Plan d’action presque inexistant

Malgré la vulnérabilité de Maurice aux aléas du climat

  • « S’il n’y a plus d’îles extérieures, il n’y a plus de zone économique exclusive (ZEE) », prévient l’océanographe Vassen Kauppaymuthu

Alors que Maurice compte parmi les états vulnérables au réchauffement climatique, et alors que le gouvernement mauricien a réaffirmé au COP-27 son engagement à réduire les émissions des gaz à effet de serre, l’on notera que ce dernier mène une politique plutôt contradictoire sur le plan local.

Le réchauffement climatique concerne la température de l’atmosphère et celle des océans. Quand l’atmosphère se réchauffe, il y a la fonte des glaciers en Antarctique et une montée du niveau de la mer. « Maurice fait partie des pays les plus vulnérable au monde sur le plan du réchauffement climatique », souligne Sunil Dowarkasing, ancien stratège de Greepeance Global. Le réchauffement climatique à Maurice a dépassé la moyenne globale de 1.1 oC et a atteint 1.3 oC. Si cette tendance continue, d’ici 2030, le réchauffement finira par atteindre 1.5 oC à Maurice, et ce sera catastrophique pour les habitants.

Il y a en effet plusieurs effets néfastes associés avec le réchauffement climatique. Tout d’abord, le niveau de la mer montera. Ici aussi, Maurice a dépassé la moyenne globale de 3.6 mm par année, et on est actuellement à 6.8 mm, alors que le ministre de l’Environnement Kavi Ramano estime, lui, ce chiffre à 5,5 mm (voir plus loin). « Le rythme de la montée de l’eau de mer à Maurice est préoccupant », avertit Sunil Dowarkasing.

Avec cette montée, ce seront les coraux qui seront affectés en premier. « Il y a une possibilité que nous perdions jusqu’à 50 % de nos récifs », explique l’ancien stratège.  Les récifs brisent la force des vagues. S’il n’y a plus de coraux, les vagues viendront s’écraser sur nos plages, ce qui accentuera le problème érosion des sables.

Le niveau d’acidité de l’océan augmentera aussi, ce qui aura à son tour un impact sur l’écosystème marin. En effet, avec l’acidification de la mer, il y aura la perte des microplanctons, qui produisent 50 % de notre oxygène.

Aussi, l’érosion du sable deviendra inévitable. Selon Sunil Dowarkasing, on a déjà commencé à perdre nos plages grâce à cette érosion, dont beaucoup sont déjà dans un état très fragile. Or, cela aura un gros impact sur notre secteur du tourisme, qui est un pilier important de notre économie. Sunil Dowarkasing ajoute que d’après le ‘Mauritius Tourism Strategy Plan’, il est estimé que dans les 50 années à venir, on va perdre tous nos plages.

Un autre effet indésirable du changement climatique est que notre île devra faire face à une aggravation des conditions météorologiques. Selon Sunil Dowarkasing, plusieurs rapports scientifiques prévoient que le réchauffement climatique conduira à des cyclones de catégories 3, 4 et 5 dans l’ouest de l’Océan Indien.

Selon Vassen Kauppaymuthu, océanographe, Maurice a 320 km de côtes et 220 km de plages. Or, partout, cela est en train de reculer, ce qui constitue une menace pour les hôtels et les infrastructures côtières dont les routes.

Ajouté à cela, la montée de l’eau de mer peut s’infiltrer dans nos nappes d’eaux souterraines, et les affecter. Selon Vassen Kauppaymuthu, à Maurice, 70 % de nos eaux proviennent vient de l’eau souterraine. La montée de l’eau de mer va fait disparaître plus rapidement nos îles extérieures comme St. Brandon, Agalega, Tromelin et les Chagos, qui sont des bancs de sable. Il ne restera alors que la zone maritime autour de Maurice et Rodrigues, car ces dernières sont des îles élevées « S’il n’y a plus d’îles extérieures, il n’y a plus de zone économique exclusive (ZEE) », prévient l’océanographe. Ainsi, notre ZEE de 3 millions m2 peut d’un seul coup être réduit à 1 million m2.

Avec plus d’émission d’oxyde de carbone dans l’atmosphère, il y a plus d’acide carbonique, ce qui fondra nos coraux et tuera nos animaux marins et nos coquillages. « Il y aura un débalancement total de l’écosystème marin », met en garde Vassen Kauppaymuthu. « À la source de tous ces problèmes, il y a le réchauffement climatique », résume-t-il.

La position contradictoire de Maurice

Mais quand on observe la position de Maurice à la COP-26 et à la COP-27, elle est plutôt contradictoire. Dans ce contexte, il est bon de noter que selon les données de ‘Statistics Mauritius’ publiées le 28 juillet 2022, le secteur de l’énergie émet à lui seul 79,3 % des émissions totales des gaz à effet de serre.

D’après le discours du Premier ministre, Pravind Jugnauth le 1er novembre 2021 durant la COP-26 en Écosse, il avait expliqué que Maurice a comme objectifs la réduction des émissions des gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030 ; d’atteindre 60 % d’énergie verte dans notre mix énergétique d’ici 2030 et ; d’éliminer progressivement le charbon dans la production d’électricité avant 2030.

Mais de l’autre côté, le gouvernement compte investir plusieurs millions pour la construction de deux réservoirs d’huile lourde à St. Louis. Un appel d’offre a déjà été émis le 6 octobre. Selon Sunil Dowarkasing, en ce qui concerne l’émission de carbone, il y a une augmentation de 3.4 % l’année dernière. Toujours selon lui, l’utilisation de charbon à Maurice a augmenté par 11.5 %. Il maintient aussi qu’en ce qui concerne l’énergie renouvelable, on a régressé par 5.6 % l’année dernière. Il affirme que le gouvernement n’a aucun plan d’action pour atteindre ses objectifs. « Zot pe kouyoun dimoun ! Pann fer okenn sanzement fondamental », fustige Sunil Dowarkasing.

Le gouvernement n’a-t-il pas passé une loi contre l’utilisation du plastique ? Sunil Dowarkasing nous répond que « le gouvernement a interdit une seule catégorie de plastique. » Ce qui, selon lui, a été une nuisance pour les petits commerçants tandis que les grands importateurs de plastique n’ont jamais été inquiétés. Il fait ainsi remarquer que les emballages en plastique et les bouteilles en plastique des boissons gazeuses n’ont jamais été interdites.

Le niveau de la mer monte par 5,6 mm par an à Maurice, selon le ministre Ramano

La conférence mondiale de l’ONU sur le climat s’est tenue à Charm El-Cheikh en Egypte du 6 au 18 novembre. Pendant 12 jours, les représentants de près de 200 pays se sont rassemblés pour élaborer leur politique contre le réchauffement climatique, qui est une réalité qu’on ne pourra plus ignorer.

Cette année-ci, la COP-27 s’est focalisée sur le concept de l’Atténuation, notamment les efforts que les pays devront entreprendre pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. En outre, les pays ont été amenés à élaborer une politique pour réduire l’impact du réchauffement climatique sur eux.

Lors de son discours, le ministre de l’Environnement, Kavi Ramano, a reconnu que Maurice subit les effets du réchauffement climatique. Il a ainsi admis que nos températures se sont élevées à 1,39 oC et que le niveau de la mer monte par 5,6 mm par an à Maurice, tandis qu’à Rodrigues, ce niveau est de 9 mm. Le ministre a aussi admis que nos plages se sont rétrécies par 20 mètres, et il est courant que cela aura un impact sur le tourisme. Il a réaffirmé que Maurice continue sa lutte pour réduire notre émission de carbone et de faire en sorte que Maurice devienne une île verte et résiliente vers 2070.