Plaine Verte d’antan – une région arc-en-ciel Louckmaan Lallmahomed : « J’ai toujours résisté à la tentation de vivre ailleurs »

L’auteur a récemment lancé son troisième livre dont le titre est  Plaine Verte d’antan – une région arc-en-ciel.” Nous avons voulu en savoir plus quant à sa motivation de faire publier ce livre à compte d’auteur mais aussi quels sont les messages qu’il souhaite transmettre par le biais de ce livre-témoignage.

Q 1 : Louckmaan Lallmahomed qu’est-ce qui vous motive à écrire ?

R : C’est une longue histoire. Autrefois, on me sollicitait pour écrire un article de manière conjoncturelle pour un magazine que faisait publier un club de jeunes ou une institution secondaire. Cependant, j’écris surtout pour ma satisfaction personnelle comme ce fut le cas dans les journaux par le truchement d’une réflexion, d’une opinion ou d’une prise de position sur des questions relevant de l’actualité.

Q 2 : Qu’est-ce explique le titre plutôt évocateur de votre dernier livre ?

 R : Ecoutez, ce titre a été choisi après mûre réflexion. Il évoque les années de mon enfance à Plaine Verte où je suis né et où j’habite toujours. Comme je l’ai dit déjà, lors du lancement, pendant cette période, allons dire de 1957 à 1967, j’y ai vécu les plus belles années de ma vie. Je raconte avec une certaine nostalgie le bon vieux temps, l’harmonie sociale, le vivre-ensemble et le sens de la solidarité qui régnaient à l’époque entre familles musulmanes, chrétiennes, sino-mauriciennes, tamoules et hindoues. Bref, un temps révolu mais dont je garde toujours de bons souvenirs.

Q 3 : Justement, pourquoi cette insistance sur le vivre-ensemble et cette solidarité qui avaient cours à l’époque ?

R : Comme je l’ai évoqué dans mon livre, en ce temps-là, le vivre-ensemble se traduisait par des invitations suivies des rencontres à caractère social pour célébrer le Divali, la fête de la lumière ;  Noel, la naissance de Jésus ou encore la fête du printemps, le Nouvel An chinois. La solidarité était une valeur sûre. Lors d’un malheur, par exemple une mortalité ou d’une occasion de réjouissance, allons dire un mariage, on pouvait compter sur l’aide des voisins mais aussi des proches. Certes, les temps étaient durs mais l’entraide, la solidarité  et la générosité étaient les maitres-mots d’un code de vie.

Q 4. : Pour vous, qu’est-ce qui explique cette volonté de vivre à Plaine Verte ?

R : Cela relève d’un choix volontaire et délibéré. Vous savez, je me sens très à l’aise à Plaine Verte. Pour chaque jour qui passe, Plaine Verte est un passage obligé sauf quand je suis à l’étranger. D’ailleurs, mon interaction avec les habitants de toutes les couches sociales, a été un peu la muse qui a permis l’ébauche et la publication de ce livre.  Cette interaction a été comme des riches enseignements à l’école de la vie.  À  Maurice, j’ai surtout travaillé comme enseignant  au collège Eden de la rue Labourdonnais, au collège Bhujoharry de la rue St Georges et au Muslim Girls College de la rue Dr. Eugène Laurent, entre autres, soit dans ce qu’on appelle communément le Ward IV. Eh bien, plusieurs fois, des amis ou des collègues m’ont conseillé de venir habiter cette région car je ferais une petite fortune en termes de paiement pour des leçons particulières. Mais, j’ai toujours résisté à cette tentation. Autant dire, je n’ai jamais regretté de vivre dans cette région.

Q 5 : Les fléaux sociaux font des ravages un peu partout dans l’île dont la région de Plaine Verte …

R : En effet. Cette région n’en est pas exemptée. Néanmoins, Plaine Verte fait la fierté de ses habitants de par le fait qu’elle est le berceau de deux institutions de renom – le Madad-Ul-Islam Girls College et de l’Islamic Cultural College qui, faut-il le rappeler,  accueillent des élèves de toutes communautés confondues. Plaine Verte est surtout un havre de paix où il fait bon vivre, où coexistent la mosquée Al Aqsa de la rue Hassen Sakir, l’église anglicane de la rue St Paul,  la pagode Fook Soo Am de la rue Magon et l’église catholique St François Xavier, entre autres. Les habitants y vivent en bonne intelligence. D’ailleurs, on n’a jamais enregistré des cas où une tête brûlée avait osé lancer ne serait-ce qu’une pierre ou griffonner des graffitis offensants et provocateurs sur les murs d’un lieu de culte.

Q 6 : Pourtant, nombreux sont ces jeunes de Plaine Verte qui n’arrivent pas à emprunter le droit chemin. Qu’en pensez-vous ?

R : Cela est dû à un manque de formation sur le plan social. Autrefois, à mon époque, lorsque j’étais jeune, il y avait une rivalité saine entre des clubs et des fédérations de jeunesse pour recruter des membres et former des jeunes et leur inculquer des valeurs morales, la pratique du sport, le respect des autres. C’était un vrai processus de socialisation en vue de faire face aux aléas de la vie d’adulte. De nos jours, il est malheureux de le constater : les jeunes ne bénéficient pas  de cette phase de socialisation – d’où une certaine dérive. Outre, les clubs de jeunesse, le scoutisme jouait le rôle d’une vraie école de formation. D’ailleurs, dans mon livre, je rends hommage à ces formateurs émérites du mouvement scout à Plaine Verte, dont le regretté Osman Gendoo.

Q 7 : Vous estimez que Plaine Verte était à l’époque un carrefour de cultures. Expliquez-nous.

R : Effectivement. À  l’époque, Plaine Verte hébergeait diverses communautés qui se côtoyaient et vivaient en parfaite harmonie. Et par extension, cette région était le carrefour de plusieurs cultures – une région avant-gardiste où les jeunes vivaient les prémices d’un multiculturalisme naissant. Ils appréciaient la bonne musique et les chansons des films indiens interprétées par Mohamed Rafi, Mukesh Chand Mathur, Talat Mahmood et autre Manna Dey et aussi celles de Cliff Richard, Elvis Presley, Paul Anka et Jim Reeves, entre autres mais également les segas de Serge Lebrasse, Roger Clency, Cyril Labonne et Roger Augustin. Par ailleurs, des jeunes musulmans ne se faisaient pas prier pour aller voir et apprécier des films d’inspiration biblique en compagnie de leurs amis chrétiens tels que ‘Les Dix Commandements’ ou ‘Joseph vendu par ses frères. ’ D’ailleurs, lorsque j’étais en première année de HSC au collège Bhujoharry, un des livres prescrits au programme d’études était ‘Samson Agonistes’ de John Milton – d’où peut-être aussi cet intérêt accentué pour une culture générale.

Hors texte (encadré)

L’auteur est enseignant de carrière. Il détient un Teachers’ Diploma ( Anglais et Français), un Diplôme d’Etudes Universitaires Générales ( DEUG), une Licence des Lettres Modernes (LLM) et un Post Graduate Certificate in Education (PGCE). Durant son parcours professionnel, il a également enseigné en Zambie et aux Seychelles.

En 2018, il a fait publier ‘ Survivre dans la brousse africaine’ et en 2019  ‘The Tiger Fish and Other Stories.’ Il a également développé une passion pour le journalisme pendant ces trente dernières années. À   cet effet, il a suivi des cours de journalisme à l’Alliance Française, à la M B C et au Media Trust, entre autres. Ainsi, comme tant d’autres professionnels du journalisme, il a passé ces trente dernières années à temps partiel ou à plein temps dans une salle de rédaction. Le livre est en vente aux endroits suivants : Librairie Bourbon,  University Bookshop (rue Desforges) et Islamic Stationery, Plaine Verte”