Pilotage automatique

Y a-t-il un capitaine à bord au ministère des Finances ? Depuis la présentation du dernier budget, il y a un silence radio du côté de ce ministère. Pourtant, la relance de l’économie était censée être l’une des priorités de ce gouvernement. La baguette magique de Vishnu Lutchmeenaraidoo s’étant cassée bien avant qu’il n’ait pu faire le moindre tour de magie, on priait ardemment pour que Pravind Jugnauth se montre à la hauteur de la tâche herculéenne qui l’attendait. Les défis économiques étant énormes, surtout avec le post-Brexit et la crise guettant l’industrie sucrière, il fallait plus que jamais que des mesures solides et concrètes soient prises afin que notre économie ne soit pas affectée. Or, une des principales mesures annoncées dans le budget pour renflouer les caisses de l’État, soit la « vente »  du passeport mauricien, s’est avérée plus préjudiciable que bénéfique pour notre économie. Son introduction est d’ailleurs plus que jamais compromettante.

Depuis, les apprentis sorciers du ministère des Finances se sont enfermés de nouveau dans leur tour d’ivoire, laissant la destinée économique du pays entre les mains d’un Pravind Jugnauth qui est déjà trop dépassé par les événements. Ce dernier est plus enclin à redorer son image et celui de son gouvernement, après les nombreuses secousses subies par celui-ci, au lieu de se concentrer sur la situation économique du pays. Par ricochet, le ministère des Finances fonctionne en mode pilotage automatique. Le résultat, comme on pouvait s’y attendre, est loin d’être reluisant. Il y a, d’un côté, des pillages systématiques des deniers publics par des proches du gouvernement alors que de l’autre, des organismes parapublics, dont l’État est actionnaire majoritaire, accumulent, les uns après autres, des pertes de plus des centaines de millions de roupies en raison de l’incompétence de ceux qui les dirigent. À titre d’exemple, Air Mauritius, classé dans le Top 10 des pires compagnies aériennes par AirHelp, a engendré, durant les trois premiers mois de 2018, des pertes de Rs 591 millions. Le trésor public est ainsi saigné à blanc sans que le Grand Argentier ne s’en soucie.

Pravind Jugnauth n’a même pas daigné commenter le cas de la State Bank of Mauritius (SBM), soit l’une des plus importantes banques du pays, alors que son Chief Executive Officer (CEO), Raj Dossoye, a été contraint de démissionner suite à un prêt douteux de Rs 932 millions. Qui en assumera les conséquences ? On n’en saura pas plus. L’indifférence de Pravind Jugnauth risque ainsi de nous coûter cher. Très cher même. Puisqu’il a déjà d’autres chats à fouetter, il doit se résigner à céder le portefeuille des Finances à quelqu’un d’autre. Car ce ministère est bien trop important pour être géré à temps partiel. Les intérêts du pays doivent primer sur toutes autres considérations politiques. D’autant qu’à la fin de son mandat, il sera également jugé sur sa performance en tant que Grand Argentier. Un costume qui s’est jusqu’ici révélé être trop grand pour lui.  D’ailleurs, la dernière fois qu’il l’avait porté, il s’était retrouvé empêtré dans l’affaire Medpoint…