 22 juin pour s’acquitter de cette somme. Selon le ministre Callychurn, la STC paiera Rs 2 milliards tandis que le gouvernement paiera le reste. Deux économistes, Vinaye Ancharaz et Nalini Burn, nous expliquent toutefois que c’est le peuple qui va casquer…

Le leader de l’Opposition, Xavier-Luc Duval, avait axé sa PNQ sur ce sujet, adressée au ministre du Commerce Soodesh Callichurn. Ce dernier devait indiquer que la State Trading Corporation paiera Rs 2 milliards de ses réserves, tandis que le reste, soit plus de Rs 3 milliards, sera déboursé par le gouvernement.

Pour l’économiste Vinaye Ancharaz, cela met le gouvernement encore plus à mal. « Dans le Budget 2021-2022, on peut voir que la marge de manœuvre du gouvernement était déjà bien restreint », remarque-t-il. Il prend note aussi que le gouvernement avait déjà puisé Rs 2,4 milliards depuis les réserves de la STC pour financer son Budget.

La MIC peut-elle venir à la rescousse du gouvernement ?

Le gouvernement peut-il se servir de l’argent de la MIC ? Vinaye Ancharaz indique que dans le Budget 2021-2022, le gouvernement a déjà pris Rs 1 milliard depuis la Mauritius Investment Corporation (MIC) pour financer ses projets d’infrastructure, alors que la MIC était supposée investir dans des compagnies des secteurs stratégiques qui s’étaient retrouvées en difficulté avec la pandémie de covid-19.

Une autre option, explique-t-il, est la ‘Special Fund’. C’est quoi la ‘Special Fund’ ? Selon l’économiste, c’est un fonds qui avait été créé, et où l’argent s’est accumulé, parfois de manière controversée. D’après les chiffres, il y aurait environ Rs 20 milliards qui seraient restées dans ce fonds, après que le gouvernement en ait puisé une partie pour le Budget. Le gouvernement peut ainsi puiser Rs 5,46 milliards pour payer Betamax. « Le problème, c’est qu’on se sert de ce fonds pour financer des projets capitaux. Du point de vue strictement comptabilité, le gouvernement n’a pas le droit de prendre de l’argent dans le ‘Special Fund’ même si cet argent est disponible. »

De l’autre côté, ajoute-t-il, le gouvernement peut utiliser d’autres fonds existants pour payer les dommages à Betamax. L’économiste explique que pour le présent Budget, le gouvernement a pris Rs 9 milliards des ‘State-Owned Enterprises’, dont les Rs 2,4 milliards de la STC.

L’économiste tient à souligner que dans tout cela, indirectement, c’est la population qui devra payer. « Cela doit être clair ! Tout l’argent du gouvernement vient du peuple. C’est le peuple qui finance un projet indirectement. Peu importe la façon dont on va payer Betamax, en fin de compte, c’est le peuple qui paiera ça », souligne-t-il.

« Le pays paiera tôt ou tard »

« Peu importe d’où sortent ces milliards pour payer Betamax, cela alourdira la dette  à moins de suspendre les dépenses d’investissements peu rentables et de prestige, à caractère politique », soutient Nalini Burn, économiste.

Cette dernière est d’avis que le gouvernement a fait le mauvais choix pour mitiger ou atténuer les décisions prises par le gouvernement précédent. Elle maintient dans la même foulée que le gouvernement n’a pas vraiment exploré toutes les conséquences et tous les scénarios qui avaient été présentés devant lui mais s’est précipité. « Soit il n’a pas pris en considération les avis légaux ou ces derniers étaient erronés », conclut-elle.

Pour l’économiste Nalini Burn, quoiqu’il arrive, peu importe que soient les mauvaises mesures prises, c’est toute la population qui paiera. Et comme les taxes sont sur la consommation, et qui sont de nature régressive de surcroît, les plus pauvres paieront proportionnellement plus par rapport à leurs revenus. « Du moment que c’est la population qui paie pour les conséquences des  mauvaises décisions du gouvernement, on est vulnérable », avertit-elle. « Il  faut impérativement changer cette impunité et irresponsabilité. Ils pratiquent une vendetta politique à nos frais », lance-t-elle.

Betamax

Navin Ramgoolam : « Depi ine casse contrat, nou pe perdi »

Navin Ramgoolam, ancien Premier ministre, ne reste pas insensible face au jugement du Privy Council sur Betamax. Son gouvernement avait été accusé d’avoir favorisé la compagnie de Vikram Bhunjun en lui octroyant ce contrat jugé en béton. Or, Navin Ramgoolam rappelle que le contrat avait été octroyé après les conclusions faites dans le rapport commandité auprès du cabinet d’expert-comptable BDO en 2009. Ce rapport avait conclu que l’offre de Betamax était plus avantageuse et plus compétitive par rapport aux taux de frets payés par STC. « D’ailleurs, ena preuve. Quand zot ine casse contrat, zot ine alle prend fret lor spot market et zot ine paye plus cher. Depi sa nou pe perdi. Zordi, enkor pli pire puisque fret ine monté mové kalité », insiste l’ancien Premier ministre. « Nou ti ena ene ajustement pou l’inflation, mais li ti ene prix fixe. Donc, nou ti pou paye moins cher mem la », poursuit-il.

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