Patrick Assirvaden : « C’est un gouvernement-courtier que nous avons actuellement » 

 

  • « SAJ avait déjà vendu des passeports diplomatiques en 1983 […] Si Pravind Jugnauth est vraiment honnête, qu’il révèle à la population quel cabinet d’avocats agissait comme courtier à cette époque » 

Il blâme la gestion catastrophique des secteurs de l’eau et de l’électricité. Et  prend pour cible le Deputy Prime Minister et ministre des Utilités publiques, Ivan Collendavelloo. Patrick Assirvaden ne mâche pas ses mots envers ce dernier, l’accusant même d’avoir perdu toute crédibilité en tant que politicien. Le président du Parti Travailliste soutient par ailleurs que les élections générales sont derrière la porte et croit dur comme fer que son parti reprendra bientôt le pouvoir.

Q: Pravind Jugnauth a finalement rejeté une hausse du prix de l’eau. Vous réjouissez-vous du fait que son bon sens ait prévalu sur le déraisonnement de son adjoint ?

Au sein du Parti Travailliste, on avait toujours maintenu que l’augmentation du prix de l’eau et la privatisation de la CWA ne figuraient pas dans le programme électoral de la défunte Alliance Lepep qui avait, au contraire, promis la fourniture d’eau sur une base 24/7. Or, Collendavelloo a fait volte-face après trois ans et demi au pouvoir et à la veille des prochaines élections générales en venant de l’avant avec un projet de privatisation. Car l’affermage, disons-le haut et fort, est une privatisation déguisée. Collendavelloo, rappelons-le, avait aussi soutenu que l’augmentation du prix de l’eau n’était qu’une question de jours et que le nouveau tarif était fin prêt. Pravind Jugnauth lui a cependant infligé une gifle magistrale en rejetant toute hausse. Ce dernier sait pertinemment bien qu’il y a un mécontentement généralisé dans le pays et qu’une hausse du prix de l’eau sonnerait le glas de son gouvernement qui est déjà en nette perte de vitesse. Ce qui est triste, c’est que la restructuration tant attendue de la CWA n’aura finalement pas lieu.

Q: La restructuration de la CWA peut-elle se faire sans qu’il y ait d’affermage qui risque d’entraîner des dépenses moyennant les Rs 300 millions avant même qu’il n’aboutisse ?

Effectivement! Le souci majeur de la CWA demeure les fuites d’eau, comme l’a concédé Collendavelloo. Mais ce problème avait déjà été diagnostiqué sous le gouvernement travailliste et le remplacement des tuyaux avait déjà commencé. Collendavelloo n’a donc rien fait de nouveau depuis ces trois ans et demi. Les solutions, il y en a. Primo, il faut que le remplacement des tuyaux usés se poursuive. Secundo, il doit y avoir une gestion saine car actuellement 93% de l’eau de la pluie se déverse éventuellement dans la mer. Tertio, il faut introduire une politique résidentielle de captage d’eau comme à Rodrigues. Et finalement, il faut qu’il y ait au moins une dizaine de réservoirs régionaux pour capter l’eau de la pluie.

Q: D’autres réservoirs qui finiront comme le Bagatelle Dam qui ne fonctionne toujours pas à plein rendement étant privé de station de traitement d’eau?

Cela ne fait que mettre en exergue l’incompétence de ce gouvernement! Imaginez-vous, la construction du Bagatelle Dam avait presque terminé sous le précédent gouvernement. Il ne restait que la construction de la station de traitement d’eau, mais ce gouvernement a été incapable de le faire pendant tout ce temps. Conséquence : de l’eau non-traitée a été distribuée aux abonnés des Plaines-Wilhems. C’est une honte! Ivan Collendavelloo n’a plus de dignité et de crédibilité comme politicien.

Q: Finalement, la fourniture d’eau sur une base 24/ 7 telle que promise par la défunte Alliance Lepep ne sera qu’une utopie?

Non seulement une utopie, je dirais même que c’est une des plus grosses escroqueries de ce gouvernement. La fourniture d’eau sur une base 24/ 7 était l’une des mesures phares de son programme électoral, mais au lieu de la réaliser, le gouvernement est sur le point de vendre la CWA. Ce régime se spécialise dans la vente des terres, des plages, de la CWA, des passeports et même de la nationalité mauricienne. C’est un gouvernement-courtier que nous avons actuellement. Il ne fait que tout vendre.

Q: En parlant de “vente” de la nationalité mauricienne, Pravind Jugnauth a révélé que pas moins que 318 étrangers ont obtenu la citoyenneté de 2005 à 2014. Un tel parallèle est-il justifié?

Il tente de berner la population en faisant un tel parallèle. Il y avait, certes, des règlements bien définis par le Board of Investment (BOI) pour attirer des investisseurs et ces derniers pouvaient obtenir la citoyenneté au bout d’une certaine période s’ils répondaient aux critères. Mais là c’est complètement différent. N’importe qui, qu’il soit investisseur ou pas, peut s’offrir un passeport. Certains peuvent venir blanchir leur argent alors que d’autres pourraient avoir l’exil. C’est un gouvernement qui manque de vision et qui ne peut attirer des investisseurs. Mais, à bien y voir, cette mesure n’a vraiment rien d’étonnant puisque SAJ avait déjà vendu des passeports diplomatiques en 1983. Il l’a d’ailleurs avoué à l’Assemblée nationale cette semaine. Si Pravind Jugnauth est vraiment honnête, qu’il révèle à la population quel cabinet d’avocats agissait comme courtier à cette époque! Il doit aussi révéler s’il a déjà l’expérience requise dans la vente des passeports.

Q: Abordons le volet énergétique. Ivan Collendavelloo compte revoir les contrats des Independent Power Producers (IPP). Cela peut-il avoir des conséquences sur la production énergétique ou sur le prix de l’électricité?

Collendavelloo se rend presque ridicule en parlant de révision des contrats avec les IPP. Pourquoi n’a-t-il pas jugé bon de le faire pendant tout ce temps? C’est encore plus ahurissant quand on sait que ses hommes sont en train de négocier avec Altéo pour la production de 90% MW d’électricité. Si jamais il fait des faveurs à cette compagnie, il passera pour un traître. D’ailleurs, le PTr le veillera au grain. Collendavelloo a également failli sur le dossier énergétique. Le MID (Maurice Ile Durable) a été démantelé, le contrat de Joël de Rosnay, qui est un éminent scientifique, a été résilié et il n’y a eu point de politique de maîtrise de la demande d’énergie ou de restructuration du CEB. Il s’est contenté de gérer son ministère sur un ‘day-to-day basis‘. C’est un gouvernement incompétent et la population en a eu marre de lui. Le souhait généralisé, c’est que le PTr revienne au pouvoir.

Q: Vous êtes déjà en mode électoral?

Les élections générales sont derrière la porte et le PTr, dirigé par Navin Ramgoolam, se prépare activement à les affronter. Nous avons déjà enclenché des réflexions en profondeur puisque nous sommes conscients des responsabilités qui reposent sur nos épaules. Il nous faut une équipe composée de jeunes professionnels et des expérimentés afin que nous puissions relever les défis car, au rythme où vont les choses, nous hériterons d’un pays en ruine.